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Chapitre IV. Etude dynamique des gels – Barattage 149

IV.1.2. Rhéologie des gels hors domaine linéaire

IV.1.2.4. Influence du temps

Le temps peut influer de différentes façons au cours du protocole de cisaillement utilisé. En effet, le protocole se divise en trois étapes dont les durées respectives peuvent être modifiées.

a. L’étape de cristallisation :

En variant la vitesse de la descente en température, on modifie la taille des cristaux. Nous avons vu précédemment que la taille des cristaux avait une influence sur l’élasticité des gels (CH III). Nous nous intéressons maintenant à l’influence de la taille des cristaux sur le barattage.

La figure 4.19 montre l’évolution d’une émulsion gélifiée contenant 30% de solide dont la taille moyenne des gouttes fait 23 µm. L’observation des textures montre une diminution de la taille des grains macroscopiques quand on augmente la vitesse de descente en température, c'est-à-dire quand on diminue la taille des cristaux. En variant la vitesse de cristallisation des systèmes, on peut donc contrôler la taille des cristaux et influencer le barattage lorsqu’on cisaille.

Pour des gouttes centrées sur 11 µm, une émulsion gélifiée contenant 40% de C22 dans les gouttes forme des grains en couronne, pour une déformation maximale égale à !m = 100, lorsque la vitesse de descente en température est supérieure à 0,5°C/min (figure 4.20). Si les cristaux sont plus gros, c'est-à-dire que la vitesse de cristallisation est plus lente, la couronne observée est une couronne d’huile plus large, pour une même déformation.

La taille des cristaux a donc bien une influence sur la texture des émulsions gélifiées cisaillées.

Fig 4.18 – Diagramme de comportement des émulsions gélifiées à 0°C en fonction de la déformation maximale appliquée en balayage et de la taille des gouttes pour une composition en huile de 70% C12 – 30% C22. Les émulsions gélifiées dont les gouttes sont centrées sur 4 µm n’ont pas subi l’étape de cicatrisation après cisaillement.

Fig 4.19 – Diagramme de comportement d’une émulsion gélifiée à 0°C contenant un mélange binaire d’alcanes 70% C12 – 30% C22, en fonction de la vitesse de descente en température pour une déformation ! = 6. La taille moyenne des gouttes est de 23 µm. rhéomètre à contrainte imposée (ARES) 0,1 0,5 3 10 v (°C/min) 4 11 23 10 15 35 100

!

m Grains 5 Couronne Gélification par jamming

Gélification par jamming + coalescence partielle

Gélification par coalescence partielle

Fig 4.20 – Diagramme de comportement d’une émulsion gélifiée à 0°C contenant un mélange binaire d’alcanes 60% C12 – 40% C22, en fonction de la vitesse de descente en température pour une déformation ! = 100. La taille moyenne des gouttes est de 11 µm.

b. L’étape de cisaillement

Lorsqu’on balaye une plage de déformation ou de contrainte, le temps passé à la déformation maximale est très bref. En augmentant le temps passé à cette déformation maximale, il est possible de moduler le changement de texture de l’échantillon.

Un balayage en contrainte (AR2000) est effectué sur une émulsion gélifiée à 0°C (vitesse de descente en température : 0,5°C/min). L a déformation maximale appliquée correspondante est !m ! 50 (figure 4.21 a). La même expérience est faite en restant une heure à !m ! 50 après le balayage en contrainte (figure 4.21 b).

Fig 4.21 – Emulsion gélifiée à 0°C (0,5°C/min) cont enant un mélange binaire d’alcanes 70% C12 – 30% C22. La taille moyenne des gouttes est de 11 µm. a) balayage en contrainte jusqu’à une contrainte maximale correspondant à une déformation ! m ! 50 ; b) balayage en contrainte jusqu’à une contrainte maximale correspondant à une déformation ! m ! 50 puis maintien de la contrainte maximale pendant 1h.

On constate que le fait de rester longtemps à une forte déformation permet de former une couronne de barattage plus nette. Cet effet s’observe aussi lorsqu’on applique un cisaillement constant sans balayage préalable. La figure 4.22 compare la

0,1 0,5 10 v (°C/min)

même émulsion gélifiée ayant, dans le premier cas (figure 4.22 a), subi un balayage en contrainte jusqu’à une contrainte correspondant à une déformation ! m = 10, et dans le deuxième cas, une contrainte constante correspondant à une déformation

! = 10 (figure 4.22 b). On constate que, dans le premier cas, on forme simplement des grains alors que, dans le second, on forme une couronne de barattage. Le temps passé aux fortes déformations permet de renforcer le phénomène de barattage. Si on applique un balayage, puis que l’on reste une heure à la déformation maximale, la couronne est d’autant plus marquée (figure 4.22 c).

Fig 4.22 – Emulsion gélifiée à 0°C (0,5°C/min) cont enant un mélange binaire d’alcanes 70% C12 – 30% C22. La taille moyenne des gouttes est de 11 µm. a) balayage en contrainte jusqu’à une contrainte maximale correspondant à une déformation ! m ! 10 ; b) contrainte constante équivalente à une déformation d’amplitude ! ! 10 ; c) balayage en contrainte jusqu’à une contrainte maximale correspondant à une déformation ! m ! 10 puis maintien de la contrainte maximale pendant 1h.

c. L’étape de récupération (dite « cicatrisation »)

Cette étape, que nous avons fixée à 5h, a une influence sur la texture de l’échantillon. Suivant que l’on fasse cette étape ou non, la texture de l’échantillon en sortie de rhéomètre en est fortement changée. Elle consiste en l’application d’oscillations très faibles (pour être dans le domaine linéaire, afin de ne pas perturber la structure de l’échantillon) et la mesure de la récupération du module élastique au cours du temps après déformation.

Sur une émulsion contenant 30% de solide dans les gouttes, le protocole suivant est appliqué :

Une rampe de température à 0,5°C/min est appliquée jusqu’à atteindre 0°C. Un temps d’attente à 0°C est ajouté pour que l’étap e de cristallisation dure 2h. L’échantillon, une fois gélifié, subit un balayage en contrainte (AR2000) jusqu’à une contrainte maximale équivalente à ! m = 50, que l’on maintient pendant une heure. Si l’étape de cicatrisation n’est pas effectuée, la couronne est formée, mais n’est pas « rigide » ; en quelque sorte, elle « colle » au gel cassé lorsqu’on soulève le plan

supérieur de la géométrie (figure 4.23 a). L’ajout de cette étape de cicatrisation « rigidifie »la couronne (figure 4.23 b). Pour s’assurer que ce « durcissement » de la couronne n’est pas dû aux faibles déformations appliquées durant la cicatrisation, qui pourrait entraîner un réarrangement de la texture de la couronne, on effectue une étape de repos : on laisse l’échantillon au repos pendant 5h (comme pour une cicatrisation) puis on regarde l’état de l’échantillon (figure 4.23 c). On constate alors que la couronne a « durci » aussi dans ce cas. Incidemment, cette expérience permet aussi de vérifier le fait que nous sommes bien dans le domaine linéaire et que les faibles oscillations ne modifient pas la texture de l’échantillon. C’est donc bien le temps qui influe sur la texture.

Le temps a donc une influence une fois que la couronne s’est formée. La présence d’huile surnageante lorsqu’on fait subir à l’échantillon une cicatrisation ou un temps de repos marque aussi l’évolution de la texture de la couronne au cours du temps.

Fig 4.23 – Emulsion gélifiée à 0°C (0,5°C/min) cont enant un mélange binaire d’alcanes 70% C12 – 30% C22. La taille moyenne des gouttes est de 11 µm. L’échantillon subit un balayage en contrainte jusqu’à une contrainte maximale correspondant à une déformation ! m ! 50 puis maintien de la contrainte maximale pendant 1h a) sans cicatrisation ; b) 5h de cicatrisation ; c) repos pendant 5h.

Le temps est donc un paramètre important qui aura différentes conséquences suivant l’étape du protocole : la vitesse de refroidissement (et donc le temps mis pour refroidir) modifie la taille des cristaux lors de l’étape de cristallisation, alors qu’il entraîne des changements de textures (et probablement de structure) lors du cisaillement et de la cicatrisation.

Lorsqu’on cisaille un échantillon, le contact entre les gouttes est « forcé ». Nous avons vu l’effet en volume de l’augmentation de la fraction de gouttes. Regardons maintenant l’évolution de la rhéologie des gels d’émulsions de binaires d’alcanes lorsque la fraction massique des gouttes est augmentée.