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Influence de la composition des manteaux, de la temp´erature et de la

3.5 R´esultats ` a haute temp´erature : les cœurs chauds

3.5.3 Influence de la composition des manteaux, de la temp´erature et de la

densit´e de H2

Les figures 52 et 53 montrent les abondances absolues (/H2) des principales mol´ecules soufr´ees SO, SO2, OCS, H2S et CS en fonction du temps pour la composition gazeuse pr´e-´evaporation A et pour les conditions physiques pr´esent´ees `a la section 3.5.1 (une temp´erature de 100 et 300 K et une densit´e de 105, 106 et 107 cm−3). Le but de cette section est d’´etudier l’influence de certains des param`etres du mod`ele (compositions des manteaux, de la temp´erature et de la densit´e) sur les abondances des mol´ecules soufr´ees en phase gazeuse. Dans les quatre sections suivantes, sont comment´es les r´esultats pour chacune des esp`eces soufr´ees. Dans la cinqui`eme section, je d´ecris l’influence des param`etres sur la sensibilit´e du mod`ele aux taux de r´eaction et sur la nature des r´eactions “cl´es”, pour lesquelles une meilleure connaissance des taux est souhait´ee.

Abondances de SO et SO2

Pour tous les param`etres, SO et SO2sont les deux mol´ecules soufr´ees qui deviennent les plus abondantes au bout d’un certain temps d’´evolution (0 − 106 ans). Leurs abondances deviennent tr`es ´elev´ees (∼ 10−5) pour les trois derniers mod`eles. Je rappelle ici que la quantit´e totale de soufre ´el´ementaire en phase gazeuse est de l’ordre de l’abondance cosmique de S dans les trois derniers mod`eles (2, 3 et 4) alors qu’elle est de deux ordres de grandeur inf´erieure pour le mod`ele 1 o`u la majorit´e du soufre est suppos´ee ˆetre d´epl´et´ee dans les cœurs r´efractaires des grains. Par cons´equent, le mod`ele 1 donnera des r´esultats forc´ement diff´erents des trois autres mod`eles. Pour une temp´erature de 100 K, une densit´e de 106-107 cm−3 et toutes les compositions des grains, SO2 devient plus abondant que SO `a partir de 104-105 ans, principalement `a cause de la

r´eaction : O + SO → SO2 + hν (756).

A 300 K, la diff´erence entre les abondances de SO et SO2 devient nulle (`a partir de 2 × 105 ans pour n(H2)=105 cm−3et `a partir de 103 ans pour n(H2)=107cm−3). Le fait que SO2 ne soit plus sur-abondant par rapport `a SO s’explique par le fait que le coefficient de la r´eaction O + SO →

114 Chapitre 3. Mod´elisation de la chimie du soufre : NAHOON

SO2 + hν d´ecroˆısse avec la temp´erature. En fait, `a cette temp´erature, SO2 est principalement form´e par la r´eaction OH + SO → SO2+ H (204) dans les 100 premi`eres ann´ees o`u l’abondance de SO2 atteint sa valeur d’´equilibre. Durant ce labs de temps, OH est form´e tr`es rapidement par la r´eaction H2 + O → OH + H (153). Apr`es 100 ans, la majorit´e du OH est transform´e en eau. Le fait d’obtenir une abondance de SO2 aussi importante que celle de SO `a l’´equilibre est diff´erent des pr´edictions du mod`ele de Charnley (1997). En effet, dans le mod`ele de Charnley, l’abondance initiale d’oxyg`ene atomique est nulle et donc OH est tr`es faiblement produit. Ainsi

l’abondance de SO2 reste au moins d’un ordre de grandeur inf´erieure `a celle de SO dans le

mod`ele de Charnley.

Dans le mod`ele 3, la mol´ecule SO devient tr`es rapidement tr`es abondante mˆeme `a 100 K parce que le soufre mol´eculaire S2qui est initialement ´evapor´e de la surface des grains est directement transform´e en SO par la r´eaction S2 + O → SO + S (197).

Les observations ont r´ev´el´e une abondance d’oxyg`ene atomique dans les nuages

mol´eculaires (e.g. Baluteau et al., 1997; Caux et al., 1999; Lis et al., 2001; Vastel

et al., 2002) globalement plus ´elev´ee que les pr´edictions `a l’´equilibre des mod`eles chimiques (Lee et al., 1996). La prise en compte de cette forte abondance est d’une

importance capitale pour la chimie du soufre car l’´evolution chimique des compos´es

soufr´es en d´epend directement.

L’abondance de H2S

Dans tous les mod`eles que je consid´ere, la mol´ecule H2S est initialement pi´eg´ee sur les grains puis ´evapor´ee dans la phase gazeuse lorsque la temp´erature augmente. Apr`es 104ans, l’abondance initiale de H2S d´ecroˆıt brusquement dans tous les mod`eles puis croˆıt `a partir de 106 ans dans les mod`eles 2 et 4 `a 300 K.

La d´ecroissance de H2S est due `a l’attaque de cette mol´ecule par H3O+qui est plus abondant que H+3 dans les r´egions de cœur chaud o`u l’eau `a une forte abondance. La r´eaction entre H2S et H3O+ am`ene `a la protonation de l’hydrog`ene sulphide en H3S+ suivie d’une recombinaison dissociative avec les ´electrons qui donne HS : H3S+ + e → HS + H + H (812). La mol´ecule de HS ainsi produite est alors principalement d´etruite par la r´eaction : HS + O → SO + H (189).

A 300 K, H2S est efficacement produit `a partir de 105 ans par deux processus diff´erents suivant la densit´e du gaz. Dans un gaz dense (107 cm−3), H2S est produit par une s´erie de

r´eactions amorc´ees par la destruction de SO et SO2 par le rayonnement cosmique. Du soufre

atomique est alors produit puis doublement hydrog´en´e pour donner du H2S avec des ´etapes

interm´ediaires qui produisent des esp`eces peu communes comme HS+2, H3S+2, HS2 et H2S+2. A 105 cm−3 en revanche, l’abondance de S+est plus importante (∼ 10−9 au lieu de 10−12− 10−11

Fig. 52: Abondances (/H2) des mol´ecules SO, SO2, OCS, H2S et CS en fonction du temps pour la composition en phase gazeuse pr´e-´evaporation A et les quatre compositions des manteaux des grains (1 `a 4 du haut vers le bas). La temp´erature est de 100 K et la densit´e vaut 105 (gauche), 106 (milieu) et 107 cm−3(droite).

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Fig. 53: Abondances (/H2) des mol´ecules SO, SO2, OCS, H2S et CS en fonction du temps pour la composition en phase gazeuse pr´e-´evaporation A et les quatre compositions des manteaux des grains (1 `a 4 du haut vers le bas). La temp´erature est de 300 K et la densit´e vaut 105 (gauche), 106 (milieu) et 107 cm−3(droite).

`

a 10 cm ) et H2S est form´e par un autre proc´ed´e initi´e par l’ionisation de S par les photons induits par le rayonnement cosmique (117) suivie des deux r´eactions H2 + S+ → H2S+ + hν (752) et S + H2S+ → H2S + S+ (740).

Notons qu’`a basse temp´erature, le soufre ´evolue vers une forme plutˆot oxyg´en´ee, tandis qu’`a haute temp´erature, l’oxyg`ene ´etant principalement sous forme d’eau, le soufre est plutˆot hydrog´en´e.

L’abondance de OCS

Comme H2S, la mol´ecule OCS est ´evapor´ee de la surface des grains dans le gaz chaud. Une fois dans la phase gazeuse, OCS est principalement d´etruite par le rayonnement cosmique (127) et par S+ (598) mais plus tardivement que H2S. Dans certaines conditions, `a 100 K et 106− 107 cm−3, l’abondance de OCS peut ˆetre maintenue dans le gaz et peut mˆeme temporairement augmenter de 10−7 `a 10−6 grˆace `a l’association radiative CO + S → OCS + hν (757). D’autre part, la destruction de OCS par S+ est moins efficace `a forte densit´e car l’abondance de S+ y est plus plus faible (5 × 10−12 `a 107 cm−3 contre 1 × 10−8 `a 105 cm−3).

L’abondance de CS

Contrairement aux autres esp`eces, CS est d´ej`a dans le gaz au moment de l’´evaporation. A 100 K, le CS initial est d´etruit plus efficacement lorsque la densit´e augmente et son abondance ne d´epasse pas 10−9 (d´etruit pas l’oxyg`ene atomique, r´eaction 191). A 300 K, CS est efficacement produit `a haute densit´e et apr`es 103 ans, et son abondance atteint 10−8. En effet, `a forte temp´erature et densit´e, l’oxyg`ene atomique, principal destructeur de CS est majoritairement incorpor´e `a H2O `a partir de 103 ans, tandis que CS est produit par la recombinaison de HOCS+

avec un ´electron (r´eaction 824), HOCS+´etant lui mˆeme form´e par les r´eactions 286 et 447 : H+3

+ OCS → HOCS++ H2 et CH+3 + SO → HOCS+ + H2.

Influence des param`etres sur l’importance relative des r´eactions

Je vais pr´esenter ici les r´esultats sous un autre angle, en ´etudiant l’influence des param`etres sur l’importance des diff´erentes r´eactions chimiques du mod`ele (voir la section 3.3). Selon les pa-ram`etres physiques, en effet, la hi´erarchie des voies de formation ou de destruction qui dominent le r´eseau r´eactionnel est modifi´ee. J’ai report´e en annexe les figures des r´eactions importantes (figures 82, 84, 85 et 86) impliqu´ees dans la chimie de SO, SO2, OCS, H2S et CS pour les 4 com-positions initiales des manteaux des grains (autres param`etres : Tk = 100 K, n(H2) = 107 cm−3, t = 104 ans et Comp. A).

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Deux r´eactions sont naturellement importantes pour tous les mod`eles : les r´eactions d’io-nisation par le rayonnement cosmique de H2 et He (r´eactions 90 et 91) qui sont `a la base de toute la chimie des ions. SO et SO2 ont une chimie tr`es similaire impliquant les mˆemes r´eactions quelque soit le mod`ele consid´er´e. OCS pour sa part a une chimie tr`es simple o`u une seule r´eaction (757) semble avoir r´eellement de l’importance pour les mod`eles 2 `a 4 tandis que deux r´eactions (127-128) sont importantes avec le mod`ele 1. Notez que la r´eaction 757 est une r´eaction de for-mation de OCS (CO + S → OCS + hν) favoris´ee dans le cas des mod`eles 2 `a 4 par l’abondance ´elev´ee de soufre ´el´ementaire dans le gaz tandis que les r´eactions 127 et 128 sont des r´eactions de destruction de OCS par le rayonnement cosmique.

Le mod`ele 1 induit une chimie plus simple que les autres mod`eles car il est associ´e `a un nombre restreint de r´eactions importantes. Certaines r´eactions importantes pour la formation de CS et H2S ainsi que des r´eactions avec S et S+ importantes dans les mod`eles 2 `a 4 ne le sont plus pour le mod`ele 1, dˆu `a la faible abondance de soufre ´el´ementaire dans la phase gazeuse. Les mod`eles 2 et 3 ont des listes de r´eactions importantes relativement similaires sauf pour certaines r´eactions avec SO favoris´ees par le mod`ele 3 (r´eactions 125, 285, 447 et 624 importantes pour CS et H2S dans le mod`ele 3) tandis que certaines r´eactions cl´es pour SO et SO2 perdent de l’importance avec le mod`ele 3 (seules les r´eactions 117, 789 et 800 disparaissent totalement de la figure 85). La liste des r´eactions importantes est pratiquement identique pour les mod`eles 2 et 4. Seules quelques r´eactions avec H2S et H3S+ (119, 587, 595 et 597) perdent de l’importance pour le mod`ele 4, `a cause de l’abondance initiale de H2S qui est 10 fois plus petite pour le mod`ele 4 que le mod`ele 2 tandis qu’une seule r´eaction (550) gagne en importance.

Etant donn´e que certains taux de r´eaction d´ependent de la temp´erature, cette derni`ere est un param`etre qui peut faire changer l’importance des r´eactions. La figure 87 montre les r´eactions importantes `a 200 K1 pour le mod`ele 2 et est `a comparer avec la figure 84. Certaines r´eactions neutre-neutre deviennent importantes tandis que d’autres deviennent n´egligeables (579, 789, 798, 800, 804 et 825). En revanche, je n’ai pas constat´e d’influence significative de la densit´e de H2. L’analyse faite jusqu’ici est bas´ee sur une perturbation des taux de r´eaction de 10%. En g´en´eral, ´etant donn´e que les ´equations ne sont pas lin´eaires, l’amplitude de la perturbation ne devrait pas influencer les r´esultats de fa¸con lin´eaire. J’ai fait la mˆeme analyse que pr´ec´edemment en multi-pliant chaque taux de r´eaction par 2, ce qui ´equivaut `a une variation de 100% (voir figure 88). Dans le cas de la chimie du soufre, j’ai toujours obtenu des variations relativement lin´eaires : le rapport ∆X/∆R est peu d´ependant de ∆R dans le domaine de perturbation consid´er´e (10% < ∆R < 100%) . La seule r´eelle diff´erence est pour la mol´ecule CS qui voit son nombre de r´eactions importantes augmenter si la pertubation est de 100%.

1. J’ai utilis´e ici une temp´erature de 200 K car c’est celle estim´ee dans le cœur chaud d’Orion-KL (voir sec-tion 3.5.6).

Tab. 24: Liste de r´eactions cl´es, auxquelles les abondances des mol´ecules soufr´ees dans le gaz chaud sont le plus sensibles. La premi`ere colonne indique le num´ero de la r´eaction (voir tableau F en annexe) tandis que la derni`ere colonne donne le coefficient de la r´eaction. γ symbolise une particule du rayonnement cosmique.

Num. R´eaction Coefficient K(T )

90 H2 + γ → H+2 + e 9.30 × 10−1 153 H2 + O → OH + H 3.44 × 10−13 300T 2.67 e3160T 190 O + H2S → HS + OH 9.22 × 10−12e1800T 191 O + CS → CO + S 1.94 × 10−11e231T 740 S + H2S+ → H2S + S+ 1.10 × 10−9 756 O + SO → SO2 + hν 3.20 × 10−16 T 300 −1.60 757 CO + S → OCS + hν 1.60 × 10−17 300T −1.5

S´election de r´eactions cl´es

Nous avons identifi´e quelles ´etaient les r´eactions auxquelles les abondances des mol´ecules soufr´ees sont les plus sensibles dans la gamme des param`etres physiques et des temps d’´evolution consid´er´es dans la pr´esente ´etude. Dans la table 24, sont indiqu´ees, parmi ces r´eactions dominant la chimie du soufre, celles dont il serait important de mieux contraindre le taux de r´eaction. La r´eaction 90 est l’ionisation de H2 par le rayonnement cosmique qui comme je l’ai d´ej`a dit est la base de la chimie ion-mol´ecule. Les r´eactions 153 et 190 sont des r´eactions neutre-neutre importantes seulement `a haute temp´erature. Les autres r´eactions sont des r´eactions ion-mol´ecule (740), neutre-neutre (191) et des associations radiatives (756 et 757). Sans cette analyse, l’im-portance de ces r´eactions n’aurait probablement pas ´et´e soulign´ee. Il sera crucial de connaˆıtre les taux de ces r´eactions avec plus de pr´ecision. Parmi ces r´eactions, seul le taux de 153 est bien d´etermin´e exp´erimentalement, toutefois les mesures ont ´et´e faites `a temp´erature ambiante (300 K) et donc la valeur entre 100 et 200 K est extrapol´ee. L’incertitude sur les ´energies d’acti-vation des r´eactions 190 et 191 est ´egalement grande ce qui apporte une grande incertitude sur les taux de ces r´eactions autour de 100 et 200 K. Il est probable que la r´eaction ion-mol´ecule 740 ne soit pas exothermique (Herbst, communication personnelle) ce qui impliquerait la n´ecessit´e d’introduire une barri`ere d’activation et les taux des associations radiatives (756 et 757) sont au mieux connus `a un facteur 10 pr`es.

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log [time (yr)]

log [ X (i) ] SO SO2 OCS H2S CS SO SO2 OCS H2S ζ = 1.3x10-17 s-1 ζ = 1.3x10-16 s-1 Mod. 1 Mod. 1 Mod. 2 Mod. 2 Mod. 3 Mod. 3 Mod. 4 Mod. 4 ζ = 1.3x10-15 s-1 CS SO SO2 OCS H2S Mod. 1 Mod. 2 Mod. 3 Mod. 4

Fig. 54: Abondances absolues (/H2) des mol´ecules SO, SO2, OCS, H2S et CS en fonction du temps pour une temp´erature de 100 K, pour une densit´e de 107 cm−3 et pour les 4 compositions de grains (ligne 1 `a 4 : Mod`ele 1 `a 4). Les trois colonnes repr´esentent les abondances calcul´ees avec un taux d’ionisation par le rayonnement cosmique diff´erent. Premi`ere colonne : 1.3 × 10−17 s−1 (taux de r´ef´erence), deuxi`eme colonne : 1.3 × 10−16 s−1 et troisi`eme colonne : 1.3 × 10−15 s−1.

log [time (yr)] log [ X (i )/ X (j )] SO 2/SO OCS/H 2S SO 2/H 2S ζ = 1.3x10-17 s-1 ζ = 1.3x10-16 s-1 Mod. 1 Mod. 1 Mod. 2 Mod. 2 Mod. 3 Mod. 3 Mod. 4 Mod. 4 ζ = 1.3x10-15 s-1 Mod. 1 Mod. 2 Mod. 3 Mod. 4 SO 2/SO OCS/H 2S SO 2/H2S SO 2/SO OCS/H2S SO 2/H 2S

Fig. 55: Rapports d’abondance SO2/SO, SO2/H2S et OCS/H2S en fonction du temps pour une temp´erature de 100 K, pour une densit´e de 107 cm−3 et pour les 4 compositions de grains (ligne 1 `a 4 : Mod`ele 1 `a 4). Les trois colonnes repr´esentent les abondances calcul´ees avec un taux d’ionisation par le rayonnement cosmique diff´erent. Premi`ere colonne : 1.3 × 10−17 s−1 (taux de r´ef´erence), deuxi`eme colonne : 1.3 × 10−16 s−1 et troisi`eme colonne : 1.3 × 10−15 s−1.

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