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3.2.1 Le r´eseau chimique

Il existe deux grandes bases de donn´ees pour la cin´etique chimique du milieu interstellaire : UMIST (Millar et al., 1991, 1997; Le Teuff et al., 2000) et NSM (New Standard Model, Lee et al., 1996). La premi`ere est la plus utilis´ee pour la chimie des cœurs chauds car c’est la seule qui contenait, jusqu’en 2003, les r´eactions dominant `a la fois aux basses et hautes temp´eratures (respectivement ion-neutre et neutre-neutre). La base de donn´ees NSM, qui ne contenait que les r´eactions impliqu´ees dans la chimie `a basse temp´erature, a ´et´e compl´et´ee et contient d´esormais toutes les r´eactions n´ecessaires `a la chimie des cœurs chauds.

Utiliser un mod`ele incluant la totalit´e des esp`eces et r´eactions connues s’av`ere bien trop lourd dans la pratique. Notre but ´etant de d´ecrire la chimie du soufre, nous avons retenu de ces bases de donn´ees un r´eseau complet de 930 r´eactions impliquant 77 esp`eces compos´ees des ´el´ements H, He, C, O et S. Complet signifie ici que l’introduction d’autres r´eactions impliquant de nouvelles esp`eces n’a pas d’effet significatif sur les abondances des mol´ecules soufr´ees ni sur celles des principales mol´ecules oxyg´en´ees. Afin d’´etablir un r´eseau r´eactionnel complet d´eterminant les abondances des compos´es soufr´es (SO, SO2, CS, H2S, OCS et H2CS), je me suis bas´ee sur les travaux suivants :

- Pineau Des Forˆets et al. (1993) et Charnley (1997) o`u sont regroup´ees les principales r´eactions de la chimie du soufre dans les r´egions chaudes (cœurs chauds et chocs).

- Hartquist et al. (1980), o`u sont d´ecrits les principaux r´eseaux de la chimie de l’oxyg`ene pour la formation de O2 et H2O.

- Ruffle et al. (2002) pour la formation de CO. Ce compos´e est le plus abondant apr`es H2 et sa formation fait intervenir un tr`es grand nombre de r´eactions que ces auteurs ont r´eduit `a 116 en ne conservant que les r´eactions jouant un rˆole effectif.

- Eric Herbst m’a fourni une liste de r´eactions ion-neutres additionnelles n´ecessaires `a basse temp´erature (voir Lee et al., 1996, pour plus de d´etails).

Tous les taux, des r´eactions pr´esentes dans ma base de donn´ees, disponibles dans la base de donn´ees NSM1 ont ´et´e utilis´es. Pour les autres r´eactions, j’ai utilis´e les taux donn´es dans UMIST ou dans Pineau Des Forˆets et al. (1993). La liste compl`ete des esp`eces et r´eactions du mod`ele, ainsi que les taux de r´eaction, est donn´ee dans les tableaux E et F situ´es en annexe. Les taux des r´eactions de recombinaison des ions avec les grains charg´es n´egativement ont ´et´e calcul´es `a partir de la formule 15 en utilisant les rapports de branchement communiqu´es par Yuri Aikawa. Les taux d’adsorption et d’´evaporation des grains ont ´et´e estim´es `a partir des formules

donn´ees dans la section 3.1.2.

Certaines des r´eactions donn´ees par Ruffle et al. (2002), participant `a la formation de CO, n’´etaient r´epertori´ees dans aucune des bases de donn´ees, je ne les ai donc pas incluse : CH+ + O → CO + H+, CH+3 + e → H2 + C + H, CH+5 + e→ CH + H2 + H2 et CH+5 + e→ CH2

+ H2 + H. Malgr´e cette diff´erence, le mod`ele reproduit bien les abondances de CO observ´ees et obtenues par ces auteurs.

Une des r´eactions contenues dans notre jeu de r´eactions (voir annexe) est une r´eaction bilan introduite par Ruffle et al. (2002). Au lieu d’utiliser la r´eaction C+ + C2H → C+3 + H qui produit un ion C+3 qui se recombine tr`es rapidement avec un ´electron (C+3 + e → C + C2H), on utilise la r´eaction bilan C+ + C2H → e + C + C2H avec pour taux de r´eaction celui de la premi`ere (plus lente que la deuxi`eme).

3.2.2 Validation du mod`ele

A basse temp´erature

Les r´eactions chimiques incluses dans le mod`ele permettent des applications dans la gamme de temp´eratures 10-300 K. Afin de valider le mod`ele, et en particulier le choix des r´eactions s´electionn´ees pour l’etude des compos´es soufr´es, j’ai compar´e les r´esultats du mod`ele NAHOON sans la d´epl´etion (autrement dit sans les ´echanges adsorption/´evaporation entre les grains et la phase gazeuse) avec ceux obtenus avec le mod`ele complet (MC) de Lee et al. (1996) `a basse temp´erature (les deux mod`eles NAHOON et MC ´etant d´ependant du temps). Il s’agit d’un mod`ele de r´ef´erence pour l’´evolution chimique des nuages mol´eculaires `a basse temp´erature.

MC suit l’´evolution de 419 esp`eces poss`edant les ´el´ements suivant He, N, O, C, S, Si, Fe, Na, Mg, P et Cl `a travers 4096 r´eactions. Depuis la parution des r´esultats de ce mod`ele en 1996, les taux de r´eaction ont ´et´e actualis´es et j’ai donc utilis´e les r´esultats les plus r´ecents, qui m’ont ´et´e communiqu´e par Eric Herbst. J’ai fait tourner les deux mod`eles, MC et NAHOON, pour une temp´erature de 10 K, une densit´e de H2 de 105cm−3 et les abondances initiales par rapport `

a H2 suivantes : x(He) = 0.28, x(O) = 3.5 × 10−4, x(C+) = 1.4 × 10−4, x(S+) = 1.6 × 10−7, x(e) = 1.4016 × 10−4 et x(grain0) = 2.7 × 10−12. Les autres abondances ´etant mises `a 0. Ces abondances ´el´ementaires sont celles utilis´ees par Lee et al. (1996). L’abondance des ´electrons est calcul´ee pour assurer la neutralit´e du gaz.

En utilisant notre liste de r´eactions r´eduite, nous sommes capables de reproduire les abon-dances de MC `a mieux qu’un facteur 2 sauf pour les mol´ecules C2H2 et C2H+2. Ceci s’explique par le fait que deux mol´ecules, C2H+4 et C3H3+, impliqu´ees dans la production de C2H2 et C2H+2

88 Chapitre 3. Mod´elisation de la chimie du soufre : NAHOON

ne sont pas incluses dans notre code car elles font partie d’un grand cycle des mol´ecules car-bon´ees plus complexes. Etant donn´e qu’elles ne sont pas cruciales pour la chimie du soufre et que leur absence n’influe pas les r´esultats des autres mol´ecules, nous avons d´ecid´e de ne pas les inclure. Je consid´ere donc que les r´esultats donn´es par NAHOON `a basse temp´erature sont en accord avec ceux obtenus avec MC validant ainsi son utilisation pour simuler les abondances mol´eculaires des esp`eces `a base de soufre et d’oxyg`ene dans les nuages mol´eculaires froids.

A haute temp´erature

Pour valider le mod`ele `a haute temp´erature, j’ai compar´e les r´esultats de mon mod`ele avec ceux de Charnley (1997) pour les mˆemes abondances initiales et les mˆemes conditions de haute temp´erature et densit´e. Les abondances calcul´ees par les deux mod`eles sont similaires `a un fac-teur trois pr`es sauf pour celle de la mol´ecule CS qui est d’un ordre de grandeur inf´erieure dans notre mod`ele. Grˆace `a la technique expliqu´ee dans la section 3.3, j’ai pu d´eterminer l’origine de cet ´ecart: le taux de la r´eaction CO + hν → O + C (r´eaction de dissociation par un photon secondaire hν induit par le rayonnement cosmique), qui est 50 fois plus petit dans notre base de donn´ees que dans celle de UMIST. Le carbone atomique ´etant un des pr´ecurseurs de CS, moins de carbone atomique implique moins de CS. En utilisant le taux de r´eaction de UMIST, l’abondance de CS calcul´ee par NAHOON est tr`es similaire `a celle calcul´ee par Charnley.

3.2.3 Caract´eristique du code num´erique

Le mod`ele NAHOON simule l’´evolution chimique d’un m´elange gazeux de N esp`eces chi-miques r´eagissant entre elles `a travers un r´eseau de r´eactions. A partir des concentrations ini-tiales de ces N constituants, et pour des conditions physiques fix´ees (temp´erature, densit´e), le mod`ele calcule les nouvelles abondances apr`es un temps d’´evolution t. Pour se faire, le code doit r´esoudre le syst`eme d’´equations diff´erentielles suivant :

dn(i) dt = X l X j Kljn(l)n(j) − n(i)X j Kijn(j) (22)

n(i) est la concentration de l’esp`ece i, ou densit´e (cm−3). Klj et Kij sont les constantes de vitesse pour les r´eactions entre les esp`eces l et j et les esp`eces i et j. L’expression du taux de production et de destruction (respectivement premier et second terme du membre de droite) est ici r´eduit au cas de r´eactions `a deux corps entre les constituants (il faudrait y ajouter des termes de photo-dissociation et -ionisation, d’´evaporation et adsorption, dont la formulation, comme nous l’avons vu, diff`ere l´eg`erement). A chaque pas de temps d’int´egration, la conservation de la mati`ere et de la charge est v´erifi´ee.

Le mod`ele contient au final 930 r´eactions impliquant 77 esp`eces incluant les ´el´ements H, He, C, O et S ainsi que les grains neutres, les grains charg´es n´egativement et les ´electrons. La liste des esp`eces et des r´eactions est donn´ee en Annexe E et F. En plus des 77 esp`eces gazeuses (X), les 31 esp`eces neutres qui sont pi´eg´ees sur les grains (JX) sont trait´ees comme des constituants `

a part enti`ere. Le code traite donc au total 108 compos´es et r´esout 108 ´equations diff´erentielles `

a chaque pas de temps.

Les ´equations diff´erentielles sont r´esolues par la m´ethode de Gear qui est une m´ethode implicite `a pas de temps variable. Cette m´ethode est souvent utilis´ee dans les mod`eles chimiques parce qu’elle permet de traiter des ´equations dont les composantes pr´esentent des variations brutales en fonction du temps (syst`emes rigides).

3.2.4 Les param`etres

Les param`etres que l’on peut faire varier sont au nombre de 5 et sont les suivants :

- Composition initiale du gaz : Les abondances initiales de toutes les esp`eces chimiques trait´ees doivent ˆetre fix´ees. Ce choix d´epend bien entendu du type de milieu mod´elis´e. Par exemple, pour calculer l’´evolution chimique des esp`eces dans un nuage mol´eculaire, les ´el´ements sont pris initialement sous la forme atomique pour O et He et sous la forme ionique pour le carbone et le soufre, comme on les observe dans les nuages diffus. Il en sera de mˆeme pour certaines r´egions de chocs dissociatifs. En revanche, dans les r´egions de chocs non dissociatifs et les cœurs chauds, il faut donner `a la fois les abondances des compos´es en phase gazeuse et celles des compos´es coll´es sur les grains (JX). Un des buts de notre ´etude est d’explorer l’influence de la composition initiale en compos´es soufr´es.

- La temp´erature et la densit´e du milieu : Deux des autres param`etres que l’on va faire varier sont la temp´erature et la densit´e afin de comprendre dans quelle mesure ils influencent la chimie du soufre. La chimie ne sera ´evidemment pas la mˆeme `a basse temp´erature, o`u les r´eactions neutre-neutre avec barri`ere d’activation seront inefficaces, et dans les r´egions chaudes o`u les processus ioniques ne se sont plus dominants. Ces param`etres vont ´egalement d´eterminer l’efficacit´e de la d´epl´etion des compos´es `a la surface des grains.

- Le taux de rayonnement cosmique : Le flux de rayonnement cosmique qui baigne les r´egions que nous voulons mod´eliser est un des param`etres les moins contraints. Des ´etudes d’enveloppes de proto´etoiles massives ont montr´e un taux d’ionisation par le rayonnement cosmique de (2.6 ± 1.8)×10−17 s−1(van der Tak et van Dishoeck, 2000). Dans les nuages diffus en revanche, McCall et al. (2003) ont trouv´e un fort taux de l’ordre de 1.2 × 10−15 s−1 sur la base de la grande abondance de H+3. Pour voir l’effet de ce param`etre, je le ferai varier entre 1.3 × 10−17 s−1, qui est la valeur de r´ef´erence, et 1.3 × 10−15 s−1.

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- Les param`etres des grains (rayon, densit´e et rapport densit´e sur gaz) : L`a encore nous nous sommes limit´es `a utiliser les caract´eristiques classiques des grains pr´esent´ees dans l’introduction : 0.1 µm pour le rayon, 3 g cm−3 pour la densit´e et 10−2 pour le rapport massique de la poussi`ere

sur le gaz. Ces param`etres de grain ne seront pas modifi´es dans la pr´esente ´etude.