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2.4 Traitements liés à une perception non consciente des sons de parole

2.4.2 Influence du contexte non perçu consciemment

La question de l’influence des stimulations non perçues consciemment reste encore débattue aujourd’hui. Cette question a été majoritairement étudiée sous l’angle de la modalité visuelle (pour une revue, voir Kouider & Dehaene, 2007), très peu sous l’angle de la modalité auditive. Pourtant, des études réalisées chez des patients dans

des états de conscience diminuée ou altérée laissent à penser que la perception auditive non consciente est possible en audition.

a.Perceptions des sons de parole lors de l’atténuation ou de la

diminution de la conscience

De nombreuses études ont suggéré que la perception auditive, et plus particulièrement des sons de parole, perdurait pendant le sommeil. La technique des potentiels évoqués a permis de mettre en évidence que les participants endormis pouvaient détecter la présence de leur propre prénom au sein d’une série d’autres prénoms (pour une revue, voir Bastuji, Perrin, & García-Larrea, 2002). L’onde N400, qui signe la détection d’une incongruence sémantique a également été observée dans les différents stades du sommeil, suggérant donc que les mécanismes d’analyse linguistique perdurent pendant le sommeil (Perrin, Bastuji, & García-Larrea, 2002).

L’ensemble des pathologies associées à une altération de la conscience (chez le patient comateux, en état végétatif, ou en état de conscience minimale) ou à une condition apparentée (comme le locked-in syndrome) apporte des données quant aux capacités d’intégration cognitive (comme l’analyse du sens des stimulations) en modalité auditive. Différentes études en EEG et en neuro-imagerie ont montré qu’il était possible d’observer chez certains patients un traitement des sons de parole (pour une revue en neuroimagerie, voir Owen & Coleman, 2008 ; pour une revue en EEG, voir Vanhaudenhuyse et al., 2008). Ces études suggèrent que les mécanismes à la base de la perception des sons de parole perdurent lorsque la conscience est altérée, comme observé par exemple par Perrin et collaborateurs (2006) chez deux tiers des patients en état végétatif et chez tous les patients en état de conscience minimale (Figure 27).

Figure 27: Réponses N1-P2-N2 et P3 observées chez des participants contrôles ainsi que chez des patients dont l’état de conscience est altéré : dans des états de conscience minimale et dans des états végétatifs (d’après Perrin et al., 2006).

Toutefois, montrer que des perceptions des sons de parole surviennent dans des états de conscience diminuée (comme pour le sommeil) ou altérée (dans le cas des patients) n’implique pas forcément qu’à l’état d’éveil, des perceptions auditives non conscientes existent. En effet, ces différents états physiologiques et/ou physiopathologiques sont régis par des mécanismes cellulaires et cérébraux différents ayant des conséquences différentes sur les mécanismes perceptifs.

b.

Perceptions subliminales à l’éveil

Les recherches pionnières dans le domaine de la perception subliminale utilisaient par exemple un tableau placé suffisamment loin pour que les participants ne puissent pas lire ce qui était écrit dessus. En les interrogeant, les participants répondaient qu’ils ne voyaient rien. Mais lorsque les participants étaient forcés de choisir entre deux propositions ce qui était écrit sur le tableau (par exemple une lettre ou un chiffre), les participants donnaient la bonne réponse de façon supérieure au hasard (Sidis, 1898). Au cours du siècle dernier, « Mangez du pop-corn » a sans doute été le plus célèbre message défini comme subliminal (Vicary, 1957). Projeté en 1957 dans une salle de cinéma des États-Unis, le message était intercalé entre les images d’un film et apparaissaient si brièvement que les spectateurs ne pouvaient pas le traiter consciemment. Les propriétaires du cinéma ont annoncé que leurs ventes de pop-corn avaient décuplé. Cependant, ceux qui ont voulu répliquer la manipulation ont échoué et les propriétaires eux-mêmes ont avoué la supercherie dix ans plus tard. Mais le mythe était né : il reposait sur l’idée qu’on ne peut pas contrôler les perceptions

subliminales parce qu’elles s’adressent à l’inconscient cognitif. La façon de mettre en évidence une perception subliminale est alors devenue la principale problématique.

Mesurer la perception subliminale

La façon la plus courante de montrer qu’une stimulation est perçue en absence de conscience est de mettre en évidence une dissociation entre deux mesures de perception (Erdelyi, 1985). Une première tâche permet de mesurer le niveau de conscience que les participants ont de la stimulation. Pour réduire la perception consciente de la stimulation, un masquage est classiquement utilisé en modalité visuelle (Forster & Davis, 1984). La seconde tâche permet de mesurer le niveau de traitement de la stimulation présentée lors de la première tâche. On parle de dissociation lorsque les performances du participant à la seconde tâche sont supérieures au hasard (soit d’ > 0) alors que les performances du participant à la première tâche sont égales au hasard (soit d’ = 0).

Différentes tâches ont été utilisées pour mesurer la perception consciente. Elles diffèrent à la fois par le niveau de traitement demandé et par le choix des réponses. Certaines études ont voulu démontrer l'absence de détection consciente de la stimulation (par exemple, Marcel, 1983), l'absence de catégorisation lexicale (par exemple, Kouider & Dupoux, 2005), voire l'absence d'identification (par exemple, McCauley, Parmelee, Sperber, & Carr, 1980). Certaines proposent deux choix de réponse par procédure oui/non (par exemple, Marcel, 1983), d'autres des échelles à quatre points (aucune expérience visuelle/brève expérience visuelle/image presque claire/image très claire) (par exemple, Summerfield et al., 2002). Enfin d'autres études ont suggéré qu'il était préférable de mesurer le niveau de confiance du participant dans la perception (par exemple, Cheesman & Merikle, 1984) ou de lui demander de parier sur sa réponse (par exemple, Persaud, McLeod, & Cowey, 2007). Toutefois des résultats très récents suggèrent que les mesures de perception seraient des mesures de conscience plus exhaustives que ces deux derniers index (Sandberg, Timmermans, Overgaard, & Cleeremans, 2010).

Plusieurs approches ont été proposées pour mesurer l'existence éventuelle de processus inconscients. Toutes essaient de montrer que la perception subliminale active des connaissances, et de ce fait influence le comportement ou la perception ultérieure (Frith, Perry, & Lumer, 1999). Une première approche consiste à effectuer

une mesure directe des performances des participants à la tâche de perception, par exemple à une tâche d’identification. Cette approche est souvent utilisée lors de la mise en évidence de perceptions visuelles subliminales des stimulations non langagières. Une deuxième approche consiste à mesurer indirectement les performances des participants à la tâche de perception, par exemple par l’intermédiaire d’une présentation des stimulations dans un paradigme d’amorçage. Comme pour le paradigme d’amorçage classique (Neely, 1977), le principe du paradigme d’amorçage subliminal repose sur la mesure de l’influence de la stimulation amorce sur une stimulation cible. Dans une étude princeps publiée en 1983, Marcel a rapporté la possibilité de mesurer des perceptions non conscientes grâce à l’utilisation d’un paradigme d’amorçage subliminal. Dans un tel paradigme, l’amorce est visuellement présentée pendant quelques dizaines de millisecondes, immédiatement précédée et suivie par la présentation d’un masque visuel (Figure 28). La cible est ensuite présentée de façon à ce que les participants la détectent consciemment afin de réaliser une tâche de catégorisation par exemple. Marcel a pu observer que lorsque les participants devaient déterminer si la cible était un mot ou un pseudo-mot, ils répondaient plus vite lorsque la cible était précédée par une amorce sémantiquement reliée que lorsque la cible et l’amorce n’étaient pas sémantiquement reliées. Ces premiers résultats ont cependant été remis en cause car les stimulations utilisées comme amorces ont été suspectées d’être perçues consciemment (Holender, 1986a).

Figure 28: Paradigme de présentation subliminale masquée. À chaque essai, un premier masque constitué de chaînes de caractères précède la stimulation amorce qui est flashée durant quelques dizaines de millisecondes (entre 29 et 41 ms selon les études). En présentant un second masque immédiatement après l’amorce, on supprime la perception consciente de l’amorce (d’après Ferrand, 2001).

théorie de la détection du signal (voir page 46). Dans ce cadre, la perception du participant est considérée comme non consciente lorsque ce dernier n’est pas capable de distinguer une stimulation d’une autre, c’est-à-dire que la valeur de son score d’ est égale à zéro. Cette valeur étant difficile à obtenir, plusieurs études utilisent une méthode de régression linéaire (Greenwald, Klinger, & Schuh, 1995) qui permet de projeter les performances des participants à une valeur de d’ égale à zéro. Plusieurs études ont réussi à mettre en évidence des processus sémantiques pour des mots ou des nombres pour lesquels l’absence de perception consciente était correctement contrôlée (Dehaene et al., 1998 ; Greenwald, Draine, & Abrams, 1996 ; Reynvoet, Brysbaert, & Fias, 2002). Toutefois, ces résultats peuvent être interprétés comme des effets d’amorçage non sémantique. Dans la plupart de ces expériences, des associations directes de type « stimulus-réponse » sont à l’œuvre et court-circuitent l’analyse sémantique (Damian, 2001). Ainsi, Abrams et Greenwald (2000) ont montré que leurs effets d’amorçage masqué étaient entièrement expliqués par le fait que les mots amorces, qui étaient également utilisés comme mots cibles dans d’autres essais, étaient associés à un code de réponse. Dès lors qu’ils utilisaient comme stimulations amorces des mots jamais utilisés comme cibles, les effets d’amorçage disparaissaient. Cette démonstration de la nature non sémantique des représentations des stimulations amorces masquées fut complétée en montrant qu’après avoir catégorisé les mots « smut » (saleté) et « bile » (bile), comme négatifs sur le plan émotionnel, le mot « smile » (sourire), constitué de fragments des mots « smut » et « bile », amorçait la réponse négative, et non, comme le voudrait son sens, la réponse positive. Toutefois, quelques récentes études ont montré un effet d’amorçage sémantique inconscient visuel satisfaisant toutes les critiques, notamment celles de l’absence de répétition et de l’utilisation d’une valeur d’ égale à zéro pour la mesure du niveau de conscience de l’amorce (par exemple, Dell’Acqua & Grainger, 1999 ; Kiefer & Brendel, 2006).

c.

Corrélats neuronaux de la perception consciente et non consciente

Si les bases cérébrales des processus conscients et inconscients ne sont pas encore expliquées, de nombreux travaux ouvrent des perspectives d’explications très intéressantes. Sur la base d’études de neuropsychologie, une première hypothèse d’explication du fonctionnement des traitements non conscients a été de proposer que les informations traitées inconsciemment n’activeraient pas les mêmes réseaux

neuronaux que les informations traitées consciemment. C’est ce qui a notamment mis en évidence grâce aux études de neuropsychologies qui reportent des pathologies telles que la vision aveugle (Weiskrantz, Warrington, Sanders, & Marshall, 1974), l’héminégligence (Vuilleumier & Schwartz, 2001) ou la prosopagnosie (Damasio, Damasio, & Van Hoesen, 1982). Ces différentes études nous apprennent que lorsque le patient est forcé à réaliser une tâche alors qu’il n’est pas conscient de la cible à traiter, ses performances sont toujours supérieures au hasard. La différence entre une perception consciente et inconsciente résiderait alors dans l’activation de réseaux cérébraux différents : la voie ventrale (occipito-temporale) permettrait l’élaboration d’une représentation consciente alors que la voie dorsale (occipito-pariétale) permettrait l’élaboration d’une représentation non consciente (Goodale, Milner, Jakobson, & Carey, 1991 ; Milner & Goodale, 2008). Le paradigme de rivalité binoculaire a permis de montrer cette spécificité chez des participants sains (Fang & He, 2005 ; Tong, Nakayama, Vaughan, & Kanwisher, 1998). Cependant, cette dissociation est encore discutée à la vue de résultats contradictoires (Dehaene & Naccache, 2001). D’autres hypothèses peuvent être avancées. Selon Dehaene et ses collaborateurs (2006), la différence entre une perception consciente et une perception inconsciente reposerait davantage sur la modulation de l’activation de structures cérébrales communes plutôt que sur une dichotomie anatomo-fonctionnelle (Cohen et al., 2000 ; Dehaene & Naccache, 2001). De plus, il serait nécessaire que ces réseaux cérébraux, éloignés anatomiquement mais fortement interconnectés, présentent une activité cohérente pour que la stimulation émerge à la conscience (Dehaene & Changeux, 2004). Cette dernière hypothèse suggère qu’une synchronisation cérébrale serait indispensable pour réaliser la conjonction des différentes analyses élémentaires d’une stimulation, qui sont anatomiquement distribuées (Singer & Gray, 1995). La signature neuronale de la perception non consciente correspondrait à une propagation locale de l’activité neuronale le long des voies sensorielles, tandis que la perception consciente nécessiterait une coordination globale à longue distance de l’activité neuronale (Dehaene et al., 2006). Par exemple, Melloni et ses collaborateurs (2007) ont présentés, dans une étude d’EEG, des résultats qui vont dans le sens de cette hypothèse. Les mots perçus et non perçus consciemment induisaient une augmentation locale similaire de l’activité gamma, mais seuls les mots perçus consciemment induisaient une synchronisation à longue distance de l’activité gamma

accord avec ce résultat (Meador, Ray, Echauz, Loring, & Vachtsevanos, 2002 ; Rodriguez et al., 1999 ; Wyart & Tallon-Baudry, 2008).

Figure 29: Synchronisation de l’activité gamma entre les différentes électrodes de scalp pour les mots perçus consciemment (en haut) et les mots non perçus consciemment (en bas).

Si de nombreuses études suggèrent que la représentation consciente d’une stimulation nécessiterait la synchronisation des structures participant à la perception dans la bande de fréquence gamma, d’autres études ont montré que les activités dans les bandes de fréquence alpha et bêta pourraient également jouer un rôle (Gaillard et al., 2009 ; Dan Glauser & Scherer, 2008 ; Luo et al., 2005 ; Palva, Linkenkaer- Hansen, Näätänen, & Palva, 2005). C’est le cas par exemple des études portant sur le phénomène de capture attentionnelle. L’incapacité à détecter la seconde cible a été associée avec une synchronisation de phase réduite dans la bande de fréquence bêta dans un réseau à large échelle incluant les régions fronto-pariétales (Gross et al., 2004 ; Nakatani, Ito, Nikolaev, Gong, & van Leeuwen, 2005).

Le concept d’espace de travail global a été initialement développé dans le but d’expliquer comment une perception émerge à la conscience. Ce modèle s’appuie sur la présence de plusieurs systèmes spécialisés qui accomplissent chacun leur tâche indépendamment. L’accès à la conscience serait rendu possible lorsque ces différents systèmes mettent en commun certaines informations dans un même « espace de travail global ». La mise en commun des informations issues des différents systèmes dépendrait de la synchronisation transitoire d’assemblées neuronales largement distribuées (Engel et al., 1999 ; Thompson & Varela, 2001). Dehaene et ses collaborateurs (2006) proposent que l’espace de travail global s’articule autour d’un ensemble de neurones pyramidaux. En effet, ces neurones possédant de longs axones permettraient une connectivité étendue en reliant entre elles différentes aires

corticales. Dans ce modèle, l’attention joue un rôle déterminant d’amplification descendante sur l’activité neuronale des différentes aires corticales. Ce mécanisme permettrait de mobiliser les neurones et/ou de maintenir une activité suffisamment élevée. L’existence d’un seuil d’activité à franchir est aussi un point central dans ce modèle qui permet alors à l’activité neuronale de générer une représentation consciente. Comme nous l’avons vu précédemment, ce modèle connexionniste permet de décrire un continuum d’états de conscience sur lequel se distinguent trois états en particulier (Figure 30) :

- l’activation n’est pas suffisante pour déclencher un état d’activation générale dans le réseau : les stimulations sont traitées localement, de façon subliminale (au sens étymologique, sous le seuil de conscience);

- l’activation est suffisante pour déclencher un état d’activation générale dans le réseau mais l’attention ne remplit pas son rôle d’amplification descendante; c’est un niveau de préconscience;

- l’activation est suffisante pour déclencher un état d’activation générale dans le réseau et l’attention remplit son rôle d’amplification descendante; les stimulations sont traitées de façon consciente. L’espace de travail global est activé car les informations préconscientes ont reçu suffisamment d’amplification attentionnelle pour franchir le seuil de la conscience.

Figure 30: Représentation schématique du fonctionnement de l’accès à la conscience dans un modèle neuronal d’espace de travail global (d’après Deheane et al., 2006).

d.

Données en modalité auditive

En modalité auditive, Urban (1992) a rapporté les études qui ont tenté de mettre en évidence une influence des perceptions auditives non conscientes sur la perception auditive consciente ou sur des processus d’apprentissage et de mémoire. Plusieurs techniques de présentation sonore ont été testées : la diminution de l’intensité de la stimulation, la présentation de stimulations à des fréquences inaudibles par l’oreille humaine, la présentation inversée des stimulations sonores (reversed-speech). Aucune des études rapportées n’a mis en évidence des signes de traitement auditif non conscient. Deux autres études (Lindner, 1968 ; Shipley, 1965) ont présenté des sons purs et déterminé si une dissociation était présente entre leur détection et leur reconnaissance. Là aussi, des résultats contradictoires ont été observés : alors que Shipley (1965) ne reporte aucune reconnaissance sans détection, contrairement à Lindner (1968). Plus récemment, Kouider et Dupoux (2005) ont mis au point un paradigme d’amorçage subliminal auditif pour des sons de parole. Par analogie au paradigme d’amorçage masqué utilisé en modalité visuelle, un masquage auditif

entourait la présentation d’une stimulation amorce compressée à 65 %. Immédiatement après la fin de la stimulation amorce était présentée une stimulation cible clairement discriminable (plus forte de 15 dB par rapport à l’intensité de la stimulation amorce et des masques auditifs). Les auteurs ont contrôlé le niveau de conscience de la perception de l’amorce en proposant deux post-tests sur l’intelligibilité de l’amorce. Ces tests comprenaient une tâche de décision lexicale et une tâche de décision de parole (entre parole et bruit) sur les amorces utilisées. Ils ont montré, par l’utilisation de la méthode de régression linéaire, que lorsque l’amorce compressée et la cible avaient une relation de répétition, les temps de réponse des participants étaient plus rapides. Aucun effet d’amorçage subliminal sémantique n’a en revanche été mis en évidence. Cette étude est la seule à ce jour et à notre connaissance, montrant l’influence du traitement d’une stimulation subliminale auditive sur la perception consciente auditive. Toutefois, les voies de traitement auditif et visuel étant différents, au moins du système périphérique jusqu’au niveau cortical, les techniques utilisées en modalité visuelle ne peuvent pas être transposées à la modalité auditive. Aussi, la compression des stimulations auditives ne représente pas une situation naturelle d’écoute, ce qui pourrait expliquer que l’accès à la représentation sémantique soit difficile. En manipulant différemment les caractéristiques physiques des stimulations auditives dans le but de proposer une présentation écologique, nous pouvons penser que des mécanismes de perception inconsciente, équivalents à ceux observés en modalité visuelle, pourraient être obtenus en modalité auditive.

Les études proposées au Chapitre 5 tentent d’apporter des éléments de réponse quant à l’observation d’un traitement auditif subliminal.

Chapitre 3

Problématique

L’étude des processus impliqués dans le traitement des stimulations auditives est encore peu abordée en psychologie cognitive. Pourtant, la voie auditive représente une modalité majeure d’accès aux informations utiles à la communication humaine. La perception des sons de parole nécessiterait de multiples processus d’analyses du signal qui se dérouleraient de façon sérielle et/ou parallèle ainsi que des processus de comparaison aux connaissances (phonologiques ou sémantiques par exemple) organisées dans le lexique mental. Deux autres processus pourraient intervenir dans le phénomène de perception. D’une part, les connaissances pourraient influencer le traitement d’une stimulation isolée (c’est-à-dire sans qu’elle soit amorcée par d’autres stimulations ou précédée d’un contexte particulier), si des connaissances sont détenues sur cette stimulation isolée. D’autre part, l’activation des connaissances pourrait influencer l’analyse des stimulations suivantes via des processus top-down, si les stimulations partagent des caractéristiques (phonologiques ou sémantiques par exemple) communes. L’influence des connaissances liées au contexte, sur la perception, pourrait se dérouler lorsque l’attention n’est pas dirigée sur les stimulations du contexte, voire même lorsque la perception du contexte n’est pas consciente. Afin de mieux comprendre ces deux processus non conscients qui influencent la perception auditive, des études comportementales et électroencéphalographiques ont été mises en œuvre au cours de ce travail doctoral.

Le premier axe de recherche a consisté à définir l’influence top-down des connaissances sur le traitement de stimulations auditives isolées. Peu d’études ont montré l’influence top-down des connaissances en modalité visuelle sur le premier niveau de traitement que représente la détection de stimulations présentées de façon isolée. De plus, aucune étude en modalité auditive ne s’est intéressée à l’influence de nos connaissances lexicales ni à l’influence des connaissances phonologiques sur le premier niveau de traitement que représente la détection. Notre premier axe de recherche (Chapitre 4) propose de déterminer si les connaissances de l’auditeur,

qu’elles soient lexicales ou phonologiques, peuvent avoir un effet précoce sur les premiers niveaux de traitement auditif, notamment sur la détection des événements sonores complexes. Si nos connaissances lexicales et phonologiques ont une influence