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Devant les nombreux points rapprochant le métabolisme du Trp et la PCU, et le peu de données existantes sur le sujet, il nous a paru important d’initier des recherches en ce sens. Pour cela, nous avons dosé les métabolites du Trp dans le sang de 6 patients adultes phénylcétonuriques suivis au Centre Hospitalier de Grenoble-Alpes (CHUGA). Cette étude a fait l’objet d’une déclaration de conservation et préparation à des fins scientifiques d’éléments du corps humain (dossier enregistré sous le n° DC-2016-2741). Les résultats obtenus sont relatés dans la Publication n°4.

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Publication n°4

« Dosage sanguin des métabolites de la voie du tryptophane dans le suivi

biologique des patients atteints de phénylcétonurie : étude chez 6 patients

adultes et perspectives »

L Boulet, G Besson, P Faure, V Ducros, C Corne

Annales de Biologie Clinique 2018; 76(2): 150-6

doi:10.1684/abc.2018.1334

150 Pour citer cet article : Boulet L, Besson G, Faure P, Ducros V, Corne C. Dosage sanguin des métabolites de la voie du tryptophane dans le suivi biologique des patientsatteints de phénylcétonurie : étude chez 6 patients adultes et perspectives. Ann Biol Clin 2018 ; 76(2) : 150-6 doi:10.1684/abc.2018.1334

Article original

Ann Biol Clin 2018 ; 76 (2) : 150-6

Dosage sanguin des métabolites de la voie

du tryptophane dans le suivi biologique

des patients atteints de phénylcétonurie :

étude chez 6 patients adultes et perspectives

Tryptophan metabolism: utility of plasmatic assay

in phenylketonuria, a study in 6 adult patients

Lysiane Boulet1 Gérard Besson2 Patrice Faure3 Véronique Ducros3 Christelle Corne1

1Laboratoire des maladies héréditaires du métabolisme, Service de biochimie, biologie moléculaire, toxicologie environnementale, CHU de

Grenoble-Alpes site Nord - Institut de biologie et de pathologie, La Tronche, France

<lboulet1@chu-grenoble.fr> 2Service de neurologie générale, CHU de Grenoble-Alpes site Nord, La Tronche, France

3Laboratoire de biochimie hormonale et nutritionnelle, Service de biochimie, biologie moléculaire, toxicologie environnementale, CHU de

Grenoble-Alpes site Nord - Institut de biologie et de pathologie, La Tronche, France

Article rec¸u le 20 septembre 2017, accept ´e le 07 novembre 2017

Résumé. La phénylcétonurie (PCU ; OMIM 261600) est une maladie liée à un déficit de la voie catabolique de la phénylalanine (Phe), et responsable d’un important retard mental si non traitée. Malgré plusieurs points communs entre le métabolisme de la Phe et celui du tryptophane (Trp), peu de données sont connues concernant l’implication des métabolites du Trp dans la PCU. Notre objectif était d’évaluer les modifications éventuelles de ce métabolisme dans une population phénylcétonurique adulte. Une étude monocentrique a été réa-lisée, dans laquelle 6 patients adultes phénylcétonuriques ont été recrutés. Pour chaque patient à jeun, le dosage plasmatique de 9 métabolites de la voie du Trp a été effectué par spectrométrie de masse en tandem. Les principaux fac-teurs confondants ont été étudiés. Nous avons mis en évidence une diminution significative des concentrations plasmatiques du tryptophane, de la kynurénine et de la 3-hydroxykynurénine dans notre groupe phénylcétonurique adulte par rapport à notre population de référence (test de Mann et Whitney, p < 0,05). Cette étude préliminaire montre des modifications du catabolisme du Trp dans le sang périphérique des adultes phénylcétonuriques non traités. D’autres inves-tigations sont nécessaires pour comprendre l’implication de ce catabolisme, que ce soit via la voie des kynurénines ou celle de la sérotonine, dans les symptômes neurologiques des patients phénylcétonuriques.

Mots clés : phénylcétonurie, tryptophane, kynurénine, 3-hydroxykynurénine

Abstract. Phenylketonuria (PKU, OMIM 261600) is an autosomal recessive inborn error of metabolism caused by a deficiency of the hepatic enzyme phe-nylalanine hydroxylase (PAH; EC 1.14.16.1). If untreated, the disease leads to an important intellectual disability (IQ <50). Although many facts are com-mon between phenylalanine (Phe) and tryptophan (Trp) metabolism, little is known about Trp metabolism modification in PKU. Our aim was to evaluate the modifications of Trp metabolism in a phenylketonuric population. A mono-centric study was conducted between October 2016 and March 2017. Every phenylketonuric fasting adults were included during their annual follow up. For each patient, 9 analytes of Trp metabolism were quantified in peripheral blood using liquid chromatography coupled with tandem mass spectrometry. Mann and Whitney tests (p <0.05) were carried out in StatView 5.0 soft-ware. A total of 6 PKU patients were studied. Significant modification of Trp metabolism was shown. Indeed, three analytes, i.e. tryptophan, kynure-nine and 3-hydroxykynurenic acid, were significantly lower in phenylketonuric Tirés à part : L. Boulet

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Dosage sanguin des métabolites de la voie du tryptophane dans la phénylcétonurie

than in healthy population (p-value <0.05), without known confounding fac-tors. This study shows a significant modification of Trp metabolism in peripheral blood of phenylketonuric patients. Nevertheless, more investigations are neces-sary to confirm the modification of Trp metabolism in PKU and to determine how this metabolism is involved in neurological symptoms.

Key words: phenylketonuria, tryptophan, kynurenine, 3-hydroxykynurenic acid

La phénylcétonurie (PCU ; OMIM 261600) est une mala-die de transmission récessive autosomique liée à un déficit dans la voie du métabolisme de la phénylalanine (Phe). La première étape de cette voie consiste en une hydroxy-lation de la Phe en tyrosine (Tyr), par la phénylalanine hydroxylase hépatique (PAH ; EC 1.14.16.1), étape irré-versible de ce catabolisme et dont le déficit est à l’origine de la PCU [1]. Cette maladie, causant principalement un profond retard mental (QI < 50), est traitable grâce à l’instauration le plus précocement possible d’un régime res-treint en Phe [2]. Cette pathologie est dépistée en France depuis 1972 dans le cadre du dépistage néonatal, et sa pré-valence est d’environ 1/16 000 bébés [3]. À l’heure actuelle, aucune détérioration neurologique n’a été relatée chez les adultes PCU traités dès la naissance [4]. Cependant, un élar-gissement de la diététique engendre des anomalies de la substance blanche à l’imagerie par résonance magnétique, régressant lors de la réintroduction d’un régime strict [5], alors que des problèmes comportementaux ont été rappor-tés lors de discontinuité du régime, à titre de dépression, anxiété, comportement déplacé, agoraphobie, diminution de l’estime de soi ou névrose [6, 7]. Ces données soulèvent le problème du traitement des patients adultes pour lesquels aucun consensus international n’existe à l’heure actuelle [8], tandis que des recommandations européennes viennent de paraître [9].

Le métabolisme du tryptophane (Trp), acide aminé essen-tiel, comporte 2 grandes voies métaboliques, celle de la kynurénine (KYN) et celle de la sérotonine (5HT). La voie des kynurénines représente la majorité du catabo-lisme du Trp (environ 95 % de sa dégradation) et conduit à la synthèse intracellulaire de nicotinamide (NAD). Le Trp est d’abord métabolisé en kynurénine (KYN), via l’action de deux enzymes : l’indoléamine-2,3-dioxygénase (IDO), ubiquitaire, et la tryptophane-2,3-dioxygénase (TDO), essentiellement hépatique. La KYN permet ensuite la synthèse de différentes molécules, telles que les acides kynurénique (AK), anthranilique (AA) et 3-hydroxyanthranilique (3HA) ou la 3-hydroxykynurénine (3HK) (figure 1). La voie de la sérotonine est quantitati-vement moins importante (moins de 5 % du catabolisme du Trp), mais son métabolisme, principalement cérébral, ainsi

que son implication dans la dépression et le sommeil en font une voie primordiale.

Plusieurs points rapprochent le métabolisme du Trp de celui de la Phe. Tout d’abord, le Trp nécessite le transpor-teur des L-acides aminés de type 1 (LAT1) pour franchir la barrière hémato-encéphalique (BHE). Or ce transpor-teur est quasiment saturé à l’état physiologique et possède une affinité bien plus élevée pour la Phe que pour le Trp [10]. Chez les patients PCU, une diminution de la concen-tration cérébrale de Trp a d’ailleurs été retrouvée lors d’autopsie, ainsi qu’une baisse des métabolites du 5HT dans le LCR [11]. Il est donc envisageable que les problèmes d’humeur présents en cas d’augmentation de la Phe san-guine soient provoqués par une moindre synthèse de 5HT au niveau méningé. Ceci est corroboré par le fait que chez des adultes, une supplémentation en Trp et Tyr entraîne une amélioration de la concentration, de l’humeur, et de la réponse aux stimuli extérieurs [12]. L’origine de ce défi-cit en 5HT pourrait également s’expliquer par l’inhibition de la Trp hydroxylase (TH) par une forte concentration de Phe [13].

L’autre point rapprochant le métabolisme du Trp à celui de la Phe est le BH4, cofacteur indispensable de la PAH et de la TH, qui synthétise le 5-hydroxytryptophane (5HTP) à partir du Trp et qui est l’enzyme limitante de la synthèse de 5HT. De plus, une étude récente suppose que l’acide xanthurénique (AX) peut inhiber la sépiapterine réductase, une des enzymes nécessaires à la synthèse de BH4[14]. Enfin, il est à noter que plusieurs kynurénines possèdent des propriétés neuroactives, que ce soit par l’action neu-rotoxique du 3HK et de l’acide quinolinique (AQ), ou par l’action neuroprotectrice de AK [15], ce qui peut avoir son importance car certains adultes atteints de PCU présentent des dysfonctions neuropsychologiques inexpliquées par leur concentration de Phe sanguine [16].

Ces différentes données nous ont donc conduits à nous inter-roger sur les modifications du métabolisme du Trp (voie des kynurénines et voie du 5HT) dans la PCU. Dans cette étude, nous avons exploré cette voie métabolique dans une population de patients adultes phénylcétonuriques, afin de démontrer une éventuelle modification de ce métabolisme dans cette pathologie.

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Tableau 1. Descriptif de la population d’étude.

Sexe Âge (ans) Sous-groupe Mutations identifiées

(% d’activité résiduelle)

H 22 Adultes non traités c.838G>A (2 %)

c.838G>A (2 %)

F 29 Adulte commenc¸ant un régime c.682G>A (ND)

c.1066-11G>A (5 %)

F 25 Adultes non traités c.143T>C (39 %)

c.1066-11G>A (5 %)

F 23 Adultes non traités c.1055delG (0 %)

c.1055delG (0 %)

H 28 Adultes non traités c.526C>T (0 %)

c.734T>C (50 %) c.842C>T (2 %)

F 30 Adultes non traités c.204A>T (68 %)

c.838G>A (2 %)

F : femme ; H : homme. Le pourcentage d’activité a été obtenu selon le site BioPKU.org (consulté en septembre 2016).

N O OO OH OH NH2 NH2 NH2 NH2 O OH O OH NH2 NH2 OH N O OH OH OH N O OH H Tryptophane (Trp) Sérotonine (5HT) Kynurénine (KYN) Acide kynurénique (AK) Acide xanthurénique (AX) 3-hydroxykynurénine (3HK) Acide 3-hydroxyanthranilique (3HA) Nicotinamide Acide anthranilique (AA) 5-hydroxytryptophane (5HTP) COOH NH2 N H HO NH2 N H HO COOH NH2 O OH OH KAT KAT KYNU KYNU TpH IDO (ou TDO) 5HTP DC KMO

Figure 1. Le métabolisme du tryptophane via les voies des kynurénines et de la sérotonine. Abréviations des enzymes : IDO : indoleamine

2,3-dioxygénase ; KAT : kynurénine aminotransférase ; KMO : kynurénine monooxygénase ; KYNU : kynuréninase ; TDO : tryptophane 2,3-dioxygénase ; TpH : tryptophane hydroxylase ; 5HTP DC : 5-hydroxytryptophane décarboxylase.

Matériel et méthodes

Recrutement de la population d’étude

Les critères d’inclusion de cette étude monocentrique étaient d’être un patient majeur atteint de PCU, d’accepter

de participer à l’étude et d’être à jeun (> 12 h) au moment du prélèvement. La sélection a été réalisée dans le service de neurologie générale du CHU Grenoble-Alpes (CHUGA), lors de la visite annuelle des patients préconisée par le protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) [17].

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Dosage sanguin des métabolites de la voie du tryptophane dans la phénylcétonurie

Cette étude a fait l’objet d’une déclaration de conservation et préparation à des fins scientifiques d’éléments du corps humain. Au total, sur la période d’étude de 6 mois, 6 patients ont pu être recrutés.

Méthode de dosage des métabolites du Trp

La méthode de dosage du Trp et de 8 de ses métabolites présentés sur la figure 1 a fait l’objet d’une publication antérieure [18]. Rapidement, il s’agissait d’une méthode de métabolomique ciblée utilisant la chromatographie liquide (Dionex Ultimate 3000, ThermoScientific) couplée à de la spectrométrie de masse en tandem (API 4000, Sciex) à partir d’un échantillon plasmatique issu d’un tube EDTA. Les valeurs obtenues pour nos patients ont été comparées avec les valeurs de référence de notre méthode (issus de 30 témoins âgés de 24 à 62 ans). Ce dosage a par ailleurs été validé selon la norme NF EN ISO 15189 [19].

Méthodes de dosage de la phénylalanine (Phe), de la tyrosine (Tyr) et de la vitamine B6

Le dosage de la Phe et de la Tyr a été réalisé selon le protocole en vigueur au laboratoire, par chromatographie échangeuse d’ions à l’aide d’un Hitachi L8800 à partir d’un plasma hépariné. Le dosage de la vitamine B6 a été effectué sur sang total issu d’un tube EDTA avec le kit Chromsys-tems B1-B6 (chaîne HPLC Shimadzu Prominence), selon le protocole en vigueur au laboratoire.

Analyse des données

Les analyses statistiques ont été effectuées à l’aide de Stat-View version 5.0 (tests non paramétriques de Mann et Whitney, seuil de significativité fixé à 5 %).

Résultats

Six patients possédant les critères d’inclusion ont accepté de participer à l’étude. Le sex-ratio était de 1 homme pour 2 femmes, avec un âge moyen de 26,5 ans (minimum 22 ans, maximum 30 ans). Le descriptif de la population est présenté dans le tableau 1.

La figure 2 représente graphiquement les résultats obtenus lors du dosage de la Phe et de la Tyr pour les 6 patients PCU par rapport aux valeurs de référence du laboratoire. D’une manière globale, nous avons observé une hyperphénylala-ninémie chez tous les patients. Les résultats obtenus pour la Tyr montraient une tendance à la carence en tyrosine, 2 patients ayant des concentrations physiologiques.

Les résultats du dosage de la voie métabolique du Trp obte-nus pour les 6 patients PCU ainsi que pour notre population de référence sont représentés sur la figure 3. Nous avons observé des concentrations différentes dans ces 2

popula-tions pour plusieurs molécules. Tout d’abord, le 5HT était présent à une concentration inférieure à notre limite de quantification dans le groupe PCU. Cependant, la matrice plasmatique n’étant pas adaptée au dosage de la séroto-nine du fait de grandes variabilités intra-individuelles et pré-analytiques (observations non publiées), aucune statis-tique n’a été réalisée par la suite. Ensuite, le 3HK, la KYN et le Trp montraient des concentrations significativement diminuées par rapport à notre population de référence (p-value < 0,05). Les autres molécules dosées ne présentaient pas de différence significative entre nos 2 groupes. Ces ten-dances restent valables si l’on exclut de l’analyse la patiente commenc¸ant un régime, ou les 2 patients possédant des taux normaux de Tyr.

Pour ce qui est des facteurs confondants de la voie du Trp, il est à noter qu’un patient possédait 2 facteurs : un surpoids ainsi qu’une infection par le VIH, ce qui est connu pour activer la voie des kynurénines [20] et l’IDO [21]. Les IMC des autres patients se trouvaient dans la norme. Aucune carence en vitamine B6 (coenzyme de la kynuréninase) n’a été démontrée chez nos patients.

Les résultats obtenus montraient donc une diminution signi-ficative des concentrations sanguines de Trp, KYN et 3HK chez nos patients PCU, et ce en l’absence de facteurs confondants.

Discussion

Cette étude possède plusieurs limites. Tout d’abord, les patients recrutés sont en faible nombre (6) et hétérogènes. Une augmentation du recrutement est primordial, ce qui permettrait de plus d’envisager une étude par groupes : les patients qui suivent un régime et ceux n’en suivant pas, des stratifications en fonction de l’âge, ou encore des groupes en fonction des mutations du gène de la PAH identifiées. L’autre limite de cette étude est la nature de l’échantillon. En effet, afin de s’intéresser à la physiopathologie des atteintes neurologiques visibles dans la PCU, l’échantillon le plus judicieux serait le LCR. De même, il serait inté-ressant d’ajouter le dosage de AQ à cette étude, car cette molécule est le métabolite le plus neurotoxique connu de la voie du Trp.

Malgré ces différentes limites, nous avons pu mettre en évidence une diminution significative des concentrations plasmatiques de Trp, KYN et 3HK dans la population phé-nylcétonurique adulte. L’hyperphénylalaninémie observée dans cette population s’explique par l’absence de régime. Enfin, une tendance à l’hypotyrosinémie est observée chez nos patients, ce qui peut s’expliquer par l’absence de substitut d’acides aminés. En effet, parmi les 4 patients adultes suivis régulièrement par la diététicienne supervi-sant les régimes des patients phénylcétonuriques adultes

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du CHUGA, seulement un possède des apports protéiques journaliers à 42 g/j, soit légèrement inférieurs à l’apport normoprotidique pour l’âge (entre 50 et 80 g/j), les autres patients possèdent des apports normoprotidiques.

Deux hypothèses peuvent être avancées pour expliquer ces diminutions significatives de concentration plasmatique de Trp, KYN et 3HK dans la population phénylcétonurique adulte : une diminution de la quantité de Trp atteignant le flux sanguin, ou une augmentation de son catabolisme. En effet, une diminution de la concentration de Trp circulant retentirait sur toutes les molécules de sa voie métabolique. Une des pistes à explorer pour expliquer ce phénomène serait une diminution de l’absorption intestinale de Trp par LAT1, dont le mécanisme d’action est identique au transporteur de la BHE. L’autre hypothèse consiste en une augmentation du catabolisme de cette voie, ce qui pourrait être exploré par le dosage des métabolites terminaux dans le sang, mais également par des dosages dans les matrices d’excrétion telles que l’urine.

Afin d’explorer plus amplement cette voie métabolique dans la PCU, il est essentiel d’augmenter notre recrutement. Cela est prévu par l’analyse des 187 patients phénylcétonu-riques de l’étude ECOPHEN (étude de cohorte prospective franc¸aise visant à évaluer la fréquence des symptômes neu-ropsychiatriques chez les adultes phénylcétonuriques) [22], ce qui nous permettra également d’investiguer un possible lien entre les concentrations de ces molécules et le

retentis-sement neuropsychologique. Par ailleurs, l’exploration de ces métabolites dans le LCR de la souris PCU ENU2/ENU2 permettrait d’étayer les hypothèses physiopathologiques [23]. La mise au point du dosage de AQ serait également judicieuse.

Conclusion

Dans cette étude, nous avons mis en évidence des modi-fications du catabolisme du tryptophane dans le sang périphérique de 6 adultes phénylcétonuriques non trai-tés par rapport à une population de référence, avec une diminution significative des concentrations plas-matiques du tryptophane, de la kynurénine et de la 3-hydroxykynurénine.

L’étude des modifications de cette voie reste à explorer plus largement dans la phénylcétonurie, mais également dans d’autres pathologies héréditaires du métabolisme, comme l’acidurie glutarique de type I ou les déficits de la neurotransmission, pour lesquels la voie métabolique du Trp est impliquée. Dans la phénylcétonurie, cette explora-tion nécessite un recrutement plus important de patients, et un travail sur d’autres milieux biologiques, plus à même de répondre aux interrogations physiopathologiques. Cela contribuerait de plus à explorer l’impact de nou-velles thérapies comme celle par L-acides aminés neutres.

0 250 500 750 1 000 1 250 1 500 1 750 2 000 2 250 Phe (µM) 0 50 100 150 200 250 300 350 Tyr (µM)

Adultes non traités Adulte suivant régime Valeurs de référence

Figure 2. Concentrations plasmatiques à jeun en phénylalanine (Phe) et en tyrosine (Tyr) retrouvées dans notre population PCU lors de

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Dosage sanguin des métabolites de la voie du tryptophane dans la phénylcétonurie

2 3 4 5 6 7 8 9 10 PCU Ref 10 12,5 15 17,5 20 22,5 25 27,5 30 32,5 35 PCU Ref 10 20 30 40 50 60 70 80 90 PCU Ref 0 5 10 15 20 25 30 AA (nM) PCU Ref 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 PCU Ref 30 35 40 45 50 55 60 65 70 Trp (µM) PCU Ref ,4 ,6 ,8 1 1,2 1,4 1,6 1,8 2 2,2 2,4 2,6 5HTP (nM) AK (nM) AX (nM) KYN (µM) PCU Ref ∗∗ 10 20 30 40 50 60 70 80 3HK (nM) 3HA (nM) PCU Ref

Figure 3. Différence de concentrations dans notre population de patients PCU adultes (n = 6) par rapport à notre population de référence

(n = 30) pour 8 de nos molécules. Dans le cas du 5HTP, il s’agit d’une différence approximative, 1 sujet ayant une concentration < limite de quantification dont la valeur a été remplacée par 2,3 nM pour le calcul. Les p-values sont indiquées lorsque significatives, avec un seuil < 0,05 (*) ou < 0,01 (**).

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Grâce au recrutement de l’étude ECOPHEN, nous espérons comprendre plus amplement l’implication du catabolisme du tryptophane, que ce soit via la voie des kynurénines ou celle de la sérotonine, dans les symptômes neurologiques des patients phénylcétonuriques.

Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article. Aide financière ayant permis la réalisation du travail : prix de la Société franc¸aise des erreurs innées du métabolisme (SFEIM) 2016.

Références

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