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COOPÉRATION INTERÉTATIQUE

Section 2. La personnalité juridique internationale de l’ASEAN

A. La capacité limitée de conclure des accords internationaux

2. Une capacité formelle de conclure des accords internationaux avec les tiers

456. L’attribution de la capacité de l’ASEAN de conclure des accords internationaux

avec les tiers semble avoir peu de sens dans la mesure où la Charte présente des incohérences sur cette question (a). De plus, le texte relatif aux procédures de conclusion de tels accords vient souligner la compétence des États membres dans l’activité conventionnelle de l’ASEAN, ce qui contredit la norme de la Charte attribuant à l’Organisation la capacité conventionnelle avec les tiers (b).

a. Les incohérences de la Charte sur la capacité de conclure des accords internationaux avec les tiers

457. La capacité conventionnelle d’une organisation avec les tiers a un caractère

fonctionnel498. Elle est fondée sur les compétences externes de l’organisation que l’acte constitutif lui attribue explicitement ou implicitement en vue de réaliser les objectifs communs.

458. La capacité de l’ASEAN de conclure des accords internationaux avec les tiers est

reconnue par l’article 41, paragraphe 7 de la Charte selon lequel : « l’ASEAN peut conclure des accords avec les États ou les institutions internationales, les organisations internationales, régionales et sous-régionales. Les procédures pour la conclusion de tels

498

Le paragraphe 11 du Préambule de la Convention de Vienne de 1986 stipule que : « Les organisations internationales jouissent de la capacité de conclure des traités qui leur est nécessaire pour exercer leurs fonctions et atteindre leurs buts ».

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accords seront déterminées par le Conseil de Coordination en consultation avec les Conseils communautaires de l’ASEAN »499.

459. Néanmoins, cette disposition n’est qu’une déclaration d’intention. Tout d’abord,

l’attribution de cette capacité n’a aucune portée pratique car la Charte s’est abstenue de préciser les domaines de compétences de l’ASEAN dans lesquels cette dernière peut conclure des accords internationaux avec les tiers. De plus, l’absence dans la Charte de règles relatives à la répartition des pouvoirs entre les organes en matière d’activités conventionnelles de l’ASEAN, ainsi que celle des procédures de conclusion des accords internationaux, ont laissé aux États membres la prérogative de les déterminer. Comme l’article 41-7 l’a précisé, les procédures pour la conclusion de tels accords seront déterminées par le Conseil de Coordination en consultation avec les Conseils communautaires de l’ASEAN.

460. Ensuite, le paragraphe 4 de l’article 41 de la Charte a contredit le paragraphe 7 en

soulignant que les relations extérieures de l’ASEAN relèvent de la compétence des États membres et en précisant le développement de positions communes et d’actions conjointes comme modalités d’engagement en commun des États membres en la matière. Cet article est rédigé comme suit : « dans la conduite des relations extérieures de l’ASEAN, les États membres, sur la base du principe de l’unité et de la solidarité, se coordonneront et s’efforceront d’élaborer des positions communes et de mener des actions conjointes »500.

461. Cette disposition reflète nettement la pratique de l’ASEAN. Comme nous l’avons

mentionné précédemment, les relations extérieures de l’ASEAN se sont développées à partir du début des années 70. Néanmoins, l’ASEAN n’avait pas la capacité de conclure des accords internationaux avec les tiers à son nom et sur son compte. Les accords matériels entre l’ASEAN et les tiers dans les années 80 le sont au nom des États membres501. Il en est de même pour tous les accords de libre-échange entre l’ASEAN et

499

“ASEAN may conclude agreements with countries or subregional, regional and international organisations and institutions. The procedures for concluding such agreements shall be prescribed by the ASEAN Coordinating Council in consultation with the ASEAN Community Councils”.

500

« In the conduct of external relations of ASEAN, Member States shall, on the basis of unity and solidarity, coordinate and endeavour to develop common positions and pursue joint actions ».

501

L’accord de coopération de 1980 entre la CEE et les membres de l’ASEAN, l’accord de coopération de 1981 entre le Canada et les membres de l’ASEAN.

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les pays tiers qui ont été conclus en commun par les États membres depuis les années 2000. Malgré la reconnaissance progressive de la représentation du Secrétaire général dans les relations de l’ASEAN avec les tiers par le biais de la conclusion des arrangements administratifs et des accords d’assistance technique ou financière, cette pratique n’a pas amené à la reconnaissance par les États membres de la qualité du sujet de droit international de l’ASEAN.

462. La capacité de l’ASEAN de conclure des accords internationaux a été de nouveau

remise en cause par l’article 2, paragraphe 2 du protocole de 2009 relatif aux privilèges et immunités de l’ASEAN, qui prévoit que l’exercice des capacités internationales de cette dernière reste la prérogative des États membres. Cette disposition est libellée comme suit : « dans l’exercice des ses capacités en droit international, y compris la capacité de conclure des accords en vertu de l’article 41-7 de la Charte, l’ASEAN agira par l’intermédiaire de ses représentants autorisés par les États membres »502.

463. En janvier 2012, un texte relatif aux règles de procédure sur la conclusion par

l’ASEAN d’accords internationaux a été adopté par le Conseil de coordination de l’ASEAN503. Ce texte a défini l’accord international conclu par l’ASEAN tel qu’il figure à l’article 41, paragraphe 7 de la Charte comme « tout accord écrit qui, quelque soit sa dénomination particulière, est régi par le droit international et qui crée des droits et obligations à l’ASEAN en tant qu’entité distincte de ses membres »504. Cet acte reste en revanche muet sur les domaines de compétences de l’ASEAN dans lesquels l’Organisation a la capacité conventionnelle. De plus, la conclusion des accords internationaux ne fait intervenir que les organes interétatiques.

502

« In exercising its capacities under international law, including the power to conclude agreements under Article 41(7) of the ASEAN Charter, ASEAN shall act through its representatives authorised by the Member States».

503

Les règles de procédure sur la conclusion des accords internationaux par l’ASEAN, disponible sur le site : http://www.aseansec.org

504

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b. La place prépondérante des États dans les procédures de conclusion d’accords internationaux

464. Les règles de procédures de conclusion des accords internationaux montrent

nettement que l’activité conventionnelle de l’ASEAN reste de la compétence exclusive des États membres. Ces procédures comprennent trois grandes étapes : la pré-négociation (i), la pré-négociation (ii) et la décision de conclusion de l’accord (iii).

i) La pré-négociation

465. Cette étape comprend les trois sous-étapes suivantes : la proposition d’ouverture

des négociations, la décision de l’ouverture des négociations et la formulation de la position commune de l’ASEAN avant les négociations.

466. En ce qui concerne la proposition de l’ouverture des négociations, l’article 3 de

l’Acte de 2012 relatif aux règles de procédures de conclusion d’accords internationaux indique que ce droit appartient aux Organes ministériels sectoriels et au Comité des Représentants Permanents505.

467. S’agissant de la décision d’ouverture des négociations, la proposition sera validée

par la Conférence des ministres des Affaires Étrangères elle-même ou par le Comité des Représentants Permanents dans le cas où il reçoit mandat de la première506. Une fois l’ouverture des négociations décidée, la Conférence des ministres des Affaires Étrangères désigne elle-même un négociateur au nom de l’ASEAN ou délègue ce pouvoir au Comité des Représentants Permanents507.

505

L’article 3 des règles de procédure sur la conclusion des accords internationaux par l’ASEAN : « The proposal to commence a negotiation of an international agreement shall be coordinated with the Committee of Permanent Representatives to ASEAN by the relevant ASEAN Sectorial Ministerial Bodies at the senior officials level […] ».

506

Ibid., « […] The ASEAN Foreign Ministers Meeting, on its own or through the Committee of Permanent Representatives to ASEAN, shall decide on the proposal…».

507

Ibid., « The ASEAN Foreign Ministers Meeting, on its own or through the Committee of Permanent Representatives to ASEAN…shall appoint the appropriate representative(s) to commence the negotiation on behalf of ASEAN.»

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468. Avant les négociations avec les tiers, une position commune sera établie sur la

base de la coordination entre les Organes ministériels sectoriels concernés et le Comité des Représentants Permanents. Lors de la formulation de la position commune, la Conférence des Ministres des Affaires Étrangères peut être consultée si nécessaire508. L’avis de cette dernière a en fait pour fondement l’article 41, paragraphe 6 de la Charte selon laquelle « la Conférence des Ministres des Affaires Étrangères assurera l’unité et la cohérence dans la conduite des relations extérieures de l’ASEAN »509.

ii) La négociation

469. Au cours des négociations, le négociateur est tenu de respecter strictement les

directives des États membres. D’une part, il a l’obligation de consulter et d’informer les Organes ministériels sectoriels concernés ainsi que le Comité des Représentants Permanents du progrès des négociations510. D’autre part, ces deux organes peuvent, à tout moment, demander au négociateur de les informer du progrès de la négociation511 et lui donner des instructions supplémentaires512.

470. Lorsque les négociations seront terminées, le négociateur pourra rédiger le projet

de l’accord international ; ce projet ne doit pas être considéré comme le texte final de l’accord513 et devra être préalablement présenté aux Organes ministériels concernés et au Comité des Représentants Permanents514. Une fois le projet de l’accord international approuvé par ces deux organes, il sera soumis à la Conférence des ministres des Affaires

508

Ibid., l’article 4, paragraphe 2 : « Such ASEAN common position shall be formulated by the relevant ASEAN Sectoral Ministerial Bodies at the senior officials level in coordination with the Committee of Permanent Representatives to ASEAN. In the formulation of an ASEAN common position, the ASEAN Foreign Ministers Meeting may be consulted if and when necessary ».

509

L’article 41, paragraphe 6 de la Charte : « The ASEAN Foreign Ministers Meeting shall ensure consistency and coherence in the conduct of ASEAN’s external relations » (nous traduisons).

510

L’article 5, paragraphe 1 des Règles de procédure sur la conclusion des accords internationaux par l’ASEAN.

511

Ibid., l’article 5, paragraphe 2. 512

Ibid., l’article 5, paragraphe 3. 513

Ibid., l’article 6. 514

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Étrangères pour décision515. Au cas où cette dernière délègue ce pouvoir de décision au Comité des représentants permanents, ce dernier approuvera le projet de l’accord516.

iii) La décision de conclusion de l’accord

471. Concernant l’organe compétent pour décider la conclusion d’accords

internationaux, l’article 8, paragraphe 4 des règles de procédure sur la conclusion des accords internationaux par l’ASEAN prévoit que : « la Conférence des ministres des Affaires étrangères de l’ASEAN peut, elle-même ou par l’intermédiaire du Comité des représentants permanents, décider de la signature des documents et/ou d’un acte de confirmation formelle d’un accord international »517.

472. Concernant la représentation de l’ASEAN dans la conclusion d’accords

internationaux, l’Acte de 2012 relatif aux règles de procédures de conclusions de ces derniers reste vague. Ce texte laisse une grande marge de manœuvre aux États membres dans la désignation du représentant de l’ASEAN en matière conventionnelle. L’article 8, paragraphe 5 prévoit que « la Conférence des Ministres des Affaires Étrangères peut, elle-même ou par l’intermédiaire du Comité des Représentants Permanents, désigner le Secrétaire-Général de l’ASEAN ou toute autre personne pour conclure l’accord international au nom de l’ASEAN »518.

473. Actuellement, aucun accord international n’a été conclu par l’ASEAN au titre de

l’article 41-7 de la Charte. D’après les considérations ci-dessus, la capacité de l’ASEAN de conclure des accords avec les tiers reste purement théorique. Sur cette question, la doctrine n’est pas favorable à la méthode déductive selon laquelle une organisation internationale devient sujet de droit international du seul fait que la norme internationale lui attribue cette qualité. En d’autres termes, une déclaration unilatérale de l’acte

515

L’article 7, paragraphe 2 des Règles de procédure sur la conclusion des accords internationaux par l’ASEAN. 516 Ibid. 517 Nous traduisons. 518

L’article 8, paragraphe 5 des règles de procédure sur la conclusion des accords internationaux par l’ASEAN : “The ASEAN Foreign Ministers Meeting, on its own or through the Committee of Permanent Representatives to ASEAN, may appoint the Secretary-General of ASEAN or any other person to sign the international agreement on behalf of ASEAN” (nous traduisons).

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constitutif sur sa capacité conventionnelle ne suffit pas pour que l’organisation internationale puisse s’engager dans des rapports conventionnels avec les tiers519.

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