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A/ L'informatique comme moyen de la réforme de l'État

Dans le domaine de la science administrative, l'informatique a d'abord été perçue comme un outil de modernisation de l'administration et, au delà, de « rationalisation du mode de gouvernement des hommes et des groupes sociaux »327. Son procédé a donc été propagé avant

que ne soient imaginées ses éventuelles conséquences sociales328, dans la directe continuité des

fonctions et usages administratifs. Ce développement de l'informatique comme élément de réforme de l'État a bénéficié, en tant que tel, d'un « discours promotionnel » de cette technique329.

Analysant ce discours, le professeur André Vitalis en révèle une structure ternaire orientée de manière générale vers la promotion de cette technique. Ainsi, d'une part, l'informatique est présentée dans un premier temps comme un phénomène naturel, c'est à dire qu'elle s'impose comme un phénomène évident et omniprésent, dont la raison d'être n'est pas exposée330.

327 JAMOUS Haroun et GREMION Pierre, L'ordinateur au pouvoir. Essai sur les projets de rationalisation du

gouvernement et des hommes, Seuil, 1978, p. 12.

328 Dans la perspective globale des conséquences de l'informatisation de l'administration , la question des libertés est bien perçue par les premières études de fond en langue française, mais les aspects de l'informatique en tant que facteur de rationalisation et de modernisation de l'administration prédominent largement: voir BRAIBANT Guy, « L'informatique dans l'administration », RISA, 1968, pp. 341-346;FRANCOIS Aimé, « L'informatique et l'Administration: trois thèmes de réflexion », RISA, 1970, pp. 56-66; BRAIBANT Guy, » Perspectives et problèmes du développement de l'informatique dans l'administration publique au cours de la prochaine décennie », RISA, 1971, pp. 201-211; HOLLEAUX André, « Les nouveaux aspects de l'information de l'Administration », RISA, 1972, pp. 393-408; FRANCOIS Aimé, « L'informatique dans l'administration: un problème d'intégration », RISA, 1972, pp. 409-418. En comparaison, dans la doctrine de l'époque, des articles plus spécifiques à la question des atteintes aux libertés du fait de l'informatisation de la société sont comparativement moins nombreux: BRAIBANT Guy, « La protection des droits individuels au regard du développement de l'informatique », RIDC, 1971, n°4, pp. 793-817 ; GALLOUEDEC-GENUYS Françoise, « Informatique et secret dans l'administration », RISA, 1972, pp. 141-148.

329 VITALIS André, op. cit., p. 9. 330 VITALIS André, op. cit., p. 10.

Parallèlement, l'informatique est présentée comme un phénomène merveilleux en ce sens que, dans tous les ouvrages relatifs à l'informatique au tournant des années 1960, « c'est moins la connaissance de l'informatique qui est présentée, que son spectacle »331. En témoignent

notamment les trois types de puissance évocatrice contenus dans les acronymes désignant les premiers programmes ou projets informatiques français, malicieusement recensés par cet auteur en trois catégories : puissance poétique avec ENEIDE (ensemble normalisé sur les entreprises industrielles pour les décisions de l'État), SIRENE (système informatique pour le répertoire des entreprises et établissements) ou CAPRI (Calcul de programme d'investissement) ; puissance philosophique ou mathématique avec PLATON (prototype lannionais d'autocommunateur temporel à organisation numérique) et CANTOR (conception et analyse du traitement par ordinateur) ; puissance dangereuse enfin, avec LSD (langage simplifié du dépouillement d'enquêtes) et le célèbre SAFARI (système automatisé pour les fichiers administratifs et le répertoire des individus)332. Enfin, l'informatique est présenté comme un « phénomène

révolutionnaire » dépassant son simple potentiel technique et économique : l'informatique n'est ainsi « pas une seconde révolution industrielle comparable à celle du moteur, c'est une révolution totale » des mœurs et usages humains de la technique333. Cette vision globalement dithyrambique

de l'informatique jusqu'au début des années 1970 amènera, par un mouvement de balancier, la diffusion d'une pensée plus critique à l'égard de l'informatique, mettant notamment l'accent sur ses éventuelles externalités négatives334.

Pour les auteurs intervenant en science administrative, l'introduction de l'informatique ne constitue qu'une étape dans la rationalisation du traitement de l'information, au sein de la fonction administrative. Ce constat ressort ainsi des développements relatifs à l'informatique au sein des ouvrages généraux de science administrative335. L'informatique est ainsi apparue dans un

premier temps comme un outil permettant de rationaliser la gestion administrative d'un nombre

331 VITALIS André, op. cit., p. 15. 332 VITALIS André, op. cit., pp. 20-21. 333 VITALIS André, op. cit., p. 22.

334 En droit interne, cette appréhension s'est faite de manière déséquilibrée en ce que chacun des enjeux de l'informatique a été effectivement perçu à sa juste mesure, mais avec un décalage dans le temps conduisant à leur sur-représentation successive. Schématiquement, on passe ainsi d'une sur-représentation positive de l'informatique durant les années 1960, conduisant corrélativement à escamoter la problématique des libertés, à une sur-représentation de cette deuxième thématique durant les années 1970. Voir DE LAUBADERE André, Chronique générale de législation, AJDA, mars 1978, p. 146: « Le développement de l'informatique a provoqué, en ce qui concerne son utilisation administrative, deux réactions successives. D'abord, naturellement, celle de l'engouement: comment réaliser l'utilisation maximale, dans la vie administrative, de cette découverte de la science et de la technologie modernes? (…) Cette aspiration compréhensible à un emploi aussi étendu que possible de l'informatique n'a cependant pas tardé à s'accompagner d'une préoccupation: comment se prémunir contre les dangers que l'informatique risque de faire courir à la protection de la vie privée et aux libertés publiques? ».

335 CHEVALLIER Jacques et Lochak Danièle, Science administrative, Tome II – L'administration comme organisation

et système d'action, LGDJ, 1978, p. 570: « La transformation des techniques de décision et les progrès de la

rationalisation dans ce domaine sont étroitement liés au développement de l'informatique. Dans l'administration, en particulier, l'introduction des ordinateurs entraîne une série de conséquences d'importance inégale, mais dont on ne saurait en aucun cas sous estimer l'impact ». L'auteur en développe deux: «L'ordinateur permet d'abord l'automatisation de la gestion courante », soit les tâches routinières et répétitives comme celle afférentes à la paie des personnels : « Mais l'ordinateur joue aussi un rôle essentiel dans le processus décisionnel proprement dit, en tant que support technique indispensable de la préparation rationnelle des décisions ».DEBBASCH Charles, Science administrative, 4ème édition, Dalloz, 1980, pp. 139-140.

Dans le processus de décision administrative, l'introduction de l'informatique présente deux utilités: elle remplit une « fonction de gestion » et une « fonction de rationalisation ».

croissant d'informations336. Sa diffusion dans les services paraissait alors d'autant plus nécessaire

qu'elle permettait d'une part un allègement considérable de tâches administratives dévoreuses de personnel et de temps et, d'autre part, de produire une information plus fiable, donc in fine une action administrative plus pertinente337. En effet, à la question « pourquoi l'informatique? », la

science administrative répond, explicitement et pragmatiquement: pour « rendre service; maîtriser la gestion; supprimer des opérations manuelles; accentuer les contrôles automatiques; aider à la mise en place de nouvelles méthodes; rationaliser les traitements; intégrer les traitements; déconcentrer les traitements »338. Cette réponse n'a rien pour étonner, dans la mesure où les

critères de rationalité de l'action publique impliquent notamment une réduction de la marge d'incertitude sur les choix opérés, ainsi qu'une recherche de pertinence de la décision par rapport à son objet339. L'introduction puis la diffusion de l'informatique dans l'administration tend donc

depuis l'origine à se confondre avec les politiques de rationalisation de son action340. Plus

récemment, cette contribution de l'informatique à la rationalisation du travail administratif a même été perçue comme un élément de la notion européenne du « droit à une bonne administration » garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux341.

Cette recherche d'efficacité de l'action publique explique le délaissement d'une optique uniquement juridique pour y intégrer ou lui substituer des considérations relatives à la gestion et à la théorie des organisations342. L'institution administrative est alors considérée comme une

336 MASSENET Michel, La nouvelle gestion publique, Éditions Hommes et techniques, 1975, pp. 79-87.

337 FRAYSSINET Jean, La bureaucratique, Berger-Levrault, 1981, p. 89: « La croissance rapide de la taille des fichiers au niveau des administrations centrales, des grands services extérieurs et des collectivités locales a entraîné l'inadaptation des méthodes traditionnelles de gestion des fichiers et des dossiers provoquant une perte de qualité de l'information. C'est précisément au moment où les services ressentaient le plus de difficulté à gérer convenablement les informations de base qu'est apparue l'informatique, technologie dont les avantages correspondent exactement aux besoins de l'administration. L'automatisation de la tenue des fichiers est devenue le dénominateur commun de toutes les applications de l'informatique dans l'administration (...) ». Pour des exemples concrets, voir p. 90 et ss.

338 DASSE Michel, L'initiative informatique, in Informatique et développement régional, Actes du colloque des 20 et 21 octobre 1977 tenu à Fontevraud, La Documentation française, 1978, p. 23.

339 CHEVALLIER Jacques, Science administrative, 4ème édition, PUF, 2007, pp. 482-495.

340 DEBBASCH Charles, op. cit., pp. 137-154; CHEVALLIER Jacques, op. cit., p. 542: l'auteur fait une synthèse de cette tendance pour la France des années 1980. Il convient de noter que cette tendance se poursuit encore, avec des conséquences en termes d'échanges internationaux d'informations qui seront analysés infra, deuxième partie, titre 2. La seule différence est que ce mouvement de rationalisation de l'action administrative par l'électronique a désormais pour nom l' « e-administration ». Pour un aperçu pratique de ses enjeux, voir: JUBERT Francis, MONTFORT Élisabeth, STAKOWSKI Robert, La e-administration – Levier de la réforme de l'État, Dunod, 2005. Pour une approche plus théorique et plus approfondie, voir CHATILLON Georges et DU MARAIS Bertrand (dir.),

L'administration électronique au service des citoyens, Actes du colloque du Conseil d'État et de l'Université Paris

I Panthéon-Sorbonne, Paris, 21 et 22 janvier 2002, Bruylant, 2003.

341 Ainsi, l'ancien plan d'action i2010 pour la généralisation de l'administration électronique en Europe est fondé directement et explicitement sur cet article 41 de la Charte des droits fondamentaux et sa notion de bonne administration. Cette relation a été mise en évidence dans une thèse récente: voir BOUSTA Rhita, Essai sur la

notion de bonne administration en droit public, thèse, L'Harmattan, 2010. P. 176, l'auteur propose une typologie

des moyens de l'administration en considérant que « sans prétendre à l'exhaustivité, trois catégories doivent être ici exposées: les moyens financiers, les moyens humains et les moyens matériels. Cette dernière rubrique peut être définie négativement: les moyens matériels désignent les moyens qui ne sont ni financiers ni humaines. Il peut, à titre d'exemple, aussi bien s'agir de la matière première que des nouvelles technologies. L'introduction de l'informatique dans le fonctionnement quotidien de l'administration permet en effet un meilleur accomplissement des fins et donc une bonne administration ».

342 CHEVALLIER Jacques et LOCHAK Danièle, Science administrative, Tome I – Théorie générale de l'institution

administrative, LGDJ, 1978, p. 16: « Le facteur essentiel qui explique l'élargissement des préoccupations

organisation au sens large, indépendamment de sa fonction de service de l'intérêt général. Or, dans la théorie des organisations, la question de l'efficacité d'une institution dépend de son adaptation à ses fins et à son environnement. Cette capacité d'adaptation est indissociablement liée à sa faculté d'acquérir et d'employer rationnellement l'information sur son environnement extérieur. L'enseignement qui en est tiré en science administrative est qu'une des causes de l'inefficacité supposée de l'administration publique à une certaine époque réside dans un processus congestionné d'acquisition et de circulation de l'information343. Certains auteurs comme

les professeurs Jacques Chevallier et Danièle Lochak opposent alors le modèle ancien d'administration bureaucratique au modèle plus performant d'une administration ouverte sur son environnement344. Dans cette optique, l'informatique est perçue comme un instrument

d'approfondissement de la réforme de l'État après la seconde guerre mondiale.

Mais s'en tenir à ce constat serait encore trop réducteur et il faudrait remonter plus loin pour élucider la relation entre l'Etat et l'informatique. Ainsi, Pierre Rosanvallon a pu considérer que « l'histoire de l’État est d'abord celle d'un processus de rationalisation »345. L'emploi de procédés

informatiques semble alors constituer l'aboutissement d'un processus de rationalisation de l'action de l'État remontant à l'époque des Lumières, considérée comme le berceau de la « politique de la raison »346. Le professeur Jean-Jacques Chevallier adopte à l'égard de cette période un

questionnement et des réponses dépourvus d'ambiguïté: « De ce nouveau système de croyances, que ressort-il avec quelque clarté et précision pour ce qui a trait au gouvernement des hommes? (…). Que tout souverain a pour devoir d'opérer les réformes dictées par la raison en vue du bonheur des individus et des peuples »347. Mais cette époque ne conduit qu'à mettre en avant le

principe de la rationalité de l'action de l'État au sens large. Il ne constitue alors qu'un principe

l'inadaptation de l'appareil administratif à ses nouvelles tâches. Ce sont donc des considérations utilitaires qui ont conduit les praticiens d'abord, les théoriciens ensuite, à s'intéresser au fonctionnement interne des services et aux techniques de gestion, dans le but d'améliorer l'efficacité tant interne qu'externe de l'action administrative. Ceci explique que le thème de la réforme administrative soit au départ étroitement lié à celui de la science administrative ».

343 CHEVALLIER Jacques et LOCHAK Danièle, Science administrative, Tome II – L'administration comme organisation

et système d'action, LGDJ, 1978, p. 179: « L'ouverture est, à première vue, une donnée constante et nécessaire à

la vie organisationnelle: non seulement l'organisation est toujours issue d'une certain milieu avec lequel elle entretient des relations d'échange et de complémentarité, mais encore sa survie paraît dépendre de la densité et de l'intensité de ses relations avec lui: plus l'organisation améliore sa sensibilité vis-à-vis de l'environnement en se montrant réceptive à ses sollicitations, et plus elle tend à développer son efficacité et ses facultés d'adaptation. L'exigence d'ouverture est particulièrement impérieuse pour l'administration, compte tenu de la nature de son rôle dans la société: l'administration ne peut déterminer les conditions de préservation des équilibres sociaux qu'en tissant des liens étroits et réciproques avec le milieu social ».

344 CHEVALLIER Jacques et LOCHAK Danièle, Science administrative, Tome II – L'administration comme organisation

et système d'action, LGDJ, 1978, p. 180: « l'administration se trouve, dans le schéma d'ouverture, reliée à

l'environnement par un flux continu et circulaire d'informations et d'échanges: elle importe de l'environnement l'énergie et l'information nécessaires (input) qu'elle transforme (throughput) en décisions et en actions (output) ».

345 ROSANVALLON Pierre, L'Etat en France de 1789 à nos jours, Seuil, 1990, pp. 21-22 : « Tout en étant amorcé dès le milieu du XVIIIème siècle, le mouvement de rationalisation de l’État ne produit cependant que des effets

limités avant 1789, les racines absolutistes de la monarchie constituant un obstacle fondamental à la régularisation des procédures administratives. La révolution va permettre de lever cet obstacle, et contribuer ainsi à l'accélération de la modernisation de l’État. (…) aussi l'avènement d'un régime constitutionnel semble-t-il indissociable d'un processus de régularisation de l’État. Mise en place d'un véritable État de droit d'abord (…). Mais réforme également de l'appareil de l’État lui-même pour en faire une machine régulière et transparente ». 346 CHEVALLIER Jean-Jacques, Histoire de la pensée politique, Éditions Payot & Rivages, rééd., 1993, p. 455 ; NAY

Olivier, Histoire des idées politiques, Armand Colin, 2007, p. 254. 347 CHEVALLIER Jean-Jacques, op. cit., p. 458.

général d'organisation de l'État et d'orientation de ses finalités. Il faut attendre la fin de la seconde guerre mondiale, en France, pour que cette exigence de rationalité de l'action publique soit systématisée et posée comme une norme comportementale de l'action administrative.

En effet, l'expérience des deux guerres mondiales a révélé, à des degrés divers et pour des raisons variées, le défaut d'adaptation de l'administration française à son environnement et, dans une certaine mesure, son inefficacité relative. Corrélativement, au sortir de chacune de ces deux guerres, des travaux théoriques ont été publiés afin de repenser l'organisation du travail administratif dans le sens d'une plus grande efficacité348. La considération du travail de

l'administration comme une tâche de gestion permet ainsi d'y appliquer les principes nouveaux visant à accroître son efficacité. En France, au sortir de la seconde guerre mondiale, cette prise de conscience s'est traduite par la mise en place dès 1946 d'institutions chargées de rationaliser l'action de l'administration comme le Commissariat au Plan349 et par l'élaboration d'une méthode

d'intervention de l'État se voulant plus rationnelle. Cette méthode est aussi bien mise en œuvre au niveau des orientations politiques stratégiques, avec la Planification, qu'avec des techniques de rationalisation du travail plus spécialisées, à l'instar du Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics.

Cette volonté neuve de rationaliser le travail des personnes publiques a été si étendue qu'elle s'est immiscée jusque dans des domaines apparemment triviaux, comme l'élaboration des bâtiments administratifs, ainsi passée « du prestige à la rationalisation ». La fonctionnalité des bâtiments publics et leur regroupement rationalisé en cités administratives s'impose alors comme un symbole visible de cette conversion de l'Administration aux « normes modernes du rendement »350. Ainsi, l'édification à Paris du siège de l'UNESCO selon le style « Le Corbusier »

s'inscrit-elle directement dans cette volonté de rationalisation ostensible de l'action publique. Au delà de cet aspect relativement anecdotique, cette volonté fait surtout l'objet d'une diffraction dans les diverses modalités d'action de l'administration. Ainsi, les réformes de la fonction publique vont-elles dans le sens d'une rationalisation de l'emploi ainsi que d'une amélioration du recrutement et de la formation351. Ce faisant, l'après-guerre voit triompher une version moderne

du Saint-simonisme du XIXème siècle352. Mais même cette conception ne fait que systématiser la

conception de l'administration découlant de la Révolution de 1789, dont le but a alors pu être conçu comme celui de réaliser le bonheur des peuples et non plus de servir un monarque. Cette première conception a servi de socle théorique au développement de l'État-providence353.

348 LEGENDRE Pierre, Histoire de l'Administration de 1750 à nos jours, PUF, 1968, pp. 90-103, sp. p. 97: « La guerre de 1939-45 s'acheva en une victoire de l'organisation. Nous n'avons pas fini de ressentir les effets d'un fait historique aussi capital, qui coïncide avec les débuts d'une seconde Révolution industrielle. L'avènement en France de l'État industriel marque ainsi la transition entre la « nomocratie » et la « telocratie » (B. de Jouvenel) ».

349 Cette institution n'est pas la seule mais est particulièrement emblématique. A titre d'exemple complémentaire, l'INSEE est constituée à cette même époque par le regroupement du Service National des Statistiques, l'Institut de Conjoncture, les services de la direction du Plan et de la Documentation du ministère de l'Économie.

350 LEGENDRE Pierre, op. cit., pp. 524-527.

351 GRISTI Éric, La réforme de l'État, Vuibert, 2007, pp. 94-112.

352 Sur la question de la technocratie, dans son rapport à la protection des données personnelles, voir infra, Deuxième partie, titre 1, chapitre 2.

353 LEGENDRE Pierre, op. cit.,p. 100: « Malgré l'aggravation des causes de tension dans le monde après 1945, il est admis que les sociétés techniciennes réaliseront, sauf accident atomique, le progrès absolu par l'élimination des conflits et la satisfaction des besoins. Schématiquement, ce paradis sera réalisé grâce au perfectionnement des techniques d'organisation. Tandis qu'auparavant la connaissance du futur était divinatoire, la fin des incertitudes paraît proche ».

En cela donc, l'apparition et la diffusion de l'informatique dans les administrations ne constitue pas une révolution sur le fond dans la mesure où elle ne fait que prolonger le travail de rationalisation de l'administration354, travail qui par ailleurs la caractérise dans nos types de

sociétés occidentales355. Pour autant, une telle conception est réductrice car la liberté de

l'informatique s'avère consubstantielle à l'État moderne et, au delà, à toute institution.

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