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4 Incertitudes, erreurs et résidus

4.2 Influence du bruit de mesure

4.2.1 Origine du bruit de mesure

Le signal électrique délivré par un capteur est toujours perturbé par des signaux parasites que l’on désigne sous le terme de « bruit ». Des perturbations se superposent au signal à mesurer à toutes les étapes d’une chaine de mesure [22] : capteur, électronique, ligne de transmission. On peut distinguer deux types de perturbations : les fluctuations aléatoires et les dérives. Les deux se distinguent par leur temps caractéristique très différent.

Les fluctuations sont dites « aléatoires » étant donné leur caractère imprévisible. Ces fluc-tuations sont très rapides vis à vis de la période d’acquisition de la mesure et ont généralement

Modèle

d’etalonnage

Erreur sur les parametres supposes connus γ Erreur d’hypothèse

Estimateur

Estimations ˆ β experimental β (moindres-carrés, maximum de vraisemblance, maximum a posteriori, . . .)

Paramètres supposés connus γ

Observables Y

(signaux électriques, . . .)

(numérique ou analytique)

Dispositif

Sorties des capteurs

Méthode d’estimation (corrections, lois d’étalonnage,

Traitement des données opérations, . . .) mesure Bruit de du modèle Sorties Y (β) Erreurs numeriques Erreur

Figure 1.5Les sources d’incertitudes dans les problèmes inverses

leur origine dans la nature granulaire de la matière (et du rayonnement) et dans l’agitation thermique des particules. Ces fluctuations fixent une borne inférieure à la précision que l’on peut obtenir car elles ne sont pas du ressort de l’expérimentateur mais sont propres à la nature des choses.

Fluctuations provoquées par une physique non continue à l’échelle d’observation :

Toute grandeur physique (température, pression, luminance, etc. . .) n’est qu’une représenta-tion mathématique et n’existe pas en tant que telle dans la nature. Par exemple, la noreprésenta-tion de température n’existe pas toujours. Elle mesure l’agitation thermique (par nature « aléatoire ») d’un petit volume de fluide ou de matière. Lorsque ce volume devient trop petit, la tempéra-ture ne peut plus être définie. De même, la pression quantifie seulement la force exercée par les particules d’un fluide sur une paroi. Or le nombre de particules venant frapper cette paroi par unité de temps est lui aussi aléatoire. Ou encore, la luminance d’une surface est liée à la puissance radiative émise par un corps, c’est à dire le nombre de photons émis. Or ce nombre de photons émis est aléatoire (bruit photonique).

Perturbations dues à l’électronique de mesure :

La grandeur physique est également altérée le long de la chaine de mesure. Par exemple, tous les composants d’un circuit électronique sont des générateurs d’un bruit thermique. Il est causé par l’agitation thermique des électrons qui génère une petite tension électrique aléatoire.

De plus, le caractère isolant ou conducteur d’un matériau dépend du nombre d’électrons dans la bande de conduction, c’est à dire des électrons qui ne sont plus rattachés à un atome en particulier et qui sont donc libres de se déplacer. Or ce nombre d’électrons dans la bande de conduction est aléatoire. Du fait de l’agitation, certains électrons quittent la bande de conduc-tion pour rejoindre la bande de valence d’un atome pendant que d’autres font le chemin inverse.

Ainsi, tous les capteurs basés sur une variation de résistance ou de tension sont victimes du bruit thermique (par exemple les capteurs photoconductifs et photovoltaiques des caméras infrarouges). On peut cependant diminuer ce bruit dans des proportions considérables en di-minuant la température. Par exemple, dans de nombreux modèles de caméra infrarouge, les capteurs qui « comptent » les photons incidents sont refroidis à 77 K = −196, 15 °C.

On peut aussi citer le bruit électronique (le bruit des électrons), appelé aussi bruit quantique, bruit Schottky ou bruit de grenaille. Ce bruit est incompressible car lié à la nature quantifiée des charges électriques. Or comme pour les photons, l’intensité du courant électrique est variable puisque le nombre d’électrons qui traverse une paroi donnée n’est pas constant dans le temps.

Perturbations d’origine extérieure :

Les bruits cités précédemment sont internes au système de mesure. Mais des perturbations générées par l’environnement de la chaine de mesure existent également. On peut ainsi citer [23] : la variation de tension d’alimentation, l’interaction des champs électromagnétiques sur les composants et circuits non blindés, les effets électrostatiques. . .

Les fluctuations de température des composants jouent également un rôle important. Cette variation n’est pas seulement générée par la variation de température ambiante, mais aussi par l’échauffement des composants eux mêmes. En effet, tous les composants électriques résistifs dissipent de la chaleur par effet joule. Les composants chauffent et voient donc leurs propriétés changer avec des temps caractéristiques qui peuvent être très voisins de ceux d’une expérience. C’est pourquoi, il est fréquent de laisser « chauffer » les instruments de mesure avant de pou-voir les utiliser de façon à ce que la température des composants internes atteigne le régime permanent.

4.2.2 Influence du bruit de mesure

La liste, non exhaustive, des perturbations précédentes peuvent se modéliser par une erreur ei sur la mesure Y

i . Soit E [Yi] la valeur « exacte » de Y

i définie comme la moyenne de Yi réalisée sur un nombre infini de réalisations . La mesure Y

i s’exprime alors comme la somme de la sortie du modèle X ˙β (avec les paramètres exactes ˙β) et d’une perturbation :

Yi = E [Y

i ] + ei = X ˙β + ei (1.77)

Par nature, la perturbation ei est « aléatoire ». A défaut de pouvoir évaluer cette grandeur, on décrit le comportement « en moyenne » avec des lois de probabilité. On suppose habituelle-ment que ei suit une loi de probabilité « gaussienne ». Il y a plusieurs raisons à cela [16] :

Une raison physique : En vertu du théorème centrale limite [5, 16]24, la distribution gaus-sienne apparaît naturellement dans les phénomènes aléatoires et notamment lorsque l’on observe à l’échelle macroscopique un phénomène qui résulte de phénomènes microsco-piques comme par exemple l’agitation thermique des atomes ou des électrons.

Une raison pratique : L’utilisation des lois gaussiennes est particulièrement pratique pour

le développement des calculs, car toute transformation linéaire (et affine) de vecteur gaus-sien25est encore un vecteur gaussien.

Dans le cas d’un système linéaire, on a vu (Eq.1.74) que la solution ˆβ est explicite et l’expression est rappelée ici :

ˆ

β =hXT W X+ Qi−1



e+ XT W Y∗

Avec W1 = cov(Y|β) = cov(e) la matrice de variance-covariance du bruit de mesure, que l’on soit dans le cadre Bayesien ou non. La signification de Q−1 dépend du contexte. Dans le cadre Bayesien, il s’agit de la matrice de variance-covariance Q1 = cov( ˙β) associée à la densité de probabilité a priori p( ˙β). Dans le cadre non Bayesien, Q peut être associée à une méthode de régularisation (par exemple la régulation de type Tikhonov [3, 5, 14]).

L’effet du bruit de mesure sur la dispersion numérique de l’estimation ˆβ peut être calculé en utilisant la décomposition Eq.1.77 :

ˆ β = hXTW X+ Qi−1  e+ XT W(E [Y i ] + eY)  = hXT W X+ Qi−1  e+ XT W X ˙β  | {z } E[βˆ] +hXT W X+ Qi−1XT W eY | {z } eβ = Ehβˆi+ eβb (1.78)

24. Le théorème centrale limite, ou théorème de la loi gaussienne limite, dit approximativement que sous certaines conditions, la somme d’un grand nombre de processus aléatoires indépendants se comporte comme une loi normale. Autrement dit, à défaut d’information supplémentaire, supposer que des perturbations suivent une loi normale est l’hypothèse la plus raisonnable.

25. Toutes les composantes suivent la loi gaussienne. On dit aussi que le vecteur suit une loi multinormale ou « multivariate normal distribution » [5, p.264]

L’effet du bruit de mesure sur l’estimation est modélisé par eβb. Ce que l’on cherche à obtenir est bien sur Ehβˆimais cette valeur est inaccessible à cause de la présence du bruit eY. La seule chose que l’on peut faire est de regarder quelle est la dispersion de eβb pour avoir une idée de l’écart qu’il peut exister entre l’estimation ˆβ et son espérance26 Ehβˆi.

Puisque eY est un vecteur Gaussien, eβbl’est également. Un vecteur Gaussien se caractérise par sa moyenne et sa matrice de variance-covariance. Par hypothèse, E [eY] = 0, donc Eheβbi= 0. Comme Ehβˆi est déterministe, la matrice de variance-covariance cov( ˆβ) est égale à la variance de sa perturbation cov(eβb). En posant F = XTW X+ Q, on obtient ainsi :

cov(eβb) = F−1XT WEheYeTYiWT X F−1T

= F−1XT Wcov(eY)WT X F−1T (1.79)

Or, par définition, W = cov(Y|β)−1= cov(eY)−1, WT = W et F−1T = F−1, d’où finalement :

cov(eβb) =  XT W X+ Q −1 XT W X  XT W X+ Q −1 (1.80)