En ce qui concerne les aspects techniques, Claude Lapaire et Anne Rinuy ont analysé les volets en 1987167. La publication de ces résultats permit de faire une avancée considérable dans la compréhension du retable et mit un terme à plusieurs problèmes. Nous avons vu que l’examen des cadres exclut l’hypothèse de deux autres panneaux supplémentaires. De plus, cet article rend possible une reconstitution du processus de réalisation des deux panneaux, de l’assemblage des planches de bois jusqu’à la pose de l'inscription et des armoiries168. Les encadrements sont en bois de noyer, peints à la feuille d'or du côté des faces internes et en rouge du côté des faces externes. Les examens scientifiques ont permis de certifier l'authenticité des cadres169 ainsi que des deux paires de charnières placées sur chacun des cadres. "Les charnières, anciennes, ont été fixées avant la peinture originale du cadre. […] Enfin, les cadres n'ont jamais été sciés, sur aucune de leurs parties. Leur forme et leur dimension actuelle sont d'origine. Par contre, il est évident que les cadres ont été ouverts."170. Il reste désormais à attendre patiemment les résultats des examens des radiographies et de la réflectographie pour avoir fait le tour des études scientifiques et, comme nous l’avons mentionné maintes fois, il est certain que le retable dévoilera alors plusieurs zones d’ombres.
166 Pour ce qui concerne les continuateurs de Konrad Witz d'une manière générale, voir BURCKHARDT 1901, pp. 308-311 et surtout le chapitre VII de STANGE 1951; FELDGES 1967 et 1968 ainsi que CHAPUIS 1992, pp.
62-66.
Pour le Maître de 1445 : FISCHEL 1950.
Pour le Retable Rup: DEONNA 1951, pp. 81-83.
Et pour une œuvre witzienne à Constance, voir LANDSBERGER 1910 (LEHRS 1910 conteste les propos de ce dernier).
167 LAPAIRE ET RINUY 1987.
168 Ibid., p. 134.
169 DEUCHLER 1984 et 1986 mettait en doute l'authenticité des cadres. Comme nous l’avons signalé, ces articles ont donné l’impulsion pour effectuer ces examens.
170 LAPAIRE ET RINUY 1987 p. 134.
La première étude des radiographies d’autres œuvres du peintre fut publiée en 1958 par Aulmann171. L’auteur traite essentiellement du Retable du Salut. Les panneaux sont en bois de chêne et une même toile de lin fut utilisée172. Il observa que la lumière vient toujours de la droite et conclut, après avoir également observé les hachures sur le dessin sous-jacent, que Konrad Witz était gaucher173. Un deuxième spécialiste à s’être penché sur les examens techniques est Julien Chapuis en 1992174 et 1995175. Il s'intéressa plus particulièrement à certains panneaux du Retable du Salut, et à l'Annonciation de Nuremberg. Il étudia de près et analysa les dessins sous-jacents et ses études seront particulièrement utiles lorsque viendra le moment d'observer le dessin sous-jacent du retable de Genève.
VIII. Conclusion
Pour conclure, nous observons que ce retable suscita un engouement auprès des spécialistes d'histoire de l'art, dans les pays francophones, germanophones et anglophones. Nous savons avec certitude que le retable fut commandé par François de Metz, qu'il ornait le maître autel de la cathédrale Saint-Pierre, et que ses dimensions sont originales, ainsi que le cadre et l'inscription et les armoiries. Il a également pu être démontré que la formation de Konrad Witz s’est effectuée en Allemagne et non aux Pays-Bas. Pourtant, malgré l'enthousiasme général durant plus d'un siècle, de nombreuses interrogations demeurent toujours. Y a-t-il eu des modifications du retable au XVe siècle, une restauration au XVIIe siècle? L'évêque agenouillé dans la scène de la Présentation représente-t-il Brogny ou François de Metz? Le panneau central était-il sculpté ou peint, et que représentait-il? En outre, les lacunes les plus importantes se situent au niveau iconographique. Nous avons montré que dans la scène de la Pêche, Konrad Witz a volontairement synthétisé Jean 21 et Matthieu 14, mais pour quelles raisons ? La critique a, dans l'ensemble, négligé tout un aspect primordial du retable et n'a pas cherché à comprendre ce qu'il signifiait, dans quel but véritable ces scènes furent-elles choisies et pourquoi furent-elles représentées de cette manière ? Nous pensons donc que le travail à fournir se situe essentiellement dans le domaine iconographique, ainsi que dans les examens scientifiques.
L’analyse et la publication des examens radiographiques et réflectographiques feront considérablement avancer la recherche non seulement sur le retable de Genève, mais également sur
171 AULMANN 1958.
172Ibid., p. 13-14. Julien CHAPUIS (1992, p. 71) signale que le Retable du Salut est la seule œuvre en bois de chêne, toutes les autres étant en sapin.
173 AULMANN 1958 pp. 17-18.
174 CHAPUIS 1992, pp.68-123.
175 CHAPUIS 1995.
toute l’œuvre du peintre. En effet, comme ce retable est la seule œuvre signée, il sera possible de valider certaines attributions par l’observation du dessin sous-jacent. Nous voyons donc que beaucoup de travail reste à fournir et que la perspective d’une exposition sur ce retable ne peut être que réjouissante étant donné tout l’enjeu qu’elle représente. Nous espérons avoir pu donner au lecteur une bonne idée d’ensemble des différentes difficultés et que ce texte permettra de servir de bonne base pour le début des recherches et de la préparation de cette exposition.
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