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L’intégration économique intra-régionale parallèle au développement des relations commerciales des membres avec les tiers

PREMIÈRE PARTIE. LES ÉVOLUTIONS DU CADRE AXIOLOGIQUE DE L’ASEAN

Section 1. L’ASEAN comme instrument d’accomplissement des objectifs individuels des États membres

B. Depuis 1992 : une priorité accordée à l’intégration économique intra- intra-régionale

2. L’intégration économique intra-régionale parallèle au développement des relations commerciales des membres avec les tiers

257. Depuis 1992, la question de l’intégration intra-ASEAN est devenue préoccupante

(a). Néanmoins, les crises financières survenues en Asie du sud-est en 1997-1998 ont de nouveau mis en évidence les limites de l’intégration économique intra-ASEAN. Ainsi, depuis les années 2000, l’Organisation développe activement les relations commerciales des membres avec les pays tiers (b).

a. L’intégration économique intra-ASEAN visant à s’orienter vers l’extérieur

258. Au début des années 90, les questions économiques sont devenues les

préoccupations fondamentales des pays membres de l’ASEAN. En 1992, les membres ont conclu l’Accord-cadre sur le renforcement de la coopération économique en vue d’instaurer dans un délai de 15 ans, ultérieurement réduit à 10 ans293, une zone de libre-échange au sein de l’ASEAN294. Pour mettre en œuvre l’accord-cadre, l’Accord sur le tarif préférentiel effectif commun (Common Effective Preferential Tariff Scheme/CEPT) a été conclu. Ce dernier, modifié en 1995, vise à l’élimination dans la zone de libre-échange des droits de douane et des tarifs non-tarifaires pour les matières premières agricoles et les produits agricoles transformés295.

259. Néanmoins, l’absence de complémentarité entre les économies des pays membres

empêche l’ASEAN de se replier sur elle-même pour le développement économique. Le véritable but de créer une zone de libre-échange est donc de faire de l’ASEAN un bloc commercial plus attirant pour les investisseurs étrangers. A cet égard, les ministres de l’Économie de l’ASEAN ont déclaré que : « L’accord visant à établir la zone de libre-échange au sein de l’ASEAN est un arrangement compatible avec le GATT et orienté

293

L’article 1 du Protocole du 15 décembre 1995 portant modification de l’Accord-cadre du 28 janvier 1992 sur le renforcement de la coopération économique au sein de l’ASEAN.

294

L’article 2 de l’Accord-cadre du 28 janvier 1992 sur le renforcement de la coopération économique au sein de l’ASEAN.

295

L’article 1 de l’Accord du 28 janvier 1992 sur le tarif préférentiel effectif commun pour la mise en œuvre de la zone de libre-échange de l’ASEAN ; l’article 1 du Protocole du 15 décembre 1995 portant modification de l’Accord du 28 janvier 1992 sur le tarif préférentiel effectif commun pour la mise en œuvre de la zone de libre-échange de l’ASEAN.

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vers l’extérieur. Aucun obstacle au commerce n’est instauré contre les économies non-ASEAN à la suite de la formation de la zone de libre-échange au sein de l’non-ASEAN. Compte tenu de la structure ouverte des économies de l’ASEAN, l’expansion de la production dans un marché régional de l’ASEAN aura pour objectif de renforcer les liens de cette dernière avec le monde et de générer davantage d’opportunités pour les exportations à l’extérieur de la région »296.

260. En réalité, l’intégration intra-ASEAN est un moyen de sauvegarder les intérêts

économiques individuels des États membres. Les bénéficiaires de ce processus d’intégration sont avant tout les États, notamment ceux qui ont les économies ouvertes à l’extérieur comme Singapour, la Thaïlande et la Malaisie.

261. En effet, pour attirer davantage les investissements étrangers, la zone de

libre-échange de l’ASEAN a été étendue aux domaines des services et des investissements. En 1995, les pays membres ont conclu l’Accord-cadre visant à la libéralisation régionale des services297. Ils se sont engagés à éliminer les mesures discriminatoires relatives à l’accès aux marchés et les restrictions relatives au commerce des services298. Afin de réaliser une zone de libre-échange dans le domaine de services, les pays membres ont même été invités à s’engager à aller au-delà de leurs engagements en vertu de l’Accord général sur le commerce des services établi dans le cadre de l’OMC299. Des domaines spécifiques ont ainsi été inclus dans le programme de libéralisation régionale, à savoir le transport aérien, la finance, le tourisme, les services des soins de santé300.

262. En 1998, les pays membres ont conclu l’Accord-cadre sur la zone

d’investissement de l’ASEAN301. Le point central de cet accord est la demande d’ouverture immédiate aux investissements aséaniens et étrangers dans toutes les industries nationales ainsi que celle de l’application de la clause de la nation la plus

296

V. le Communiqué de presse du 11 décembre 1992 de la 3ème réunion du Conseil ministériel de l’AFTA pour la mise en œuvre de l’accord CEPT (nous traduisons).

297

L’Accord-cadre du 15 décembre 1995 relatif aux services. 298

L’article 1-b de l’Accord-cadre du 15 décembre 1995 relatif aux services. 299

L’article 1-c de l’Accord-cadre du 15 décembre 1995 relatif aux services. 300

L’article 2 de l’Accord-cadre du 29 novembre 2004 sur l’intégration des secteurs prioritaires. 301

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favorisée et la clause de traitement national aux investisseurs aséaniens302. Cela a pour objectif de renforcer la confiance des investisseurs étrangers envers l’ASEAN ainsi que d’assurer une ressource financière importante pour le développement économique des pays membres.

263. Avec ces mesures, dans les années 90, les pays membres de l’ASEAN ont connu

une forte croissance économique grâce au flot d’investissements étrangers en provenance notamment du Japon, de la Corée du sud, de Taiwan et de Hong Kong. Néanmoins, l’ASEAN est tombée dans une grande crise financière et monétaire en 1997-1998303. La crise a justifié encore plus nettement l’orientation du régionalisme de l’ASEAN à l’extérieur. En parallèle des moyens destinés à promouvoir des flux d’échanges commerciaux entre ses membres, l’ASEAN développe également de manière croissante les relations commerciales des États membres avec les États tiers, particulièrement ceux de la région.

b. Le développement accru des relations commerciales des membres avec les pays tiers

264. Incapable de résister à la crise financière et monétaire en 1997-1998 et n’ayant

pas pu recourir à l’aide occidentale pour en sortir, l’ASEAN s’est tournée vers trois pays de l’Asie - la Chine, le Japon et la Corée du sud - qui, en tant à la fois que grands marchés et investisseurs étrangers pour l’ASEAN, étaient les plus rassurants pour sa sécurité économique. Comme l’a dit l’ancien ministre des Affaires Étrangères thaïlandais, Monsieur Pitsuwan : « la crise économique a convaincu l’ASEAN, le Japon, la Corée du sud et la Chine qu’ils ne pourront pas vivre éloignés et isolés l’un de l’autre »304.

265. Cette incapacité de l’ASEAN à se sauver sans aide a de nouveau mis en évidence

que les États membres ne peuvent pas se replier sur eux-mêmes pour développer leurs

302

Ibid., les articles 7 à 9. 303

En juillet 1997, la chute libre du baht thai a rapidement amené des crashs de la monnaie indonésienne et malaisienne, rendant difficile le paiement de leurs dettes étrangères. Toutes les économies des pays membres de l’ASEAN ont été gravement influées.

304

Cité par MASAFUMI Iida, “ASEAN attempting to strengthen cohesiveness”, East Asian Strategic

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économies305. D’où l’idée de la construction en Asie d’une plus grande zone économique incluant l’ASEAN306.

266. Depuis les années 2000, l’ASEAN a élargi l’application de mesures de

libéralisation régionale aux pays tiers au moyen de la conclusion d’accords-cadres de libre-échange entre elle, en tant que groupe, avec des parties tierces. La conclusion de l’accord-cadre de 2002 visant à établir une zone de libre-échange entre l’ASEAN en tant qu’ensemble de pays membres et la Chine, est suivie par des accords spécifiques relatifs aux marchandises, aux services et aux investissements. Par la suite, les accords-cadres visant à établir une zone de libre-échange entre l’ASEAN en tant que groupe et l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon, la Corée du sud et l’Inde ont été signés307. Depuis, les négociations des accords spécifiques visant à mettre en œuvre ces accords-cadres sont en cours. Il s’agit, parmi d’autres, d’une mesure importante visant les investisseurs étrangers en vue d’attirer au maximum leurs investissements dans la région.

267. L’ASEAN a été créée pour servir d’« instrument collectif afin de se confronter

aux problèmes externes communs »308. Ayant été conçue ainsi, l’ASEAN se développe et survit grâce aux liens avec le monde extérieur.

305

Discours d’ouverture de Monsieur DHANABALAN Suppiah, Ministre des Affaires Étrangères singapourien à la 17ème Conférence des ministres des Affaires Étrangères de l’ASEAN du 9 juillet 1984. V. ASEAN Secretariat, Statements by the ASEAN Foreign Ministers at ASEAN Ministerial Meetings

1967-1987, Jakarta, 1967-1987, p. 470. Il a observé : « An open and free trade system is vital for us in ASEAN. We are

export-oriented developing countries with market-economies. We cannot afford to depend only on each other. We are all developing countries with limited market opportunities. We must therefore seek maximum possible access to the world economy. We have to take an active role in negotiating a more liberal international economic system ».

306

Pour plus d’informations, v. PLUMMER Michael G. et WIGNARAJA Ganeshan, « Integration strategies for ASEAN : alone, together, or together with neighbors ? » in Economic Series, n° 92, novembre 2007, East-West Center Working Papers.

307

L’Accord-cadre du 5 novembre 2002 sur la coopération économique globale entre les dix membres de l’ASEAN et la Chine ; l’Accord-cadre du 13 décembre 2005 sur la coopération économique globale entre les dix membres de l’ASEAN et la Corée du sud ; l’Accord du 8 octobre 2003 sur le partenariat économique global entre les dix membres de l’ASEAN et le Japon ; l’Accord-cadre du 16 septembre 2001 sur le partenariat économique plus étroit entre les dix membres de l’ASEAN, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ; l’Accord-cadre du 8 octobre 2003 sur la coopération économique globale entre les dix membres de l’ASEAN et l’Inde.

308

ANTOLIK Michael, ASEAN and the diplomacy of accommodation, Armonk, New York, London, M. E. Sharpe, Inc, 1990, p. 3.

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268. Ce n’est qu’à partir de la fin des années 80 que l’ASEAN commence à porter son

attention sur d’autres préoccupations que la sécurité et l’économie. Il s’agit notamment de la question des droits de l’homme. Cependant, l’approche de l’ASEAN dans ce domaine reste sectorielle et non-juridique309. Ce sont principalement les déclarations interétatiques et des programmes d’action dans le domaine de la promotion des droits des femmes310 et des enfants311.

269. Mais ce n’est qu’après la crise financière et monétaire312 survenue en Asie du sud-est en 1997-1998 que l’ASEAN a véritablement reconsidéré la dimension sociale et politique de l’intégration économique. Le bien-être des peuples, comme nouvel objectif de l’ASEAN, figure désormais dans les textes de l’Organisation.

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