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Influence des courbes d’apprentissage, focus sur le secteur des biocarburants

demande ? Analyse de scénarios contrastés

2010 2050 2010 2050 Accroissement naturel 122,1 122,1 122,1 122,

4. Influence des courbes d’apprentissage, focus sur le secteur des biocarburants

Les procédés de production de bioénergie sont susceptibles de voir leurs coûts opérationnels et d’investissement diminuer au cours du temps, en particulier pour les procédés de production de biocarburants avancés qui ne sont qu’à un stade laboratoire ou pilote de leur développement. Ces gains sur les coûts s’expliquent par différents facteurs. Lors du passage de l’échelle laboratoire, puis pilote, puis industrielle, le procédé est progressivement optimisé afin de répondre aux contraintes de la production de grandes quantités. Il en résulte une diminution du coût nominal de production – ou prix de revient (diminution de tous les coûts). On parle de learning by searching and learning by doing. Les verrous rencontrés étant liés à la spécificité de chacun des procédés, il est

141 néanmoins difficile de rendre compte d’une méthode générique pour évaluer ce facteur d’amélioration.

Une fois que le procédé est développé à l’échelle industrielle, le coût nominal peut encore être diminué grâce aux économies d’échelles. Le coût de production unitaire d’une usine de plus grande capacité sera plus faible jusqu’à ce que la capacité maximale limitante, généralement liée à la capacité d’une étape de procédé fortement capitalistique, soit atteinte.

Un troisième effet qui entraîne une diminution des coûts est l’effet de série ou d’expérience. En effet, plus on construit d’unités identiques, moins la dernière unité construite coûte cher (en terme de coût d’investissement), jusqu’à une valeur plancher. La dernière unité profite en effet de tout ce qui a été appris lors des constructions précédentes. On parle de learning by doing. Une étude du (National Energy Technology Laboratory, 2013) explicite une méthodologie permettant de passer des coûts de la 1ère unité à la nème unité.

Concernant l’intégration de courbes de réduction de coûts dans les modèles de prospective pour les biocarburants, une étude a été réalisée dans le cadre du projet REFUEL (de Wit et al., 2010). La réduction de coûts est expliquée par deux facteurs, l’un dépendant de l’échelle et le second dépendant des quantités cumulées produites. Cette étude prend aussi en compte la réduction de coût de production des matières premières agricoles, que les auteurs corrèle à l’accroissement de la productivité.

Le JRC a aussi explicité une méthodologie pour prendre en compte les réductions de coûts liées à l’apprentissage par la recherche et par l’expérience et explicité deux facteurs d’apprentissage qui permettent de prendre ces facteurs en compte (Wiesenthal et al., 2012).

Dans cette thèse, trois scénarios de courbes d’apprentissage différentes permettent d’évaluer l’impact d’une réduction des coûts d’investissement, et des coûts fixes et variables d’opération et maintenance des procédés de biocarburants avancés :

Le scénario LC1 : aucune réduction des coûts des procédés ;

Le scénario LC2 : division par deux des coûts en 20 ans de l’ensemble des procédés de production de biocarburants avancés (production d’huile fermentaire et algale en bassin ouvert et photobioréacteur incluse) ;

142 BXtL = co-gazéification de biomasse et de coke de pétrole

Figure 3.11 : Évolution du bouquet technologique pour la production de bioessence selon les hypothèses de courbes d'apprentissage

Les autres hypothèses majeures pour la réalisation de cet exercice prospectif sont les suivantes :  Concernant les disponibilités biomasse, le scénario de réorientation de l’offre (explicité

paragraphe 2) est retenu. Il nous paraît plus pertinent puisqu’il offre plus de biomasse lignocellulosique et permet ainsi de ne pas bloquer le développement des procédés de deuxième génération ;

Concernant la demande, le scénario COMOP+50% est retenu ;

 Concernant les procédés, il n’y a aucune limitation sur leurs niveaux d’activité.

Les résultats sont présentés par pool de biocarburants, substitution à l’essence d’une part et substitution au carburéacteur/gazole d’autre part. Biocarburéacteur et biogazole sont présentés ensemble car leurs voies de production sont très proches : une étape d’hydroisomérisation plus poussée permet en effet de produire du biocarburéacteur à partir du biogazole de synthèse. La figure 3.11 montre l’évolution de la consommation de bioessence selon les scénarios décrits ci-dessus. D’après le jeu d’hypothèses retenues, les courbes d’apprentissage n’ont pas d’impact avant 2040 mais elles modifient fortement le bouquet énergétique après. La part d’éthanol cellulosique pour les scénarios LC2 et LC3 est supérieure à 50 % en 2050. Dans le cas où il n’y a pas de courbes d’apprentissage, le procédé de co-gazéification de la biomasse avec du coke de pétrole (BXtL) est plus compétitif que les procédé de production de biocarburants à base d’huile fermentaire et algale. L’essor de l’essence BXtL est dû au fait que le procédé de production de biogazole BXtL produit simultanément du naphta qui est valorisé sous forme d’essence dans ce scénario. Si on considère une valorisation de cette essence BXtL en naphta pour la pétrochimie, elle est substituée par de l’éthanol cellulosique.

143 EMHV = Esters méthyliques d’huile végétale / EMGA = Esters méthyliques de graisses animales / EMHU = Esters méthyliques d’huiles de cuisson usagées / GA = Graisses animales / HVH = Huile végétale hydrotraitée / BXtL = co- gazéification de biomasse et de coke de pétrole / HF = Huile fermentaire produite par voie hétérotrophe / HA = Huile

algale produite par voie autotrophe en bassin ouvert

Figure 3.12: Évolution du bouquet technologique pour la production de biocarburéacteur et de biogazole selon les hypothèses de courbes d'apprentissage

Concernant le pool biocarburéacteur et biogazole, dont l’évolution selon les mêmes hypothèses est présentée sur la figure 3.12, des courbes d’apprentissage de plus en plus « pentues » favorisent la production d’huile fermentaire et d’huile algale dans des bassins ouverts. Pour le scénario LC3, en 2050, seule la production de graisses animales hydrotraitées est plus compétitive que la transestérification et l’hydrotraitement d’huile algale. Ces procédés bénéficient grandement des courbes d’apprentissage car la part de l’huile varie entre 70 % et 90 % dans la structure de coûts. Néanmoins, ce scénario extrême implique la construction de 170 unités de production d’huile algale en bassin ouvert, couvrant plus de 3300 km2 (0,6 % de la superficie française).

La production de biogaz à usage véhicule n’est pas impactée par les différentes courbes d’apprentissage : après 2035, le bioGNV issu de la méthanisation agricole est remplacé par le procédé de méthanation dans un lit fluidisé circulant. Ceci est dû au fait que le biogaz doit être traité avant d’être incorporé dans le réseau de transport ou de distribution du gaz naturel alors que le procédé de gazéification produit un biométhane directement utilisable. Ainsi, bien que les hypothèses de divisions des coûts soient les mêmes pour les trois procédés (méthanisation, traitement du biogaz et méthanation), la somme de la réduction des coûts des deux courbes d’apprentissage des procédés de méthanisation et de traitement du biogaz est inférieure à la réduction des coûts de la méthanation.

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Conclusions

Trois scénarios d’évolution des demandes en bioénergies de 2010 à 2050 ont été créés. Ils ont une base commune jusqu’en 2020 : les objectifs français officiels définis par le COMOP 10 et actualisés d’après le plan d’action national en faveur des énergies renouvelables (Jean-Claude Lenoir, Alain Liébard, 2008 ; MEEDDM, 2010). Après 2020, le premier scénario prévoit un maintien, le second une augmentation de 50 % et le troisième une augmentation de 100 % de la demande par rapport au niveau 2020.

La disponibilité agricole fait l’objet de deux scénarios basés sur deux emprises surfaciques différentes : le premier où les surfaces allouées pour l’énergie croissent tendanciellement et le second où elles décroissent à partir de 2020 pour être deux fois plus faibles que celles de 2010. De la même manière, deux scénarios décrivent la disponibilité forestière : un premier où la courbe d’offre calculée en 2010 est maintenue constante sur tout l’horizon de modélisation et un second où la disponibilité est accrue de 7 Mtms, pour une disponibilité totale de 36,1 Mtms ce qui correspondrait à un prélèvement de 85 % de l’accroissement naturel annuel des forêts françaises.

La quantité d’énergie susceptible d’être produite selon ces différents scénarios est ensuite calculée : dans le cadre d’une évolution tendancielle de la disponibilité des ressources, le secteur bioénergie pourrait répondre à une demande finale de 31 Mtep à l’horizon 2050. Cela constituerait un ralentissement du rythme de développement préconisé par le COMOP sur la période 2010-2020 mais correspondrait toutefois à une augmentation de 50 %, par rapport à 2020, de la contribution des bioénergies en 2050. La contrainte se situe en majorité sur les ressources lignocellulosiques, car elles permettent de répondre aux demandes chaleur et électricité. Un accroissement de la disponibilité supplémentaire de 7 Mtms en biomasse forestière et le développement des cultures énergétiques dédiées pourrait permettre de répondre à 33 Mtep en 2050.

Lorsque l’on cherche à maximiser chacun des vecteurs énergétiques indépendamment – chaleur, électricité et biocarburants, on constate que le secteur des bioénergies présente une certaine flexibilité puisqu’une même ressource peut être valorisée par différents procédés en chacun des trois vecteurs. C’est notamment le cas de la biomasse lignocellulosique qui démontre une fois de plus son intérêt stratégique. Selon les scénarios, la production maximisée de chaleur en 2050 varie entre 23 et 26 Mtep, celle d’électricité entre 5 et 6 Mtep et celle des biocarburants entre 14 et 15 Mtep.

Concernant les biocarburants se substituant à l’essence, les technologies de première génération gardent leur avantage compétitif, hormis le bioéthanol issu de l’amidon, qui serait économiquement moins performant que l’éthanol lignocellulosique à partir de 2040. Concernant les biocarburants se substituant au carburéacteur et au gazole, sans courbe d’apprentissage, les technologies de première génération gardent leur avantage compétitif et la technologie de co-gazéification de biomasse BXtL vient pallier le manque de ressources en huiles végétales conventionnelles. Lorsque des courbes d’apprentissage sont modélisées, la filière de production d’huile par des microorganismes devient compétitive et permet d’accroître substantiellement les ressources disponibles puisque la production française d’huiles végétales conventionnelles pour l’énergie sera vraisemblablement limitée à 3 Mt/an.

Ces premiers résultats ne prennent ni en compte le contexte réglementaire futur ni les impacts et bénéfices environnementaux (externalités) des différentes filières. Nous allons dans le chapitre suivant proposer une méthodologie pour les appréhender.

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Bibliographie du chapitre 3

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Chapitre 4 : Cadre réglementaire et prise en