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A/ L'émergence d'un modèle d'administration internationale indirecte

Cette émergence doit s'analyser dans le cadre du développement plus général de la théorie du droit administratif global587 qui a connu des développements récents en dépit d'une existence déjà

ancienne en tant que droit administratif international588. Son développement constitue le

symptôme le plus visible du développement d'une administration internationale indirecte plus ou moins formalisée589. Dans l'ordre juridique international, cette évolution se traduit de manière

informelle par un processus d'administrativisation du droit international public590. Dans l'ordre

juridique communautaire, qui constitue à juste titre selon l'expression du professeur Delmas- Marty un « laboratoire de la mondialisation »591, cette évolution se traduit de manière plus

formalisée sous la forme du développement d'un droit administratif européen.

En droit international public, s'il est possible de mettre en lumière des phénomènes d'administration internationale, force est de constater qu'ils ne répondent pas à un modèle unitaire. Il est toutefois possible de dégager certaines tendances. Le modèle de l'administration internationale directe paraît peu répandu, en ce qu'il implique l'existence d'organes administratifs opérant directement la gestion d'un intérêt général international. Plus récemment, le modèle de l'administration directe tend à se développer, notamment dans le cadre du droit international économique. Le modèle le plus répandu est encore celui de la coopération. Dans ce cadre, la définition de l'intérêt général international poursuivi de manière décentralisée n'est pas le fait

des organisations internationales, thèse, LGDJ, Bibliothèque de droit international, 1962.

587 CASSESE Sabino, « Le droit administratif global: une introduction », DA, mai 2007, pp. 17-26. Voir également AUBY Jean-Bernard, « Globalisation et droit public », in Gouverner, administrer et juger, Mélanges Waline, Dalloz, 2002 pp. 135-157.

588 Cette question sera développée infra, mais voir notamment : NEUMEYER Karl, « Le droit administratif international », RGDIP, Tome XVIII, 1911, pp. 492-499 ; GASCON Y MARIN José, « Les transformations du droit administratif international », RCADI, 1930, Tome IV, pp. 5-73 ; NEGULESCO Paul, « Principes du droit international administratif », RCADI, 1935, Tome I, pp. 583-689.

589 La question du développement du droit administratif international en lien avec le présent sujet étant développée infra, l'essentiel des développements subséquents se concentrera sur le modèle de l'administration internationale indépendamment du droit équivalent qu'elle a pu contribuer à susciter.

590 voir infra, titre 2, Chapitre 2, section 2.

591 DELMAS-MARTY Mireille, « L'espace judiciaire européen : laboratoire de la mondialisation, Rec. Dalloz, 2000, pp. 421-426.

d'une organisation internationale constituée mais émerge de manière informelle au sein de forums regroupant les États et/ou des organisations internationales. Cela explique l'aspect considérablement plus informel pris par ce phénomène en droit international public, qui trouve essentiellement son origine dans la difficulté de distinguer entre législation et administration en droit international. A cet égard, l'analogie doit être faite avec le droit communautaire, qui laisse observer une difficulté similaire592. Le professeur Isabelle Boucobza relève à cette égard qu'une

telle difficulté n'est pas propre à l'ordre juridique communautaire en ce que la « définition de la « législation » comme activité purement créative de normes nouvelles et non application de normes préexistantes, née dans le contexte des constitutions flexibles, est liée à l'idée de « suprématie de la loi » ou « d'omnipotence du législateur » ».Une telle conception permet alors de distinguer celle d'administration, qui se définit alors comme l' « application d'une norme préexistante »593. De ce fait, ce phénomène n'est ordinairement pas perçu comme le

développement d'un modèle administratif spécifiquement international, mais se trouve plus volontiers analysé par la doctrine comme une administrativisation du droit international public.

En droit européen, les modalités pratiques de l'administration internationale trouvent en revanche une expression particulièrement formalisée et diversifiée. En effet, l'organisation de la fonction administrative européenne ne répond pas à un schéma unitaire. Elle paraît plutôt éclatée entre les trois modèles ci-dessous exposés, dont celui de l'administration indirecte apparaît de loin comme le plus fréquent.

Le recours au modèle de l'administration directe apparaît comme limité et ce en vertu du principe de subsidiarité de l'action communautaire. L'administration directe est alors le fait des institutions et organes de l'Union, utilisant pour instruments juridiques essentiellement le règlement et la décision et comme ressources le budget de l'Union ainsi que ses agents. Un tel exemple d'administration directe est rare en droit communautaire, et limité aux domaines touchant au cœur de son activité594. Le recours à l'administration indirecte constitue le modèle

dominant dans l'organisation de l'action administrative dans l'UE. L'administration indirecte est le fait des institutions et administrations des États membres et utilise un ensemble mixte de moyens juridiques, financiers et humains. Le caractère principal de l'administration indirecte s'explique par la prééminence du principe de subsidiarité595. La large domination de ce modèle explique que ses

caractéristiques soient parfois présentées comme celles du modèle administratif européen même596. Enfin, le recours à la co-administration597 paraît moins usité que le précédent tout en en

constituant une version plus avancée. La co-administration peut se définir comme « la

592 Et formulée en des termes identiques pour le droit communautaire par BOUCOBZA Isabelle, « La « co- administration » dans la production des normes juridiques communautaires », DA, décembre 2004, p. 8.

593 BOUCOBZA Isabelle, op. cit. p. 8.

594 Tel est encore actuellement le cas en matière de contrôle des concentrations, où la Commission continue d'examiner directement les demandes en la matière : voir le Règlement n° 139/2004 du 20 janvier 2004 du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, JOUE L 24 du 29 janvier 2004, p. 1.

595 ZILLER Jacques, « Introduction: les concepts d'administration directe, d'administration indirecte et de co- administration et les fondements du droit administratif européen », in AUBY Jean-Bernard et DUTHEIL DE LA ROCHÈRE Jacqueline (dir.), Droit administratif européen, Bruylant, 2007, p. 242: « la compétence exclusive la plus typique de la Communauté est l'union douanière, et pourtant ce sont les États membres qui l'exécutent par leurs agents, en particulier les douaniers et autres corps de police spécialisés ».

596 SCHMIDT-ASSMANN Eberhard, « Le modèle de l' « administration composée » et le rôle du droit administratif européen », RFDA, novembre-décembre 2006, p. 1248: La particularité de l'administration européenne résiderait ainsi « dans l'intégration, dans ses activités, de processus d'information, de soutien et de concertation réciproques entre les administrations impliquées. Seule cette collaboration permet de garantir l'efficacité de l'« administration de l'espace communautaire ».

coordination des deux types d'administration, directe et indirecte, qui passe par différentes modalités organisationnelles »598.

Le modèle de l'administration indirecte implique que l'« autorité publique française, dans sa mission d'exécution administrative du droit communautaire, s'insère dans un espace administratif ouvert, où elle agit en concertation avec la Commission et les autres États »599. Cette insertion

prend pour le professeur Jean Sirinelli deux aspects, qui relèvent pour le premier de la coopération et le second de l'intégration. Le premier cas de figure caractérise une situation dans laquelle l'administration nationale conserve un pouvoir d'appréciation et de décision intégral. Dans ce cadre, « l'exécution administrative du droit communautaire s'effectue alors selon un modèle coopératif où l'administration française s'intègre dans des réseaux d'administration »600. Ces

réseaux ont alors une vocation purement informative, plus ou moins institutionnalisée. Le second caractérise une situation dans laquelle le pouvoir de décision n'appartient plus en propre à l'administration nationale. Dans ce cas, « la mise en œuvre matérielle du droit communautaire est alors le produit d'une procédure complexe et hybride qui implique l'intervention de décisions successives, complémentaires et nécessairement liées, prises aux niveaux national et communautaire »601. Dans cette hypothèse, « les administrations nationales et communautaires

sont distinctes et autonomes mais leur action unitaire »602. La tendance très forte au

développement de ce mode d'administration coopératif en droit international implique, en tant que modalité pratique, le développement de l'échange par principe d'informations, notamment personnelles, entre les parties à cette opération.

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