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L'influence de Konrad Witz

Dans ce chapitre, nous allons mentionner l'influence du retable de Genève qui s'étend bien entendu en Savoie, mais également en Provence et jusque dans le Valais. Puis, nous traiterons de la question de Hans Witz auquel trois œuvres considérées comme étant de la main de Konrad Witz lui furent attribuées dans les années 1970.

VI. a. L'influence du retable de Genève

Les liens de ressemblance entre Konrad Witz et le Maître de l'Annonciation d'Aix-en-Provence furent soulevés dès l'Exposition des Primitifs français en 1904. Hulin de Loo, le premier, constate une similitude et fait un parallèle entre cette œuvre et les faces intérieures du retable de Genève, la Sainte Famille dans une Eglise de Naples et les Deux saintes dans un cloître de Strasbourg.

Il estime que le Maître de l'Annonciation fut formé par Jan Van Eyck et quitta les Pays-Bas entre 1430-1440. Il aurait à ce moment rencontré Konrad Witz, probablement à Bâle, lui transmettant le style eckyien, cela avant 1440149. Puis, le Maître de l'Annonciation se serait installé à Aix-en-Provence vers 1442, moment où il peignit l'Annonciation. Nous ne pouvons entrer ici en matière sur la question

147 MIEGROET 1986, pp. 10-11.

148 Quelques détails sont publiés dans AULMANN 1958.

149 HULIN DE LOO 1904, pp. 191-192. Voir entre autres ROQUES 1963, pp. 172-176 et MANDACH 1907, pp.

383-384, ESCHERICH 1916, pp. 177-179.

du Maître de l'Annonciation d'Aix, qui est selon toute vraisemblance à identifier avec Barthélémy d'Eyck, ni sur les nombreuses hypothèses qui ont été formulées sur son lien avec Konrad Witz. Nous constatons simplement que bien souvent ces deux œuvres furent mises en rapport et que peut-être Konrad Witz eut connaissance du peintre de l'Annonciation qui exerça une influence sur lui, ou vice-versa150.

Dans des manuscrits exécutés pour la maison de Savoie, nous trouvons plusieurs miniatures révélant une connaissance de Konrad Witz. Les paysages des Heures de Turin en sont un exemple ainsi que le Livre d'Heures du duc Louis de Savoie151, daté de peu après 1450. Environ à la même époque fut exécuté un livre d'heures à l'usage de Genève152. Dans ce manuscrit se trouvent deux miniatures en pleines pages de la même main: une Crucifixion au folio 15, sur fond de paysage non identifiable et au folio 74v°, David jouant de la harpe devant une ville représentée à l'arrière-plan.

Cette miniature-ci fut étudiée par Henri Delarue153 qui crut pouvoir reconnaître Genève derrière David.

La ville est divisée en deux, dressée sur deux collines se faisant face. Au milieu, une plaine dans laquelle semble couler une rivière, mais en tout cas pas un lac. A l'arrière-fond se détache un massif montagneux et un rocher au milieu de la composition, de forme conique. Il ne nous semble pas que cette ville puisse représenter un portrait de ville clairement identifiable. Cependant, il est sûr que les deux miniatures de ce livre d'heures sont issues d'un milieu qui a subi l'influence de Konrad Witz et la Crucifixion fait penser à la Crucifixion attribuée à Hans Witz.

Toujours en Savoie, d'autres œuvres portent la trace d'une influence witzienne. Nous pouvons d'une part citer une fresque de l'église Saint-Maurice d'Annecy, découverte en 1956 et datée de 1458154. Elle représente en trompe-l'œil le tombeau de Philibert de Monthoux. Les têtes des pleurants dérivent de l'art de Konrad Witz. D'autre part, au musée de Chambéry se trouvent deux œuvres inspirées de Witz : l'Annonciation et le Mariage de la Vierge, ainsi que le Martyr de sainte Catherine.

A Annecy, nous pouvons encore citer une autre œuvre : le Couronnement de la Vierge155.

150 ESCHERICH 1916, p. 177, entre autres.

151 Voir sur ce livre d'heures MUGNIER 1894; MANDACH 1907, pp. 374-378 (il mentionne en particulier tous les détails du Livre d'heures de Louis qui ressemblent au Retable de Genève); ESCHERICH 1916, pp. 183-185 et STERLING 1986, pp. 17-18 (il date ce livre de 1440-49). Voir en particulier ce dernier article pour ce qui concerne l'influence de Witz en Savoie.

152 Conservé à la BPU, il porte la cote ms. lat. 32a. Nous avons pu consulter ce manuscrit extrêmement beau, comportant sur plusieurs folios de belles marges enluminées ornées de feuillages, de fruits ou encore d'animaux.

153 DELARUE 1926.

154 voir STERLING 1964, pp. 29-31.

155 MANDACH 1911, pp. 419-420.

A Sion, une peinture murale de l'église de Valère offre plusieurs similitudes avec la scène de la Présentation du retable de Genève156. La fresque est conservée dans un état fragmentaire, mais nous pouvons reconnaître trois personnages : Saint-Maurice, une Vierge trônant et portant l'enfant Jésus sur ses genoux et au milieu de ces personnages Saint Théodule, qui semble être une adjonction postérieure157. La Vierge tout particulièrement ressemble étrangement à la Vierge de la Présentation, surtout par son manteau s'étendant tout autour d'elle d'une manière inhabituelle. Cette peinture serait l'œuvre d'un membre d'un atelier genevois qui a travaillé à Sion après 1444.

Nous voyons donc que la sphère d'influence du retable de Genève est large; de la Provence jusqu'au Valais, elle s'avère particulièrement forte dans la production des miniatures en Savoie.

VI. b. Hans Witz

Trois oeuvres furent longtemps attribuées à Konrad Witz jusqu'au moment où la critique s'accorda plus ou moins à les grouper autour d'un autre artiste probablement apparenté à Konrad : Hans Witz158. En 1907, Claude Phillips159 le premier attribua à Konrad Witz une Crucifixion, alors propriété d'un particulier, déposée l'année suivante aux Königliche Museen de Berlin, place qu'elle occupe toujours actuellement160. Les uns s'accordèrent avec cette attribution161 et d'autres la réfutèrent162 jusqu'au moment où Gardet, en 1965, et surtout Charles Sterling163, vingt et un ans plus tard, attribuèrent cette œuvre ainsi que deux autres, la Pietà de la Frick Collection à New-York et la Sainte Famille dans une église, conservée au Musée Capodimonte de Naples, à Hans Witz. Il n'y aura par la suite que Françoise Rücklin164 pour considérer ces trois peintures comme étant de la main de Konrad Witz. Julien Chapuis, à nouveau, réussit à donner des conclusions convaincantes, sur la base de l'étude du dessin sous-jacent, de ces trois œuvres et ceux du Retable du Salut et de l'Annonciation de Nuremberg165. Il conclut que ces trois œuvres doivent être attribuées à un peintre qui eut connaissance des peintures de Witz, mais qui n'a pas travaillé avec lui.

156 Voir à ce propos GANTNER 1944, pp. 512-513 ainsi que GANTNER 1956, p. 351.

157 GANTNER 1944, pp 513-514 rapproche cette figure avec le saint évêque du Retable Rup.

158 Nous soulignons que ce Hans Witz, ou Johannes Sapientis, ne doit pas être confondu avec l'éventuel père de Konrad, mentionné à Constance. Charles STERLING 1987, p. 19 rapporte tous les documents relatifs à ce Hans Witz, né vers 1410-1415 (soit à la même époque que Konrad), originaire d'Allemagne, travaillant avec Gregorio Bono de 1440 à 1443 à Chambéry, reçu bourgeois de Genève en 1454 et mort aux alentours de 1475. Il se pourrait que Hans et Konrad soient frères ou cousins.

159 PHILIPPS 1907.

160 Il s'agit aujourd'hui des Staatliche Museen.

161 FRIEDLÄNDER 1908, RÖTTGEN 1961, pp. 88-93.

162 GANZ 1924, pp. 76-77; BURGER 1927.

163 GARDET 1965, pp. 115-125 et STERLING 1986, pp. 19-29.

164 RÜCKLIN 2000.

165 CHAPUIS 1992, pp. 116-120. L'auteur retrace les opinions des différents spécialistes sur l'attribution ou non à Konrad Witz.

VI. c. Continuation et école

La continuation et l'école de Konrad Witz est considérable et fut bien traitée par les spécialistes. Nous nous contentons donc de renvoyer aux articles qui nous paraissent les plus pertinents166.

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