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I.2. L’initiation des nanothermites

I.2.4. Initiation électrique

Simplement, un fil conducteur ou résistif est recouvert de nanothermites et un courant est appliqué au travers, comme présenté en Figure I.12.

CHAPITRE I

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Figure I.12 : Schéma de l’initiation électrique. (a) Fil avec une couche de nanothermites. (b) Fil avec une composition en poudres au-dessus et (c) fil avec une thermite multicouches.

Les initiateurs électriques sont classés en trois catégories en fonction de la physique mise en jeu lors du transfert de l’énergie électrique au matériau à initier : les initiateurs à fil explosé, à pont semiconducteur et à fil chaud. Seuls les deux derniers, les plus couramment étudiés pour l’initiation de nanothermites Al/CuO seront détaillés ici.

I.2.4.1. Initiateurs à pont semiconducteur

Un initiateur à pont semiconducteur est un élément résistif qui convertit l’énergie électrique en un plasma à haute température. Il a été conçu par Hollander et al. en 1969 puis breveté par Sandia National Laboratory dans les années 80 [83]. Il consiste en un pont semiconducteur dopé ou non en arséniure de gallium ou silicium, le tout déposé sur un substrat isolant et recouvert du matériau énergétique, comme présenté en Figure I.13. Le passage d’un fort courant vaporise le pont semiconducteur qui génère un plasma initiant la composition. Un initiateur de ce type permet de valider une condition de non feu de 1 A (passage d’un courant de 1 A pendant 5 min sans initiation), et un temps de réaction rapide, de l’ordre de 20 µs [84].

Figure I.13 : Représentation schématique d'un initiateur à pont semiconducteur.

Plusieurs équipes ont travaillé sur l’intégration de nanothermites et de bimétalliques sur ce type d’initiateur. Par exemple, certaines équipes ont montré qu’il était possible

INTRODUCTION SUR LES NANOTHERMITES

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d’améliorer la fiabilité de l’initiateur (reproductibilité de l’assemblage et de l’initiation) en

déposant alternativement des couches de Al/CuO, Al/Ni, Al/Bi2O3 ou encore Al/MoO3 par

pulvérisation cathodique [53], [85]–[89].

Une équipe chinoise s’est focalisée, en 2013, sur la fabrication d’initiateurs à pont semiconducteur intégrant des nanothermites Al/CuO puis des bimétalliques Al/Ni en multicouches [53], [85]. Un pont semiconducteur en silicium est utilisé, et les nanothermites sont déposées par pulvérisation cathodique au-dessus (cf. Figure I.14). L’initiation est réalisée par décharge d’une capacité de 47 µF et 30 V dans les contacts électriques de l’initiateur, et la réaction est suivie par une caméra rapide. L’énergie électrique de la capacité est fournie à l’initiateur, qui cause l’échauffement rapide du pont semiconducteur jusqu’à son explosion. L’explosion du pont éjecte alors des particules chaudes qui viennent ensuite initier localement les nanothermites. Ces travaux ont montré qu’il était possible d’initier la réaction d’oxydoréduction de la thermite Al/CuO en moins de 40 µs avec une énergie d’initiation de 21 mJ, et que 1,57 mJ suffisent pour initier la réaction.

Figure I.14 : Vues de dessus de la puce réalisée dans l’étude de Zhu et al. (a) sans et (b) avec la nanothermite Al/CuO ou Al/Ni. Le carré de nanothermite mesure 1 x 1 mm² [53], [85]. (Copyright © 2013

AIP Publishing LLC)

Plus récemment, Xu et al. ont étudié l’influence de l’épaisseur et du nombre de

bicouches d’Al/MoO3 sur la flamme générée par l’initiateur à pont semiconducteur [88]. Ils

ont montré qu’en augmentant le nombre de bicouches de 2 à 60, i.e. en diminuant l’épaisseur de la bicouche de 1500 nm à 50 nm, la réaction de nanothermites génère une flamme de 140 à 600 µs, respectivement. L’initiation est réalisée par décharge d’une capacité de 47 µF et 30 V mais les temps et énergies d’initiation n’ont pas été relevés, puisque les travaux étaient concentrés sur la génération de flamme.

L’intégration des nanothermites Al/CuO sur des initiateurs à pont semiconducteur est donc démontrée et les performances des initiateurs obtenus ont été grandement améliorées depuis plusieurs années. Cependant, divers défis fondamentaux, tels que le contrôle de l’explosion du pont et des problèmes de fiabilité de l’allumage subsistent [53], [87].

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I.2.4.2. Initiateurs à fil chaud

Les initiateurs à fil chaud sont composés d’un filament résistif sur lequel est déposé la nanothermite sous forme de poudre ou de multicouches comme présenté en Figure I.15. Le passage d’un courant dans le filament entraine un échauffement par effet Joule de ce dernier, qui conduit à l’auto-inflammation de la thermite au contact.

Figure I.15 : Représentation schématique d'un initiateur à fil chaud.

Les travaux du LAAS font référence : en 2008, un initiateur miniature (quelques mm²) composé d'un filament en platine recouvert de nanofils de CuO et d'une couche d'Al [10] a été réalisé. Le test de 50 initiateurs a montré 98 % de réussite avec une énergie d'initiation de

0,12 - 0,70 mJ, soit plus de 10 fois plus petit que l’énergie d’initiation d’un pont

semiconducteur.

Peu après cela, en 2010, la thèse de M.Petrantoni a conduit au développement d’une technologie d’intégration de nanothermites Al/CuO multicouches sur ce même initiateur [23]. Par la suite, les travaux de G.Taton ont fait naitre la puce d’initiation appelée pyroMEMS [11] dont la technologie fait toujours référence aujourd’hui. Elle est composée d’un filament titane en couche mince, sur lequel les nanothermites Al/CuO sont déposées. Afin d’obtenir des énergies d’initiation basses, compatibles avec une électronique de commande embarquée, une membrane et un film en polymère isolent thermiquement le filament en titane du substrat pour minimiser les pertes par conduction, comme présenté en Figure I.16 (a). Le passage d’un courant de 1 A au travers du filament déclenche la réaction de combustion en moins de 100 µs. Cette puce a ensuite été améliorée par L.Glavier afin de pouvoir l’intégrer dans un micro détonateur [80]. Pour se faire, le procédé de fabrication a été simplifié en remplaçant la membrane et le film en polymère par un film de Kapton, comme présenté sur le schéma en Figure I.16 (b). Après cette modification, le temps d’initiation sous 1 A est de 60 µs et le seuil de non feu est lui d’une valeur de 0,1 A. Le seuil de non feu est mesuré expérimentalement et correspond à la valeur minimale du courant pour lequel il n’y a pas d’initiation (pendant 10 s de passage de courant).

INTRODUCTION SUR LES NANOTHERMITES

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Figure I.16 : Schémas des puces pyroMEMS développées au cours de la thèse de (a) G.Taton [25] et de (b) L.Glavier [26].

Le Tableau I.3 présente une comparaison des deux pyroMEMS réalisés au LAAS qui viennent d’être évoqués.

Tableau I.3 : Comparaison des caractéristiques d’initiation des deux pyroMEMS réalisés au LAAS.

Paramètre PyroMEMS G.Taton

Silicium / SU-8 / PET

PyroMEMS L.Glavier

Pyrex / Kapton

Condition de non feu

(mA) 250 100

Temps initiation sous 0,35 A

(µs) 263 136

Temps initiation sous 1 A

(µs) 18

1

59

Nous observons que la condition de non feu est 2,5 fois plus grande pour la technologie Silicium/SU-8/PET comparée à la technologie pyrex/Kapton. De plus, les temps d’initiation pour de faibles courants (< 1 A) sont plus longs pour la technologie Silicium/SU- 8/PET. Cette différence s’explique par la différence de conductivité thermique du matériau support du filament, qui est 1,7 fois plus importante pour le film en PET (0,2 W.m-1.K-1) que pour le Kapton (0,12 W.m-1.K-1). Par contre, pour des courants > 1 A, les pertes deviennent négligeables et les temps d’initiation sont équivalents avec les deux technologies. Ces puces étant destinées à être commandées par une électronique embarquée, et donc à bas courant, le Kapton a été retenu par les partenaires industriels de la thèse de L.Glavier, puisqu’il permet une initiation avec une énergie de moins de 1 mJ contre 2 mJ pour les puces sur film PET.

1

Ce résultat peut paraître incohérent. Cependant, je n’ai pas plus d’informations car ce résultat a été récupéré de la thèse de G.Taton.

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I.2.5.

Résumé

Le mode d’initiation influence la vitesse de chauffage de la portion du matériau sollicitée ce qui, par conséquent, influe grandement sur les caractéristiques de l’initiation de la

combustion qui s’en suit. En effet, l’initiation de la même composition Al/MoO3 par laser ou

par choc montre des vitesses de combustion de 1 à 3 ordres de grandeur plus grandes pour l’initiation par choc dont la vitesse de chauffage est 100 à 1000 fois plus élevée [77], [90]. Nous retiendrons que l’initiation par choc est la méthode permettant d’avoir la vitesse de chauffage la plus élevée, mais en contrepartie les expériences sont difficiles à interpréter. D’un autre côté, l’initiation laser permet d’avoir des informations sur l’initiation avec une vitesse de chauffage plus réduite mais nécessite des précautions quant à l’utilisation de lasers. Enfin, l’initiation électrique, très largement utilisée, permet des vitesses de chauffage plus réduites que les deux autres, mais est facile à mettre en œuvre et moins contraignante d’un point de vue sécurité et dimensions des dispositifs d’initiation.

L’équipe NEO du LAAS a développé au travers de trois thèses de doctorat, celles de M.Pétrantoni, G.Taton, L.Glavier, des dispositifs d’initiation électrique de type « fil chaud » fabriqués en technologie MEMS, appelés puces pyroMEMS. Les performances obtenues sont parmi les meilleures de l’état de l’art puisqu’il suffit de seulement 1 mJ pour initier une nanothermite en moins de 60 µs avec des reproductibilités de 90 % pour la technologie sur Kapton. L’avantage de cette technologie, outre les performances obtenues, est sa relative simplicité (simple filament chauffant sur substrat isolant qui chauffe la nanothermite à sa température d’auto-inflammation) et sa compatibilité avec une commande par circuit électronique basse tension. Enfin, la versatilité des technologies MEMS permet, en faisant varier les dimensions du filament et les matériaux constitutifs, d’adapter les caractéristiques d’initiation aux contraintes applicatives (seuil de non feu, temps initiation, …). Ainsi, mes travaux de thèse se baseront sur cette technologie et le savoir-faire disponible au LAAS que j’ai fait depuis évoluer pour remplir le besoin des deux applications que j’ai explorées dans la thèse : allumeur pyrotechnique et sectionneur électrique.