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Chapitre 8- La moisson, un chantier sur la durée et en plusieurs phases

8.2. Pratique du chantier en CUMA

8.2.2. Instances d’organisation et de régulation du chantier

Les enquêtes réalisées avec les exploitants avant le chantier de moisson permettent de

retrouver les principes de pilotage stratégique, d’organisation et de régulation qui s’appliquent

aux systèmes de culture et aux parcelles (tableau 81). Pour la moisson, les agriculteurs

expriment des règles d’enchaînement, des règles de déclenchement et de fin des opérations

techniques ainsi que des systèmes de règles d’arbitrage entre parcelles. Pour chacune des

cultures, ces règles sont associées à des modalités d’intervention. Le tableau 82 reprend

l’ensemble des instances de régulation exprimées par les agriculteurs concernant la moisson.

Tableau 82- instances de régulation exprimées par les

agriculteurs concernant la moisson

règles d'arbitrage entre cultures règles de déclenchement règles de fin règles d'arbitrage entre parcelles modalités

la moisson de précède celle du précède celle du

blé, de l'orge de printemps,

du pois, du triticale

de l'avoine et

des féveroles

l'orge colza

à maturité

existence de

procédures d'essai

pour déterminer la

maturité

à maturité

quand l'orge est finie quand le colza est fini

à maturité

si plusieurs machines,

seule tourne celle équipée

d'une rallonge

- les plus mûres d'abord

- servir tous les

exploitants

- faire les parcelles

voisines

- libérer rapidement les

parcelles précédant un

colza

- les plus mûres d'abord

- servir tous les exploitants

- faire les parcelles voisines

- priorité à la vente sur l’autoconsommation

En cas de pluie, parcelles et

cultures tampons :

- changement de zone

géographique (localisation

différente des précipitations à

caractère orageux)

- espèce à ressuyage rapide

(orge de printemps)

pas d’arrêt en soirée même si les silos sont fermés

- soit stockage dans des bennes supplémentaires jusqu’au

lendemain ou en tas pour reprise rapide

- soit changement de parcelle et moisson d’une parcelle

destinée à l’autoconsommation ou au stockage long

lorsque la sole est récoltée

La même approche a été développée pour les activités qui se déroulent à la même période

dans les exploitations et peuvent être en concurrence avec la moisson (tableau 83).

Tableau 83- instances de régulation des activités concurrentes

à la moisson exprimées par les agriculteurs

activités règles de déclenchement règles de fin règles d'arbitrage entre parcelles modalités

préparation de semis vêlages et

élevage

paille regain

doit être sèche

existence de

procédures de

traitement de la paille

en cas de pluie

Ensilage (herbe ou céréale) : en cas d’impossibilité de moissonner

Le sol doit être portant et peu collant, le fourrage peut être humide

Foin : à maturité du fourrage

Période de plusieurs jours de beau temps

dès que la parcelle est libérée

- les achats sont

prioritaires

- l’ordre de passage de la

presse dans les parcelles

est le même que celui de

la moissonneuse

un jour après la moisson

épisodes pluvieux

variable suivant le nombre

de jours disponibles et les

objectifs temporels de semis

- Les semis de colza

sont prioritaires sur les

semis des céréales

d’hiver

- le précédent au colza

est préférentiellement

l’orge d’hiver

Quatre activités peuvent potentiellement être effectuées en même temps que la moisson. Le

degré de concurrence varie selon les années en fonction principalement des conditions

météorologiques.

- L’activité paille regroupe deux opérations techniques : le pressage et

l’enlèvement et le rangement des bottes. Elle concerne les parcelles des

exploitations adhérentes (céréales à paille et parfois colza) mais aussi les achats de

paille à l’extérieur (parfois à des distances de l’exploitation assez importantes). La

paille est achetée au champ en andain ou déjà pressée. Ces achats, pour les

exploitants qui utilisent la presse de la CUMA, entrent dans le volume d’activité

de la presse collective. Pour simplifier la gestion des achats de paille à l’extérieur,

certaines CUMA réfléchissent les achats en commun. Toute la paille nécessaire

aux adhérents de la CUMA est achetée au même fournisseur et pressée et ramenée

en un seul chantier.

- La gestion des regains intervient plutôt pendant la moisson de l’orge et du colza.

Dans la mesure du possible les regains sont fauchés dans l’intervalle laissé libre

entre la récolte des deux soles de culture. Cependant les dates de fauches

dépendent des conditions climatiques et des techniques de récolte de la première

coupe. Les regains d’ensilage sont plus précoces que les regains de foin. Quand la

fauche coïncide avec la moisson la concurrence est forte du fait des exigences

météorologiques communes aux deux chantiers. Lorsque les deuxièmes coupes

sont ensilées la concurrence est plus faible. L’ensilage peut être effectué en

conditions légèrement humides. L’activité met donc plutôt à profit les périodes

d’interruptions de la moisson. L’ensilage de céréales relève du même principe.

- La préparation des semis entre surtout en concurrence avec la moisson pour les

parcelles qui doivent être implantées en colza. Compte tenu des objectifs

calendaires de semis (la sole doit être semée avant le 1er septembre) et du temps

disponible, le précédent du colza est toujours l’orge d’hiver. Pour les autres

cultures, le semis est plus tardif. La majorité du travail est automnale et ne rentre

en concurrence avec la moisson que si elle est extrêmement tardive. La

préparation des semis requièrt au moins trois opérations techniques : un

déchaumage, un apport de fumure organique et le semis combiné à un travail du

sol. Mais la plupart des itinéraires techniques mis en œuvre sont plus complexes.

Ils comprennent plus d’opérations techniques, des périodes de latence obligatoires

entre certaines opérations (levée des adventices, action d’un herbicide…) et des

exigences d’états du milieu pour pouvoir intervenir. L’objectif est de pouvoir

débuter l’itinéraire technique deux à trois jours après la moisson des parcelles

concernées.

- Les activités d’élevage sont surtout concurrentielles dans les exploitations

laitières qui pratiquent les vêlages d’été. Du fait de la politique tarifaire des

organismes de collecte du lait, les exploitations dans cette situation sont

fréquentes. La saison estivale est aussi une période pour laquelle le temps

consacré à l’abreuvement des animaux n’est pas négligeable (contrôle et

renouvellement des réserves en eau dans les parcelles pâturées). Ces activités sont,

dans la mesure du possible, effectuées en matinée avant la reprise de la moisson.

Entre toutes ces activités, une hiérarchie est établie par le collectif. La moisson est bien sûr

prioritaire. Elle est suivie par les regains puis le pressage de la paille. Viennent ensuite le

ramassage de la paille et les travaux du sol. Ces activités sont si possible conduites en

parallèle. En cas de manque de main d’œuvre ou de besoins ponctuels et urgents pour la

moisson, le ramassage de la paille est interrompu. C’est l’activité qui est utilisée pour conférer

de la flexibilité à l’ensemble.

De plus les CUMA mettent en place des procédures qui tendent à diminuer l’immobilisation

de la main d’œuvre par la moisson. Ainsi quand les parcelles sont proches de l’exploitation,

un nombre suffisant de bennes est mis à disposition en bout de champ. Le chauffeur de la

moissonneuse vide la trémie lorsqu’il passe à proximité. Le chauffeur des bennes est

disponible pour mener d’autres activités. A charge pour lui de les arrêter quand les bennes

doivent être vidées.

D’autre part les dimensions des territoires d’actions des CUMA et les systèmes de règles

associés au chantier (notamment servir tous les exploitants) permettent de diminuer la charge

temporelle de la moisson dans les exploitations. Contrairement au travail individuel ou au

recours à une entreprise de travaux agricoles, la moisson d’une sole d’une exploitation est

rarement faite en une fois. La moisson dans une exploitation n’occupe donc pas une journée

complète. L’exploitant dispose encore de temps pour faire d’autres activités, la concurrence se

fait moins ressentir.