• Aucun résultat trouvé

B. Les approches MBSE

2. Intégration des exigences géométriques et physiques dans une approche MBSE

Parallèlement, l’évaluation des différentes architectures et solutions proposées, au cours du processus de conception, nécessite de prendre en compte non seulement le besoin de toutes les parties prenantes et notamment les contraintes géométriques et physiques (ex : mécaniques, électriques, logicielles) de chaque discipline, mais aussi de s’assurer de la cohérence de ces données dans la modélisation du système par les différents acteurs, afin de pouvoir gérer plus efficacement les compromis de conception au niveau de l’architecture 3D du système. En effet, la prise en compte de la géométrie dès les premières phases de la conception est essentielle : selon Wang et al., la phase de préconception est une tâche cruciale qui nécessite une conception assistée par ordinateur (CAO) au cours du cycle de développement de produits d'ingénierie, pour permettre d'atténuer l'ambiguïté et de promouvoir la cohérence des exigences pour l'ensemble de l'équipe (Wang et al., 2002).

En parallèle, dans les approches MBSE, la nature et le nombre de modèles mis en jeu étant très variables suivant le niveau d’abstraction adressé et la maturité du projet, les architectes Système utilisent leurs connaissances expertes (Figure 10) pour pouvoir passer facilement de vues détaillées spécifiques à des vues plus abstraites de plus haut niveau (Muller, 2011).

Figure 10 : Rôles de l'architecte Système (Muller, 2011).

En effet, initialement, ils doivent recueillir et comprendre les besoins de toutes les parties prenantes : non seulement les besoins et les attentes du client, mais aussi les contraintes des fournisseurs, des employés (incluant sous-traitants) et des autres intervenants, au travers de différents moyens de communication (réunions, visites, courriels, etc.). Une fois les besoins traduits en exigences fonctionnelles et non fonctionnelles (performances, contraintes géométriques, physiques…), en collaboration avec tous les membres de l'équipe technique, les architectes Système génèrent des alternatives d’architectures de concepts qu’ils doivent faire valider par les experts disciplinaires. A ce stade, la fourniture d’une architecture 3D et l’utilisation de la simulation peut

34

s’avérer fort utile pour déterminer le positionnement des différents sous-composants et les interfaces multidomaines, en prenant en compte les contraintes des experts disciplinaires.

Pour répondre à ce besoin multidisciplinaire collaboratif de l’ingénierie système, ces différents experts s’appuient sur des modèles implémentés dans des langages et outils spécifiques. Comme décrit par Johnson, les modèles de conception peuvent être classés en deux types : les modèles du système et les modèles d'analyse (Johnson, 2008). Les modèles du système sont utilisés pour spécifier la structure, les fonctions et les comportements souhaités du système, et sont généralement réalisés par les architectes Système. Alors que les autres types de modèles, appelés modèles d'analyse, développés par les équipes multidisciplinaires, sont utilisés pour évaluer le comportement du système (modèles dynamiques, logiques, modèles éléments finis, etc).

Ainsi, pour définir le modèle du système, appelé également modèle Système, les architectes Système utilisent communément le langage SysML (Systems Modeling Language), reconnu pour soutenir l’analyse, la spécification, le support d’échange de modèles et de données dans une approche MBSE (OMG, 2010). Comme SysML est un langage de modélisation dérivé du langage UML, il bénéficie du mécanisme de spécialisation offert par les profils : SysML est un profil d’UML et peut être lui-même étendu à d’autres champs d’application. Les profils permettent un enrichissement sémantique du langage au niveau de son métamodèle, par la modification ou l’ajout de métaclasses qui représentent les nouveaux concepts (au sens ontologique). Les stéréotypes permettent de spécialiser des éléments de modélisation existants (métaclasses) comme les classes, les attributs, les opérations et les activités, afin de leur donner des propriétés spécifiques et adaptées à un domaine particulier. Les métaclasses, qui sont liées les unes aux autres par des généralisations et des associations, ont alors un ensemble de propriétés et de contraintes que les concepteurs peuvent instancier pour créer leurs modèles avec une sémantique plus riche. Par conséquent, toute extension de SysML ou profil en UML, permet d'enrichir les modèles avec des éléments personnalisés afin de répondre à des besoins disciplinaires spécifiques et éviter des ambiguïtés sémantiques (Friendenthal et al., 2009). Pour autant, même si SysML ne spécifie pas de méthodologie particulière pour définir une architecture Système à partir d’exigences initiales, de nombreux auteurs ont proposé des approches MBSE basées sur SysML pour y parvenir (Andrianarison and Piques, 2010; Jeff A. Estefan, 2008; Holt and Perry, 2008; Mhenni et al., 2014). Or dans un contexte MBSE, la collaboration multidisciplinaire suppose que les données des modèles développés par les différents acteurs de la conception puissent être échangées en assurant leur cohérence et leur traçabilité. Aussi, des chercheurs ont développé des profils UML ou des extensions SysML, pour enrichir les modèles avec la sémantique des autres acteurs disciplinaires, afin de les rendre interfaçables ou intégrables avec un processus de transformation de modèles entre le modèle Système (UML/SysML avec profils) et les autres langages/outils de conception (3D, modélisation/simulation physique…). En effet, les transformations de modèles visent à générer un nouveau document ou modèle à partir d’un modèle source selon certaines règles formellement définies. Il existe deux types de transformation : la transformation d’un modèle en un autre modèle (M2M), et celle d’un modèle en un texte (M2T). Alors que la transformation M2M est un moyen d’assurer l’interopérabilité sémantique de la modélisation, la transformation M2T est plutôt utilisée pour générer automatiquement des documents texte à partir de modèles afin d’améliorer la collaboration à travers un processus MBSE. Elle permet à tous les acteurs du processus de conception de comprendre facilement le contenu d’un modèle sans nécessairement connaître le langage de modélisation. Le principal inconvénient de la transformation de modèles est d’ordre technique, puisqu’elle nécessite un important effort de développement pour chaque nouvelle transformation avec chaque outil (Shen et al., 2008b). Ainsi, comme la représentation 3D

35

d'un produit joue un rôle important dans la conception d’ingénierie de nombreux secteurs (aérospatiale, automobile, fabrication, etc), plusieurs profils UML ont été développés afin de capturer des informations géométriques communément partagées dans un contexte multidisciplinaire. Par exemple, des extensions SysML ont été développées pour intégrer dans le modèle Système en SysML des données d'ingénierie de CAO et CAE (Peak et al., 1998; Vosgien et al., 2012), ou cartographier des concepts mécaniques « MCAD » et électriques « ECAD ». Par ailleurs, les informations géométriques englobent les caractéristiques géométriques d’un produit (par exemple : le volume, la masse, le centre de gravité et le moment d'inertie) et certains concepts de modélisation géométrique spécifiques (pour assurer la génération d’éléments 3D dans des outils de CAO). Ainsi, par exemple, Reichwein et al. ont défini des profils en UML spécifiques pour intégrer des modèles géométriques de contrôleurs et de systèmes multi-corps, afin de supporter la transformation de ces modèles en modèles de géométries 3D qui sont très répandus tels que CATIA et SolidWorks (Reichwein, 2011). D’autres travaux existants proposent des approches MBSE basées sur SysML pour introduire le point de vue géométrique. Baysal et al. ont proposé une méthode de modélisation géométrique et de positionnement en UML pour l'analyse de tolérance (Baysal et al., 2005) en introduisant des éléments géométriques dès les premières étapes de la conception, mais sans l’intégration de contraintes de positionnement. Le profil UML développé par Bohnke et al. permet de définir la géométrie 3D des composants en UML à partir de CATIA V5, mais ne gère pas leurs contraintes d'assemblage et ne permet pas la création de nouvelles géométries des composants en UML (Böhnke et al., 2009). En parallèle, Warniez et al. ont proposé une extension géométrique SysML, qui permet de définir des métriques d'intégration physique, mais cette méthode ne comporte pas de contraintes géométriques pour gérer la position relative entre composants (Warniez et al., 2014). Enfin, Barbedienne et al. ont développé l'extension GERTRUDe SysML qui intègre la forme géométrique et la topologie pour gérer la création de nouvelles géométries, les contraintes de positionnement relatif et la transformation de modèles entre l'outil de modélisation SysML PTC Integrity Modeler et les architectures 3D dans l’outil FreeCAD (Barbedienne et al., 2014).

Comme la conception mécatronique nécessite la modélisation/simulation physique et multidomaine pour évaluer les performances et les couplages multiphysiques des architectures 3D candidates, de nombreux auteurs ont également proposé des profils UML/SysML pour soutenir la collaboration entre les architectes Système (qui spécifient le système et son architecture) et les experts en simulation physique (qui les valident par évaluation comportementale). Pour cela, ils se sont appuyés sur une sémantique commune, permettant l’interfaçage adéquat de leur outil de simulation respectif via des processus de transformation de modèles (Durisic et al., 2017; Selim et al., 2015). Ainsi, Turki et Soriano s’appuient sur une extension SysML, basée sur l’analyse « Bondgraphs » pour générer des modèles Modelica, Simulink ou autres solveurs 0D (Kim, 2014; Turki and Soriano, 2005). D’autres approches de couplage/transformation de modèles UML/SysML avec des environnements de simulation (tels que Simulink et des outils basés sur le langage Modelica, etc.) ont été développés. Par exemple, de nombreux travaux ont porté sur le lien entre UML/SysML et Modelica. ModelicaML a été le premier profil UML à avoir été développé, il prend en charge les capacités d'échange de modèles (Pop et al., 2007) et permet de créer de nouvelles constructions et des diagrammes mais il ne permet pas de générer automatiquement le code nécessaire à la simulation dans un environnement Modelica sans l’intervention de l’utilisateur (Johnson et al., 2007). C'est pour cette raison que Schamai et al. ont proposé une extension SysML appelée SysML4Modelica (Paredis et al., 2010; Schamai et al., 2009) qui permet aux architectes Système, de facilement utiliser les artefacts SysML (diagrammes de blocs internes et paramétriques) et de générer automatiquement le code Modelica à partir d'un diagramme en SysML. Cao et al..,

36

ont traité la transformation de modèle entre SysML et Simulink (Cao et al., 2011; Di Natale et al., 2018; Šarga et al., 2012; Sjöstedt, 2009). Concernant la dynamique des systèmes, des auteurs ont proposé une extension SysML permettant de décrire le comportement d’un système dynamique (Matei et al., 2012), en développant un outil d'exécution intégré sur une plate-forme Eclipse afin d’exploiter la co-simulation entre SysML et Matlab / Simulink (Bock, 2006; Kawahara et al., 2009). En parallèle, la transformation de modèles entre un modèle SysML étendu et le logiciel commercial TRNSYS proposée par (Kim, 2014), permet d'évaluer les performances thermiques et électriques des systèmes énergétiques. Kapos et al. ont développé une transformation de modèles entre le formalisme SysML et DEVS (spécification de système à événements discrets) pour générer les transitions d'état et les équations différentielles du système (Kapos et al., 2014). Il est également possible de créer des modèles topologiques dans UML en utilisant le modèle de fonctionnement topologique (TFM) (Donins, 2009; Kluge et al., 2017). Pour simuler le comportement thermique, une autre transformation de modèles a été proposée par Groß et al. au travers d’un langage de conception basé sur les graphes et UML pour intégrer les informations géométriques et les attributs thermiques requis pour la simulation (Gross et al., 2012).

Finalement, afin de faciliter la collaboration avec les experts disciplinaires, de nombreux auteurs ont développé des profils UML ou extensions SysML permettant de prendre en compte leurs exigences métiers (géométriques et physiques) dans le modèle Système (géré par les architectes Système), tout en permettant grâce aux processus de transformation de modèles d’assurer la cohérence des données lors des échanges entre le modèle Système et les modèles de simulation multidomaines. Pourtant, à notre connaissance, aucun profil n’a été développé pour prendre en compte les interactions électromagnétiques.