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Chapitre 2 : Synthèse des revêtements hybrides

II. Films mésostructurés et mésoporeux

II.3. Influence de la fonctionnalisation sur la porosité

Les images obtenues en microscopie électronique à balayage (SEM-FEGb) montrent une influence marquée de la fonctionnalisation sur l’organisation et la taille des pores (Figure 5). Des pores sont

b SEM FEG HITACHI SU-70

115 visibles en surface pour tous les échantillons. Le Brij 58 forme des pores de petite taille (3 - 5 nm) pour les échantillons fonctionnalisés avec les fonctions méthyles et sulfonates. Le F127, copolymère à bloc de plus grande taille forme des pores plus larges d’environ 7 - 9 nm. En présence de fonctions ammonium, la morphologie des pores se trouve cependant totalement modifiée. Les images montrent des pores beaucoup plus gros et moins organisés.

Figure 5 : Influence de la fonctionnalisation et du tensioactif utilisé sur la morphologie de revêtements mésoporeux traités à 250°C pendant 15 min. Images SEM-FEG (5kV, 250k SE(U)) réalisées à la surface des films et transformées de Fourier correspondantes en insert. Le contrast des images a été ajusté à l’aide du logiciel ImageJ.

Les transformées de Fourier réalisées sur ces images de microscopie permettent de caractériser l’organisation des pores à la surface de chacun de ces échantillons. En effet, des cercles de corrélation clairement définis pour les échantillons à base de MTES et de sulfonates indiquent que les structures sont organisées, sans orientation préférentielle mais avec des distances de corrélation bien définies. Des distances de corrélation de 7 nm pour le Brij 58 et de 14 nm pour le F127 ont ainsi été mesurées. La présence d’ammonium semble en revanche provoquer la désorganisation de la structure, car aucune corrélation n’est observée.

116 La Figure 6 représente la DRXc (diffraction des rayons X) réalisée aux petits angles pour les films correspondants aux images SEM-FEG. Cette technique permet de mettre en évidence les plans parallèles à la surface. Des pics de diffraction correspondant à des distances de 75 Å et 72 Å respectivement pour les formulations à base de MTES et de sulfonates avec F127, sont clairement visibles ; confirmant l’organisation des pores dans ces structures. Pour les autres formulations, les larges pics détectés suggèrent que les structures sont moins organisées dans la direction perpendiculaire à la surface.

Cette technique ne permet cependant pas une caractérisation précise de l’organisation des pores, qui pourrait donc être complétée par des analyses GI-SAXS (Grazing Incidence Small Angle X rays Scattering)13,14. Dans une optique d’insertion d’inhibiteurs de corrosion, il est indispensable qu’ils puissent diffuser jusqu’à la surface métallique. L’organisation des pores selon une structure cristallographique précise n’est donc pas forcément nécessaire contrairement à l’obtention d’une porosité ouverte avec des pores interconnectés. Le SAXS permettant des analyses rapides n’étant pas disponible, la caractérisation plus précise de l’organisation des pores n’a pas pu être réalisée.

Figure 6 : Diffractogrammes de rayons X (DRX) à bas angles réalisés sur les films mésoporeux traités à 250 °C pendant 15 min. La porosité de ces revêtements a ensuite été caractérisée par porosimétrie en chambre environnementale grâce à l’ellipsométrie. La méthodologie utilisée est détaillée dans l’annexe 1. Cette étude est importante en soi car elle informe sur le volume de porosité accessible et donc sur les possibilités de diffusion des espèces comme les inhibiteurs de corrosion.

c Diffractomètre D8 Avance (Brucker) en mode réflexion à la longueur d’émission Kα du cuivre (λKα1 = 1,5406 Å, λKα2 = 1,5443 Å) avec une tension d’accélération de 40 kV et un courant de 30 mA. Le pas d’acquisition de l’appareil est de 0,02 ° pour un angle de 2θ variant entre 0,5 et 7 ° avec un temps d’acquisition de 1 seconde par pas. Pour les mesures sur film minces, une fente de 3 mm est placée devant le détecteur et un couteau au-dessus de l’échantillon pour diminuer l’intensité du faisceau incident.

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Volume poreux et condensation capillaire

Grâce au modèle d’approximation des milieux effectifs de Bruggeman (EMA), connaissant l’indice du film poreux vide et celui des murs, il est possible de remontrer au volume poreux de chaque revêtement11. En effet, l’augmentation de l’humidité relative (HR) dans la chambre de mesure induit une augmentation de l’indice de réfraction suite au remplacement de l’air (nair = 1) présent dans les pores par de l’eau (neau = 1,33). La mesure en temps réel de cette variation d’indice collectée en ellipsométrie permet donc, toujours grâce à un modèle EMA de Bruggeman, de remontrer à la fraction volumique d’eau dans les pores du revêtement en fonction de l’humidité relative et donc d’obtenir des isothermes d’adsorption-désorption d’eau (Figure 7, a. à c.). Pour les échantillons préparés avec du F127, les volumes poreux obtenus sont ainsi respectivement de 49 %, 36 % et 55 % pour les échantillons à base de MTES, de sulfonates et d’ammonium (Figure 7, a. à c.).

Figure 7 : Caractérisation de la porosité des films mésoporeux (tensioactif F127) : volume d’eau adsorbé dans les pores en fonction de l’humidité relative (a-c), évolution de l’épaisseur avec l’humidité (d-f) et distribution de tailles de pores (g-i). Les angles de contact à l’eau mesurés en surface des échantillons sont donnés en insert.

118 Si l’on s’intéresse à la variation d’épaisseur avec l’humidité relative (Figure 7, d. à f.), une augmentation progressive est dans un premier temps observée pour certain échantillons (d et e). La formation d’une couche d’eau sur la surface extérieure pourrait être évoquée pour expliquer ce phénomène mais elle ne peut à elle seule être responsable d’une augmentation de plus de 1 nm. Plusieurs études réalisées au laboratoire suggèrent que ce serait plutôt la relaxation des contraintes accumulées à l’intérieur du revêtement lors du procédé de fabrication qui serait responsable de cette augmentation d’épaisseur. En effet, les micropores se remplissent généralement spontanément d’eau aux faibles HR, ce qui permet au film de relâcher, grâce à un léger gonflement, les tensions accumulées lors du dépôt et du recuit générant la dégradation des tensioactifs. Le remplissage des micropores par l’eau est de plus compatible avec la légère augmentation de n (et donc de VH2O) dans cette zone d’humidité relative.

La brusque augmentation de VH2O visible sur les courbes d’adsorption de chacun des trois revêtements est quant à elle associée à la condensation capillaire de l’eau dans les mésopores11

(Figure 7, a. à c.). Ce phénomène génère simultanément une brusque diminution de l’épaisseur. En effet, la condensation de l’eau dans les mésopores génère une pression capillaire suivant la loi de Laplace

P=  cos (1 r1+

1

r2) Équation 1

Avec la tension de surface liquide-vapeur du solvant, l’angle de mouillage, et r1 et r2 les rayons de courbures à l’interface liquide vapeur, dépendant de la géométrie des pores (r1 = r2 pour des interfaces sphériques, r2 pour des interfaces cylindriques,…).

Dans le cas des matériaux hydrophiles (cos → 1) présentant des pores nanométriques, les pressions

capillaires peuvent atteindre plusieurs centaines de bars et c’est cette différence avec le milieu extérieur qui induit donc une contraction du revêtement. Une fois que les pores sont pleins (plateau atteint sur la courbe VH2O = f(P/P0)), le rayon de courbure redevient infini et le système relaxe (remontée de l’épaisseur aux hautes humidités relatives). Peu d’études sur ce sujet ont été publiées15

mais cette interprétation se base sur les nombreux travaux réalisés au laboratoire sur ce type de système. Le but n’est pas ici de rentrer dans les détails physico-chimiques pouvant expliquer ce type de comportement mais de montrer grâce à ces données caractéristiques que les trois revêtements synthétisés présentent des mésopores se remplissant d’eau par condensation capillaire. Cette brusque diminution d’épaisseur suivie par une remontée indique aussi que les pores sont remplis à partir de 90 % d’humidité relative.

119 Selon la loi de Laplace, plus les pores sont petits, plus la tension est forte. La contraction plus importante observée à la désorption (Figure 7, d. à f.) suggère donc la présence de connections entre les pores dont le diamètre plus est faible que ceux des pores eux-mêmes (restriction). La présence de ces pores (ou interconnections) plus petits est aussi mise en évidence par les hystérèses sur les courbes a. à c. (Annexe1).

Taille des pores

Pour le film à base de sulfonate, la condensation capillaire se produit autour de 63 % HR, pour celui à base de MTES, à 71 % HR et pour celui à base d’ammonium, à des humidités plus élevées (81 % HR). Ce décalage du seuil de condensation capillaire peut avoir deux origines principales : une augmentation de la taille des pores ou une augmentation de l’angle de mouillage. Il n’est pas possible de mesurer l’angle de mouillage à l’intérieur des pores, l’hypothèse est donc faite que  mesuré en surface de l’échantillon (Figure 7) est représentatif de l’hydrophilicité dans la porosité. Le film le moins hydrophile est bien celui à base d’ammonium mais les faibles différences entre les échantillons suggèrent que l’angle de mouillage n’est pas seul responsable du décalage du seuil de condensation capillaire. La distribution de taille de pores peut quant à elle être estimée, à partir de la pression relative P/P0 à laquelle la condensation capillaire se produit, de la tension de surface  et en approximant la géométrie des pores, et ce d’après le modèle de Boissière et al.11. Les Figure 7, g. à i. représentent les distributions de taille de pores obtenues grâce à ce modèle pour une hypothèse de pores sphériques. Les résultats obtenus, en accord avec les observations MEB, confirment que les pores les plus gros sont obtenus pour les films à base d’ammonium.

Les mêmes analyses ont été effectuées sur des films dont la porosité était générée par du Brij 58 pour lesquels les volumes poreux comme les tailles de pores sont attendus plus faibles. La qualité des mesures enregistrées ne permet cependant pas de déterminer avec précision les interconnections dont la faible taille est à la limite de la précision du modèle. Cependant les caractéristiques de ces différents revêtements sont récapitulés dans le Tableau 4.

Tableau 4 : Caractérisation de la porosité des revêtements obtenue grâce aux analyses ellipso-porosimétriques. MTES (CH3) Sulfonate (S-) Ammonium (N+)

Tensioactif F127 Brij 58 F127 Brij 58 F127 Brij 58

V poreux 49% - 36% 17 % 55% 44%

Taille des pores 8,6 nm - 6,8 nm < 3 nm 13 nm 6,4 nm

Tailles des

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