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Chapitre 4 Discussion

4.1 Rappel des objectifs de l’étude

4.1.4 Influence de diverses variables sociodémographiques et contextuelles sur les variables d’intérêt

L’analyse de l’influence des variables sociodémographiques et contextuelles montre en premier lieu que le sexe des enseignants, la taille de leurs groupes d’élèves, leurs conditions de travail, leur niveau de scolarité, leur expérience en tant qu’enseignant et leur expérience dans l’éducation inclusive n’influencent pas leurs perceptions à l’égard de l’éducation inclusive, l’utilisation des pratiques d’adaptation de l’enseignement et leur SEP à l’égard des pratiques d’adaptation de l’enseignement.

En deuxième lieu, il a été constaté que la perception des enseignants à l’égard de l’éducation inclusive et la fréquence d’utilisation des pratiques d’adaptation sont influencées par les conditions socioéconomiques. Les enseignants qui travaillent dans des écoles de faible niveau socioéconomique utilisent davantage des pratiques d’adaptation et ont une attitude plus positive à l’égard du programme que ceux travaillant dans les écoles de niveau socioéconomique moyen. Ces résultats soutiennent l’étude d’Aylwin, et al.,(2011), qui ont démontré que, dans certaines écoles défavorisées, les enseignants sont touchés par la situation familiale, sociale et économique de leurs élèves et que cela les motive à développer une planification flexible et à développer une bonne gestion de classe. Ces chercheurs ajoutent que ces enseignants sont ouverts à partager leurs expériences avec leurs collègues et à créer un environnement de travail agréable tout en ayant des attentes élevées. Par ailleurs, la conclusion d’une recherche menée par le gouvernement du Chili (2003) a montré que les enseignants des écoles défavorisées ont une perception positive de la diversité et qu’ils connaissent la réalité et les besoins des familles de leurs élèves, ce qui les encourage à appliquer des stratégies d’enseignement innovantes. Les résultats de ces deux études coïncident par le fait que les enseignants qui choisissent de travailler au sein d’écoles ayant un faible statut socioéconomique ont une perception positive de l’enseignement pour tous et ils utilisent diverses stratégies pédagogiques.

En troisième lieu, le nombre d’élèves ayant des besoins particuliers par enseignant a aussi une influence significative sur la perception des enseignants à l’égard de l’éducation inclusive ainsi que sur la fréquence d’utilisation des pratiques d’adaptation. Il appert que les enseignants qui ont plus d’élèves ayant des besoins particuliers ont des perceptions plus positives à l’égard du programme d’éducation inclusive et utilisent davantage les pratiques d’adaptation suggérées. Ce phénomène peut résulter du fait qu'en Colombie, plus le nombre d'élèves ayant des besoins particuliers en classe est élevé, plus le soutien des autres professionnels

ou de l'équipe pédagogique de l'enseignant est important (Rueda de la Hoz, 2018). Lorsque l'enseignant se sent soutenu par d'autres professionnels, il a une perception positive de l'éducation inclusive des élèves ayant des besoins particuliers et il applique des stratégies adaptées d'enseignement plus fréquemment (Bermeosolo, 2014).

Enfin, le fait d’avoir des élèves ayant uniquement un handicap intellectuel ou des handicaps variés fait varier la fréquence d’utilisation des adaptations de l’enseignement. Si l’enseignant a dans sa classe des élèves ayant plusieurs handicaps, la fréquence d’utilisation des stratégies d’adaptation sera plus grande. Cette situation peut être liée au fait qu'une grande partie des élèves ayant une déficience intellectuelle ne nécessite pas l’utilisation de matériel adapté très spécifique ni l'attention constante des enseignants dans la réalisation d'activités avec des élèves ayant d'autres besoins éducatifs (Escandón Minuti & Teutli Guillen, 2010). Cela pourrait amener l’enseignant à utiliser plus fréquemment des stratégies d'adaptation de l’enseignement avec des élèves ayant d'autres types de handicaps.

Tous ces résultats sont encourageants : mis dans des conditions difficiles, les enseignants voient encore plus les bienfaits de l’adaptation de l’enseignement.

4.1.5 Prédiction de la fréquence d’utilisation des pratiques d’adaptation

Dans la présente étude, le modèle de prédiction de la fréquence d’utilisation des pratiques d’adaptation de l’enseignement a été fondé sur trois blocs de variables entrés successivement dans le modèle lors des analyses de régression. Le premier bloc était constitué des variables contextuelles qui influencent les diverses variables du modèle, soit le statut socioéconomique de l’école, le nombre d’élèves ayant des besoins éducatifs particuliers dans la classe et la diversité des besoins de ces élèves. Le deuxième bloc de variables regroupait les perceptions des enseignants à l’égard de l’éducation inclusive et son application. Il s’agit, de façon plus détaillée, des perceptions des enseignants à l’égard de l’adaptation de l’enseignement, des compétences personnelles générales, des compétences personnelles spécifiques, de la sensibilisation du corps professoral, des connaissances et perceptions des élèves de la classe et des efforts de l’école pour implanter l’éducation inclusive. Finalement, le troisième bloc était constitué du SEP à l’égard des pratiques d’adaptation de l’enseignement.

Les résultats montrent que la prise en compte de ces facteurs permet de prédire 57% de la fréquence d’utilisation rapportée des pratiques d’adaptation et que chaque bloc du modèle prédictif est un apport significatif dans notre compréhension du recours aux pratiques d’adaptation. Ainsi, 15% de la variance dans l’utilisation des pratiques d’adaptation peut s’expliquer par les variables contextuelles, alors que 30% de la variance a trait aux perceptions à l’égard de l’éducation inclusive et 12% au SEP.

Toutefois, seuls le SEP, les perceptions de l’enseignant à l’égard de l’adaptation de l’enseignement et la diversité des handicaps des élèves contribuent de façon spécifique et significative à la compréhension de la fréquence d’utilisation des pratiques d’adaptation de l’enseignement. Qui plus est, parmi ces facteurs, c’est le SEP qui prédit le plus la fréquence d’utilisation des pratiques d’adaptation. Cette même conclusion a été démontrée par Rodríguez, Núñez, Valle, Blas, and Rosario (2009) et Rodríguez et al. (2014) dans leurs recherches sur le SEP des enseignants. Ces derniers concluent que le SEP des enseignants joue un rôle crucial dans l’adaptation de l'enseignement, car la préparation de la classe, l’amélioration périodique du contenu, la motivation des élèves, l’innovation et la formation continue sont très importantes pour les enseignants ayant un fort SEP.

Les perceptions de l’enseignant à l’égard de l’adaptation de l’enseignement et la diversité des handicaps des élèves contribuent à la fréquence d’utilisation des pratiques d’adaptation. Cette perception de l’enseignant peut s'expliquer par le fait que la perception positive à l’égard de l'adaptation de l’enseignement crée des attentes et un intérêt intrinsèque à explorer les ressources existantes et sa créativité pour utiliser ces adaptations, ce qui amène une satisfaction professionnelle (Chiner, 2011; Monfroy, 2013). En bref, les perceptions que les enseignants ont de l'adaptation de l'enseignement peuvent limiter ou faciliter leurs tentatives d'utilisation de l'adaptation de l'enseignement (Granada Azcárraga, Pomés Correa, & Sanhueza Henríquez, 2013). De plus, la diversité des handicaps des élèves amène l’enseignant à choisir une adaptation qui tient compte de cette diversité des handicaps, qui nécessite l'utilisation d'adaptations et de soutiens spécifiques, sans lesquels les élèves ne pourraient pas participer et apprendre sur un même pied d’égalité que le reste de leurs pairs, comme dans le cas des handicapés sensoriels (Escandón Minuti & Teutli Guillen, 2010).

Il faut quand même ajouter que le nombre d’élèves ayant des besoins particuliers dans la classe et la perception de l’enseignant à l’égard de l’effort consenti par l’école pour faciliter l’éducation inclusive contribuent de façon marginale à la prédiction de la fréquence d’utilisation des pratiques d’adaptation de l’enseignement. Plus il y a d’élèves avec des besoins particuliers dans la classe, plus l’enseignant utiliserait les pratiques d’adaptation.

Pour ce qui est de l’effort des fournis par l’école pour mettre en place le programme d’éducation inclusive, il est étonnant de constater que moins les efforts de l’école sont perçus positivement, plus l’enseignant a recours aux pratiques adaptatives. Cet effet peut s'expliquer par le fait que, selon Campos (2005) certains enseignants qui ont une perception négative des efforts de l'école préparent des adaptations du programme scolaire en fonction de la formation qu'ils ont reçue sans aucun soutien de la part de l’école.

Comme l'explique la théorie du changement du programme d'éducation inclusive, proposée par cette étude, si le gouvernement colombien souhaite optimiser la mise en œuvre du programme d'éducation inclusive, il doit davantage intervenir sur les facteurs mentionnés ci-dessous. En effet, des derniers augmenteront la fréquence d'utilisation des pratiques pédagogiques, ce qui permettra au programme d’atteindre son objectif principal qui est une éducation équitable pour tous les élèves.

Dans le modèle final, les variables qui contribuent le plus à expliquer la fréquence d’utilisation des pratiques d’adaptation de l’enseignement sont : « la diversité des besoins particuliers » qui est une variable sociodémographique contextuelle, dont « la perception face à l’adaptation de l’enseignement des élèves », étant donné que si l'enseignant estime que l'adaptation de l'enseignement n'est pas importante, ou qu'il préfère utiliser des méthodes traditionnelles, il ne rendra pas son enseignement flexible. Mais, la contribution la plus importante est expliquée par le « SEP des enseignants à l’égard des pratiques d’adaptation » de l’enseignement.

Concernant la diversité des besoins particuliers, ces résultats confortent les conclusions d’un grand nombre d’experts qui soulignent l'importance de la prise en compte des variables sociodémographiques dans les études sur l'éducation inclusive (Álvarez & Buenestado, 2016; Duchane & French, 1998; Folsom-Meek et al., 1999; Folsom-Meek & Rizzo, 2002; Heikinaro-Johansson & Sherrill, 1994; Rizzo & Vispoel, 1991).