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mots, pseudo-mots et sons complexes

L’influence de la nature de la stimulation sur le premier niveau de traitement que représente la détection a été montrée lors de la présentation de stimulations visuelles. Merikle et Reingold (1990) ont brièvement présenté des mots dans une condition et des non-mots dans une autre condition chez les mêmes participants. La tâche des participants était d’effectuer une détection de stimulations visuelles par une procédure oui/non avant de réaliser une tâche de reconnaissance. Les résultats montrent que les participants obtiennent une meilleure détection pour les mots que pour les non-mots. Alors que Merikle et Reingold (1990) observent un effet de supériorité de détection des mots en modalité visuelle, aucune étude en modalité

auditive n’a testé ce résultat. Nous proposons donc à travers l’Étude I d’examiner une possible réplication en modalité auditive des résultats obtenus en modalité visuelle. Pour cela, trois conditions de stimulations (des mots, des pseudo-mots et des sons complexes sans composante phonologique) seront présentées par blocs séparés à différents niveaux d’intensité sonore, allant de l’inaudible (à -10 dB-SPL) au clairement audible (à 35 dB-SPL).

4.1.1

Méthodologie

Participants.

30 participants (âge moyen de 22.28 ans ± 3.84, 24 femmes) de langue maternelle française et droitiers (quotient de latéralité moyen = 93.94 ± 6.71) selon le test “Edinburgh Handedness Inventory” (Oldfield, 1971), ont été inclus dans cette expérience. Aucun participant n’a rapporté de problèmes auditifs ou neurologiques. Ils ont été sélectionnés sur la base de leur audition qui a été testée grâce à une audiométrie tonale réalisée pour chaque oreille : leur perte auditive est inférieure à 15 dB pour les fréquences de sons purs compris entre 250 et 8000 Hz (ANSI, 2004).

Matériel.

Hormis le fait que les stimulations soient égalisées en dB-SPL, le matériel et l’appareillage utilisés au cours de cette étude sont similaires à ceux utilisés dans l’Étude II.

Procédure.

Chaque participant a passé trois blocs expérimentaux comprenant 100 stimulations sonores. L’ordre de présentation des blocs a été aléatoirement distribué de façon à ce qu’un tiers des participants entendent les sons complexes, les pseudo-mots puis les mots, un deuxième tiers entendent les pseudo-mots, les mots puis les sons complexes, et un dernier tiers entendent les mots, les sons complexes puis les pseudo-mots. Les participants étaient installés dans une salle insonorisée. À l’apparition de la croix de fixation était présentée une stimulation auditive. Les participants réalisaient une tâche de détection par une procédure oui/non et devaient répondre le plus rapidement et le plus correctement possible. Un nouvel essai commençait 300 ms après la réponse motrice à la tâche de détection. Les stimulations étaient présentées à un niveau aléatoire d’intensité, allant de -10 à 35 dB-SPL par pas de 5 dB. Dix stimulations étaient présentées par condition. Aucune stimulation n’était

répétée pour un même participant et toutes les stimulations ont été présentées à chaque niveau d’intensité entre les participants.

4.1.2

Résultats

Figure 31: Le pourcentage de réponses correctes à la tâche de détection est meilleur pour les mots que pour les pseudo-mots, et est meilleur pour les pseudo-mots que pour les sons complexes.

Une analyse de variance (ANOVA) a été effectuée sur les performances de réponses correctes selon la nature de la Stimulation (mots, pseudo-mots, sons complexes) et le niveau d’Intensité (10 intensités, de -10 à 35 dB-SPL). L’ANOVA montre un effet principal de la nature de la Stimulation (F(2,60) = 10.22, p < .001), un effet principal du niveau d’Intensité (F(8,240) = 435.96, p < .001) ainsi qu’une interaction significative entre ces deux facteurs (F(16,480) = 3.11, p < .001). Les analyses post-hocs (Least Significant Difference, LSD Fisher) révèlent que les performances de détection sont meilleures pour les mots que pour les pseudo-mots (ps = .029) entre 0 et 20 dB-SPL, pour les pseudo-mots que pour les sons complexes (ps = .027) entre 5 et 25 dB-SPL et pour les mots que pour les sons complexes (ps < .001) entre 0 et 25 dB-SPL.

4.1.3

Discussion

Les résultats de l’Étude I montrent que la détection auditive est influencée par la nature de la stimulation. Pour un même niveau d’intensité sonore, les participant détectent plus facilement des mots que des pseudo-mots et détectent également plus facilement des pseudo-mots que des sons complexe sans composante phonologique. Les connaissances lexicales et phonologiques que les participants possèdent sur les stimulations auditives semblent alors faciliter leur détection. Cette étude réplique le résultat obtenu en modalité visuelle (Merikle & Reingold, 1990) et l’étend en suggérant un effet phonologique. Cependant, ces résultats sont à prendre avec précaution dans la mesure où d’autres explications pourraient être à l’origine de ce résultat.

Premièrement, une explication en termes de différences énergétiques entre les stimulations pourrait être avancée. Dans la mesure où les stimulations ont été équilibrées en terme d'intensité, de durée, d’enveloppe temporelle, de spectre moyen et/ou de phonèmes, les mots et les pseudo-mots diffèrent seulement par leurs aspects lexicaux et les stimulations de parole et de non parole (les sons complexes) diffèrent seulement par leurs aspects lexicaux et phonologiques (pour une discussion détaillée, voir page 123).

Deuxièmement, il est possible que l’égalisation choisie n’harmonise pas correctement les différences énergétiques entre les stimulations. En effet, l’égalisation en dB-SPL choisie n’est peut-être pas la mieux adaptée pour rendre compte de la sonie des stimulations complexes, tels que les sons de parole (Kewley-Port, 1991). Une pondération en dB-A est généralement utilisée lorsque les sons de parole sont présentés à de faibles niveaux d’intensité. Le choix d’une égalisation en dB-A, reflétant les fonctions de transfert exercées par l’oreille interne et moyenne, sera utilisé dans l’Étude II afin de minimiser les différences de sonie des stimulations auditives.

Troisièmement, des différences attentionnelles pourraient expliquer nos résultats. En effet, le choix de la présentation des stimulations par blocs pourrait induire plus de monotonie dans les séquences de sons complexes comparativement aux séquences de mots par exemple. Au cours des expériences 2 et 3 de l’étude de Merikle et Reingold (1990), la détection des mots et les non-mots a été testée dans des

blocs distincts. Lors de l’expérience 4 de Merikle et Reingold (1990), les mots et les non-mots ont été présentés aléatoirement lors d’une même tâche de détection de présence ou d’absence de stimulations, réduisant ainsi la contribution des effets d’attention probables de leurs expériences 2 et 3. Les mêmes résultats sont obtenus pour l’expérience 4 que pour les expériences 2 et 3 : les participants obtiennent de meilleures performances en ce qui concerne la détection des mots plutôt que celle des non-mots, suggérant que la présentation par blocs n’a pas d’influence. Toutefois, dans cette étude, une seconde tâche de catégorisation était toujours présente après la tâche de détection, ce qui suggère que le niveau d’attention devait être maintenu à travers les expériences. Ceci n’est probablement pas le cas dans notre Étude I. Pour pallier à cette critique, une présentation aléatoire des stimulations sera réalisée dans l’Étude II. De plus, afin de tester l’influence de l’attention sur la détection, une seconde tâche sera (Étude II, Expérience 1) ou non (Étude II, Expérience 2) présentée à la suite de la tâche de détection.