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et inflation des prises en charge

La T2A incite théoriquement chaque établissement à accroître son activité. La part des coûts fixes à l’hôpital est telle que toute prise en charge supplémentaire (marginale) améliore, en règle générale, la situation financière de l’établissement.

Cette incitation à produire conduit chaque établissement à tenter d’augmenter ses « parts de marché ». Cette attitude peut être à l’origine d’un élargissement global du marché, ce qui justifierait les craintes sur les effets inflationnistes de la T2A.

Dès lors que l’on s’intéresse à l’inflation des prises en charge induites par la T2A, il faut distinguer plusieurs phénomènes :

a) une inflation apparente du fait d’un meilleur codage des prises en charge.

Celle-ci peut être due à des progrès dans l’exhaustivité, ou à l’optimisation progressive de la classification des séjours (meilleur recensement des comorbidités par exemple). Ainsi, l’ATIH évaluait l’effet codage à 2,9 % pour mars-décembre 2009 (pour une augmentation totale d’activité de 3,7 % sur l’année 2009). Dès lors qu’il ne va pas jusqu’à la fraude, ce phénomène est bénéfique. S’il n’est pas correctement anticipé, il crée un problème financier ponctuel quant au respect de l’ONDAM ; mais d’une année sur l’autre, l’évolution des tarifs permet de compenser cet effet inflationniste qui devrait d’ailleurs s’atténuer avec le temps ;

b) une inflation des prises en charge pour répondre aux demandes et aux besoins. Dans le cadre du budget global, les hôpitaux n’avaient pas intérêt à augmenter leur activité. Ils étaient même conduits, en fin d’année, lorsqu’une prise en charge était très coûteuse (mise en place de certaines prothèses par exemple) à la refuser ou à la reporter. Avec la T2A et surtout avec le dispositif de la « liste en sus », les incitations sont inverses. Cette inflation, même si elle est problématique au plan financier à court terme, est positive dans la mesure où elle aboutit à diminuer les dénis de prise en charge et conduit à réduire les listes d’attente ;

c) une inflation résultant d’un comportement d’induction 107. Cette induction consisterait, sans que cela soit bénéfique pour le patient, à susciter des prises en charge, à fractionner des séjours 108 ou à pratiquer certains actes dans le but de faire classer la prise en charge dans un GHS mieux rémunéré.

En particulier, les médecins peuvent être tentés d’accepter des patients qui pourraient relever d’autres modes de prise en charge (ville, hôpital de jour, SSR…). Une circulaire dite « frontière » de 2010 109 liste bien les actes relevant des différents modes de prise en charge, mais le contrôle de sa mise en œuvre n’est pas aisé.

Seule la dernière forme d’inflation est réellement problématique dans la mesure où elle va à l’encontre des intérêts des patients et aboutit à un gaspillage des ressources de la collectivité et cela même si la régulation par les prix permet d’en annuler l’impact sur les comptes. Seule cette forme d’inflation (avec la fraude au codage) mérite de faire l’objet d’une vigilance du régulateur.

Avant d’inférer que l’incitation à produire dans le cadre de la T2A aboutit à cette forme d’inflation, il faut noter que :

− l’induction de la demande est plus complexe dans le cadre de l’hôpital qu’en médecine de ville : induire une hospitalisation est moins anodin pour le patient qu’induire une consultation. À cet égard, les actes classants qui conditionnent l’inscription dans tel ou tel GHS ont été choisis de telle manière qu’ils ne puissent pas être pratiqués sans risques, ce qui rend l’induction problématique au regard de la déontologie des praticiens ;

− dans les cliniques privées à but lucratif, l’incitation à « produire » s’exerçait avant la T2A. En effet, le mode de financement antérieur, basé sur des forfaits liés à l’activité, introduisait déjà un lien entre rémunération et activité ;

− dans les structures où les médecins sont salariés, ils n’ont pas d’intérêt direct à induire des prises en charge ou des actes, sauf si un intéressement significatif à l’activité était mis en place. La situation est différente dans les cliniques privées où l’intérêt des médecins payés à l’acte est davantage congruent avec celui des établissements. Toutefois, il ne s’y limite pas : les dépassements d’honoraires peuvent faire « perdre » des patients ou influer sur le choix des prestations de type « chambre seule » ; de plus, la rémunération de l’établissement, basée sur la T2A, est indépendante de celle des médecins, dont les actes sont rétribués sous forme d’honoraires basés sur la CCAM, ce qui induit une relative irresponsabilité des médecins en cas d’erreur de codage ;

− dans toutes les structures, la déontologie des médecins constitue un frein à l’induction ; ce frein étant d’autant plus fort que le médecin n’a pas d’intérêt direct à l’induction. Il est vrai toutefois que la nouvelle gouvernance et notamment la mise en place des pôles dotés de comptes de résultats vise à

107 L’induction de la demande désigne le fait qu’un patient peut être, à l’instigation du médecin, incité à des

« consommations » de soins qu’il n’aurait pas réalisées s’il avait disposé du même niveau d’information que le médecin. L’asymétrie d’information entre patient et médecin permet à ce dernier de faire prévaloir ses intérêts propres (accroître son activité).

108 À cet égard, les politiques d’incitation à la réduction des réadmissions conduites dans certains pays mériteraient certainement d’êtres expertisées. Voir notamment R. Berenson et al., « Medicare’s readmissions-reduction program.

A positive alternative » et K. Joynt, A. Jha, « Thirty-day readmission. Truth and consequences » ; N Eng. J Med 366 ; 15, 2012.

109 Instruction No DGOS/R/2010/201 du 15 juin 2010 relative aux conditions de facturation d’un groupe homogène de séjour (GHS) pour les prises en charge hospitalières de moins d’une journée ainsi que pour les prises en charge dans une unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD).

créer un lien plus fort entre les intérêts de l’établissement et ceux des équipes médicales. Il est dès lors possible que le médecin épouse plus étroitement les intérêts de la structure qui l’emploie ou qu’il puisse avoir, même avec un statut d’agent public, un intérêt direct à le faire. Ce peut être le cas d’un service dont la pérennité est menacée par sa sous-activité. Cependant, à l’heure actuelle, les contrats de pôles sont loin d’être systématiquement ciblés sur des objectifs d’activité, d’une part, et un mécanisme de financements croisés entre activités peut exister, d’autre part 110.

Il existe donc des limites fortes, variables selon les secteurs, aux effets d’induction que peut susciter la T2A. En outre, l’absence d’études qui permettraient de distinguer les différentes formes d’inflation liées à la T2A et donc d’établir si celle-ci s’est traduite par l’induction d’une demande non justifiée pénalise l’évaluation de l’application de la T2A. Mais au final, l’évolution du nombre de séjours ne permet pas de suspecter un effet inflationniste massif lié à la T2A.

Tableau 3 - Évolution du nombre de séjours (séjours sans nuitées, hospitalisation complète, séances)

2008/2007 2009/2008 2010/2009

Secteur ex-Dotation globale* 2,6 % 1,6 % 1,7 %

Secteur ex-Objectifs quantifié national** – 0,1 % 0,7 % 0,5 %

*Secteur ex-Dotation globale : établissements de santé publics et établissements de santé privés d’intérêt collectif.

** Secteur ex-Objectif quantifié national : établissements de santé privés.

Source : ATIH.

La progression plus importante des séjours dans le secteur public que dans le secteur privé peut être attribuée au fait que, dans le cadre de la T2A, les établissements publics sont désormais davantage incités à développer le recrutement de patients et à mieux répertorier et coder leur activité 111, à l’instar des établissements privés.

L’augmentation des séjours retracée dans le tableau précédent peut s’expliquer, sans faire l’hypothèse d’une demande induite importante, par l’accroissement et le vieillissement de la population, par des progrès résiduels dans l’exhaustivité du codage, par la diffusion de certaines interventions, par exemple la cataracte.

Et cela d’autant plus que la dynamique des séjours s’explique pour l’essentiel par le développement des séances et, en leur sein, des séances de chimiothérapie et de radiothérapie, activité dont on peut penser légitimement, du fait de leurs effets sur les patients, qu’elles ne font pas l’objet d’induction de la demande.

110 Rapport IGAS sur l’organisation en pôles, op. cit., cf. aussi la fiche « La contrainte financière est-elle bien répartie ? »

111 F. Évain, « Évolution des parts de marché dans le court séjour entre 2005 et 2009 », in Études et Résultats, no 785, novembre 2011.

Tableau 4 - Évolution du nombre de séjours par type d’hospitalisation en 2010

Secteur ex-Dotation globale Secteur ex-Objectif quantifié national

Séjours sans nuitées 1,0 % 2,9 %

Hospitalisation complète 0,5 % – 1,7 %

Séances 4,2 % – 0,3 %

Total 1,7 % 0,5 %

Source : ATIH.

L’effet structure traduit l’évolution de la lourdeur de l’activité prise en charge, une fois neutralisée l’inflation des actes due à l’évolution du nombre de séjour.

Tableau 5 - Évolution de l’activité due à l’effet structure à classification constante (hors effet changement de classification)

2008/2007 2009/2008 2010/2009 2011/2010

Secteur ex-Dotation globale 0,3 % 2,1 % 1,4 % 0,7 %

Secteur ex-Objectif quantifié national 1,6 % 1,9 % 0,8 % 0,6 %

Source : ATIH.

Là encore, cet effet structure, imputable en partie à l’optimisation du codage (notamment lors du passage à la version V11 de la tarification), ne semble pas traduire d’effet inflationniste massif.