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Une fois ces exigences intégrées au modèle Système, les architectes Système doivent ensuite évaluer les différentes architectures, au regard des précédentes exigences (géométriques et physiques), pour choisir l’architecture de concept qui sera retenue pour les phases de pré-dimensionnement et de conception détaillée.

En conception mécatronique, les choix d’architectures et les processus décisionnels associés ne peuvent être l’objet d’un seul point de vue disciplinaire, puisqu’ils impactent directement les équipes et leurs contraintes de conception (Alvarez Cabrera et al., 2010). Dans ses travaux (Jankovic et al., 2012, 2006), Jankovic souligne l’importance des processus décisionnels, organisationnels et collaboratifs, en proposant un modèle de prise de décision collaborative qui augmente la traçabilité des choix de décision. Aussi, même s’il existe de nombreuses méthodes et outils pour prendre en charge le processus décisionnel en matière de choix d’architecture, tels que la maison de la qualité «House of Quality» (HoQ) (Punz et al., 2010), la conception axiomatique proposée par Suh (Suh et al., 2014), les approches de satisfaction de contraintes «Constraint Satisfaction Problem» (CSP) (Moullec et al., 2012; Trabelsi et al., 2013), etc., ces approches ne permettent pas d'évaluer quantitativement les différentes alternatives suivant des exigences géométriques et physiques.

1. Métrique

Un moyen d’atteindre cet objectif consiste à définir des critères et des métriques en fonction des objectifs du concepteur. Comme de nombreux critères sont généralement nécessaires pour répondre à un objectif global, des méthodes d’évaluation multicritère permettent de trouver la meilleure solution ou du moins la meilleure dans un ensemble de solutions. Les principes, avantages et inconvénients de telles méthodes sont largement détaillés dans des synthèses bibliographiques (Bouyssou et al., 2006; Greco et al., 2005). Ainsi, les métriques d'évaluation de l'architecture 3D

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peuvent être utilisées en phase de préconception pour répondre à une grande variété d'objectifs. Par exemple, Warniez et al. (Warniez et al., 2014) ont proposé des métriques pour l'évaluation de l'intégration physique des systèmes mécatroniques. Leurs métriques, basées sur des alternatives d'architecture physique en SysML, n'abordent que la géométrie des composants, comme la compacité ou leur enveloppe convexe, pour réduire l'espace entre les composants, mais ne prennent en compte explicitement ni les positions relatives des composants ni leurs interactions physiques (comportement dynamique des composants).

2. Evaluation par simulation physique et géométrique

Un autre moyen pour évaluer l'architecture physique 3D sous contraintes physiques est d’utiliser la simulation du comportement physique des composants, en fonction des paramètres géométriques de l’architecture 3D du système. Qin et al. (Qin et al., 2003) proposent un environnement basé sur le Web pour partager et simuler le comportement dynamique d'une architecture conceptuelle 3D. Même si cet environnement propose une vérification collaborative du positionnement dynamique des composants soumis à des contraintes physiques dès les phases amont de conception, toute la modélisation géométrique et physique doit être programmée en Javascript, et la simulation physique est limitée aux mouvements cinématiques. Komoto et Tomiyama (Komoto and Tomiyama, 2012) ont développé un cadre appelé SA-CAD (System Architecting CAD), qui inclut un modeleur géométrique pour la visualisation, basé sur le modèle FBS (Function-Behaviour-Structure) (Gero and Kannengiesser, 2004). Cependant, elle n'inclut que des relations physiques paramétriques sans aucun solveur d'équation différentielle, et les relations spatiales sont limitées à 11 sans aucun solveur de contraintes spatiales ni automatisation du processus de positionnement des composants. Enfin, Barbedienne et al. ont proposé une approche MBSE appelée SAMOS (Spatial Architecture based on Multi-physics and Organisation of Systems) (Barbedienne et al., 2015a) pour l’évaluation de l'architecture physique 3D sous contraintes géométriques et physiques en phase amont de conception. Ils se sont alors focalisés sur la prise en compte des contraintes thermiques (Romain Barbedienne, 2017). Comme cette approche, basée sur le besoin de collaboration des acteurs multidisciplinaires, permet d’évaluer une architecture 3D de concept en phase de préconception, en prenant en compte différentes contraintes métiers, tout en améliorant la traçabilité et la cohérence des données, nous avons choisi de nous appuyer sur ces travaux pour implémenter nos travaux pour l’évaluation d’architecture 3D sous contraintes électromagnétiques.

3. Evaluation par modélisation mathématique

Afin d’évaluer en phase amont les architectures physiques sous contraintes multiphysiques tout en limitant le temps important requis par les simulations (lancées pour chaque architecture), une troisième alternative consiste à utiliser la modélisation mathématique dans une démarche de synthèse. Cette solution consiste à générer « la bonne architecture » en se basant sur des modélisations mathématiques et un ensemble de contraintes. Ces méthodes permettent de calculer et dimensionner au plus juste pour obtenir des architectures alternatives qui satisfont les différentes exigences système prédéfinies.

Par exemple, Maurice utilise l’analyse tensorielle des réseaux (ATR) établie par G. Kron pour faire la mise en équation d'un système physique spécifique représentable (architecture) par des réseaux électriques équivalents. En effet, le calcul tensoriel permet une systématisation qui, non seulement a la propriété de s'appliquer à n'importe quel système quel que soit sa complexité, mais offre également un examen méthodique des circuits, de les décomposer en éléments simples, de les superposer ou de les interconnecter, pour finalement faire de la synthèse et analyse des réseaux (Maurice, 2007a).

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Zimmer et al. utilisent le langage DEPS (DEsign Problem Specification) (pour modéliser le système avec toutes ses exigences) et la méthode de satisfaction de contraintes (CSP) (pour trouver la bonne solution de synthèse) (Zimmer et al., 2017). En effet, cette approche permet aux acteurs de la conception de modifier directement et simplement leurs variables de performance dès les premières phases de conception pour synthétiser l’architecture satisfaisant un ensemble de contraintes (Meyer and Yvars, 2012; Yvars, 2009).

D’autres auteurs déploient le processus de conception basée sur les ensembles (en anglais : SBD= Set-Based Design), qui grâce aux informations/contraintes fournis à n'importe quel stade du processus permet de converger vers la bonne architecture. Cette approche facilite les décisions de conception en phase amont pour éviter les conflits et les incohérences entre les acteurs ayant des objectifs communs (Canbaz et al., 2014).

Tandis que les méthodes d’évaluation par simulation numérique ou par l’utilisation des métriques, en revanche, ne garantissent pas d’avoir une solution d’architecture 3D meilleure. D’une part, elles sont dans une approche d’analyse sur une architecture donnée, d’autre part, elles ont besoin d’un nombre important de boucles de simulations coûteuses (Hubert et al., 2016). Pour autant, même si une approche par modélisation mathématique, basée sur un ensemble de contraintes, permet d’évaluer les architectures physiques dès les premières phases de conception et de générer ainsi la meilleure solution d’architecture qui réponde aux exigences prédéfinies, très peu de travaux considèrent les aspects liés au couplage de la géométrie 3D et des différentes physiques impliquées.

Dans nos travaux de thèse, comme notre approche adresse plutôt la phase amont, qui présente de très nombreuses alternatives, nous avons choisi la modélisation mathématique (permettant une évaluation plus rapide) pour évaluer l’architecture de concept 3D, en s’appuyant sur des équations physiques qui intègrent à la fois les données physiques et les données géométriques nécessaires associées. Pour cela, deux méthodes différentes ont été utilisées : une première méthode analytique basée sur les équations de la physique et une seconde portant sur la méthode de Kron. Ces méthodes seront détaillées dans les chapitres suivants.

II. Plateforme SAMOS/ Sketcher thermique

L’approche SAMOS (Barbedienne et al., 2015a) et son implémentation logicielle pour la modélisation des contraintes thermiques (Sketcher thermique) (Romain Barbedienne, 2017) assure le lien entre l’IS et le processus de simulation en échangeant les spécifications et choix de conception appropriés (données géométriques et physiques), afin de maintenir la traçabilité et la cohérence de la conception de l’architecture 3D du système. En effet, SAMOS propose de récupérer les informations de simulation afin de vérifier que l'architecture physique 3D proposée par l’architecte Système répond aux exigences du système, puis de tracer ces informations dans le modèle SysML (Figure 11). Aussi, cette approche soutient la collaboration entre les concepteurs, tout en assurant la cohérence et la traçabilité de leurs données et modèles, conformément aux principes de l’IS.

39 Figure 11 : Approche SAMOS (Romain Barbedienne, 2017)

Barbedienne et al. ont déjà implémenté et testé l’approche SAMOS pour les contraintes thermiques dans un Sketcher 3D thermique (Barbedienne et al., 2015b), permettant l’évaluation des interactions thermiques d’architectures 3D de concept.

Ainsi, Barbedienne et al. ont créé deux extensions SysML (GERTRUDe et TheReSE) pour enrichir le modèle Système avec des informations respectivement géométriques (basées sur le modèle des SATT : Surfaces Associées Topologiquement et Technologiquement) et thermiques. La plateforme logicielle du Sketcher 3D thermique est basée sur une transformation bilatérale de modèles pour 3 types de modèles : le modèle en SysML dans le modeleur système, le modèle de l’architecture 3D dans le modeleur 3D multi-physique et le modèle de comportement thermique à simuler. Le processus collaboratif sur lequel s’appuient ces transformations de modèles, est détaillé ci-dessous (Figure 12).

Allocation of geometry

Position of components & Verification of simulation results

3D and Simulation Model Requirements Validation of architecture System Model Architecture generation Addition of physical constraints

System Architects 3D architects Simulation Teams

S. N. s. S. N. s. S. N. s. control flows

model transformation Satisfy

S.

Not satisfy N. s.

1 TheReSE : Thermal Related SysML Extension

2 GERTRUDe : Geometrical Extension Related to a TTRS Reference for a Unified Design.

Physical architecture Thermal requirements Geometrical requirements System modeling SysML modeling Geometrical enrichment by GERTRUDe2 Thermal enrichment by TheReSE1 data exchange

additional modeling elements

3D Multi-physical modeler Complementary geometry definition CAD Modeling Thermal modeling

Spatial architecture modeling

Analytic thermal simulation Position of components Simulation results 3D architect System architect Simulation Team

consistent data exchange through the developed ontology

40 Figure 12 : Description du Sketcher 3D thermique (Barbedienne et al., 2015b)

Comme l’architecte Système a besoin de sélectionner une architecture de concept qui réponde à la fois aux exigences physiques et géométriques, le modèle SysML nécessite au préalable d’être enrichi sémantiquement pour pouvoir exprimer ces exigences de manière appropriée. Ces exigences géométriques et multiphysiques pourront alors être transmises dans l’environnement CAO 3D pour générer les formes géométriques des composants déjà définies et les éventuelles contraintes de positionnement associées. Puis les architectes 3D pourront compléter éventuellement l’architecture 3D, positionner les pièces de géométrie simplifiée pour répondre aux exigences géométriques d’une part et d’autre part pour exprimer et satisfaire les contraintes physiques correspondant aux exigences multiphysiques initialement spécifiées dans le modèle système en SysML. Ensuite, des simulations multiphysiques de modèles analytiques en Modelica (en conduction et en convection pour la thermique) sont alors effectuées dans l’environnement Dymola (avec une interface en langage Python avec l’environnement 3D FreeCAD) afin de vérifier que le comportement de l’architecture 3D proposée répond bien à toutes les exigences physiques (et géométriques). Enfin, toutes les informations du modèle 3D et les résultats de la simulation associés dans l’environnement de simulation doivent être tracés vers le modèle SysML pour conserver les informations justifiant la sélection de l’architecture finale.

L’approche SAMOS initiale visait à développer un sketcher 3D multiphysique pour traiter l’ensemble des interactions physiques émergeant au sein des systèmes mécatroniques, mais n’a été implémentée que pour les contraintes et comportements thermiques. Les travaux précédents n’ont donc pas traité ni les Interférences Electromagnétiques (IEM), ni la Dynamique. C’est pourquoi, nos travaux de recherche ont porté sur l'extension de ces travaux à la dynamique mais surtout aux IEM (Kharrat et al., 2017; Mouna Kharrat et al., 2018).

III. Evaluation des IEM en phase amont

A. Introduction terminologique