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CHAPITRE 3 : LA MUCOVISCIDOSE

III. Pathologie respiratoire

III.2. Infections dans la mucoviscidose

La susceptibilité des patients CF aux infections respiratoires a été identifiée et décrite dès la description de cette maladie. Concernant les bactéries identifiées et à l’origine de ces infections respiratoires, il existe une cinétique particulière à cette pathologie. En effet, les infections respiratoires dans les premières années de vie sont dues essentiellement à Staphylococcus aureus et Haemophilus influenzae qui sont remplacés progressivement au

a)

b) c)

cours du temps par Pseudomonas aeruginosa (figure 13) (Gibson et al., 2003). Les raisons expliquant cette cinétique bactérienne particulière dans les voies respiratoires des patients CF ne sont pas complètement élucidées.

Figure 13 : Prévalence bactérienne en fonction de l’âge (d’après Gibson et al., 2003) Pourcentage de patients CF qui sont positifs pour les bactéries suivantes (tous âges confondus) : Pseudomonas aeruginosa (ligne rouge) 58,7%, Staphylococcus aureus (ligne verte) 48%, Haemophilus influenzae (ligne bleu fonçé) 15,9%, Stenotrophomonas maltophilia (ligne orange) 8,4%, Achromobacter xylosoxidans (ligne bleu clair) 4,4%, Burkholderia cepacia (ligne noire) 3,1%.

S. aureus, la première espèce bactérienne responsable d’infections respiratoires qui peut néanmoins entraîner des infections chez les sujets immunocompétents, appartient à la flore commensale tandis que les espèces bactériennes isolées au cours de l’évolution de la mucoviscidose (comme P. aeruginosa par exemple) sont des bactéries considérées comme des bactéries pathogènes opportunistes.

Avant les avancées obtenues en matière d’antibiothérapie et de nutrition, la mortalité des patients CF était due aux infections respiratoires à S. aureus et aux problèmes de nutrition.

Actuellement, l’espérance de vie a augmenté et la mortalité est principalement due aux infections respiratoires à P. aeruginosa. En effet, la stratégie consistant à utiliser une antibiothérapie agressive a permis le contrôle des infections respiratoires à S. aureus et H.

influenzae mais a abouti à la sélection de souches de P. aeruginosa initialement sensibles aux

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0 à 1 2 à 5 6 à 10 11 à 17 18 à 24 25 à 34 35 à 44 45 Age (années)

CF en devenant des variants mucoïdes par exemple. Cependant, S. aureus aurait un rôle dans l’infection de l’appareil respiratoire des patients CF par P. aeruginosa. Mashburn et al., ont montré par exemple que S. aureus est une source de fer pour la croissance de P. aeruginosa lors de co-cultures in vivo (Mashburn et al., 2005).

L’infection chronique à P. aeruginosa observée dans la mucoviscidose est liée à la croissance de cette bactérie au niveau du mucus. L’hypersecrétion de mucus entraîne une augmentation de son épaisseur, ce qui créer un gradient d’O2 qui va permettre la formation d’alginate par P.

aeruginosa. P. aeruginosa va alors croitre dans un environnement restreint en O2 et former des macrocolonies qui vont permettre une infection chronique (figure 14) (Worlitzsch et al., 2002).

Figure 14 : La diminution d’O2 dans le mucus favorise l’infection à P. aeruginosa dans la mucoviscidose (d’après Worlitzsch et al., 2002)

(a) Epithélium respiratoire normal (b) Perte excessive du liquide de surface (c) Hypersecrétion persistante de mucus (d) La bactérie pénètre dans une atmosphère hypoxique (e) P. aeruginosa s’adapte aux niches en hypoxie via la formation d’alginate et l’augmentation de la densité des macrocolonies (f) Les macrocolonies résistent aux défenses secondaires telle que l’afflux de neutrophiles qui favorise l’infection chronique.

Il a été proposé par Pier et al., que CFTR est un récepteur de différentes bactéries telle que P.

aeruginosa (Pier et al., 1996; Pier et al., 1997). En fait il a été montré que que les bactéries comme P. aeruginosa sont rarement endocytées in vitro et in vivo, dans les cellules épithéliales CF différenciées. Seules les cellules épithéliales CF dédifférenciées internalisent les bactéries comme P. aeruginosa. Plotkowski et al., ont montré que l’internalisation de P.

aeruginosa ne dépend pas de CFTR mais dépend en premier lieu de la polarité cellulaire et de l’intégrité des complexes jonctionnels (Plotkowski et al., 1999). L’hypothèse de Pier reste donc discutable. De plus, l’activité antimicrobienne des défensines de bas poids moléculaire étant inhibée par de fortes concentrations en sel, l’appareil respiratoire CF est un milieu propice à la prolifération bactérienne. Jarry et Cheung ont récemment montré que S. aureus, une fois internalisé dans les cellules épithéliales respiratoires CF, est localisé dans des vésicules ayant les caractéristiques des endosomes mais s’en échappe pour se retrouver dans le cytosol. Dans les cellules épithéliales respiratoires non-CF, S. aureus reste lié à l’endosome ce qui inhibe sa réplication et entraine sa destruction progressive par le contenu de l’endosome. Ces travaux suggèrent que la mutation ∆F508 de CFTR intervient dans l’incapacité des cellules épithéliales à contrôler la sortie de l’endosome et la dégradation de S.

aureus internalisé, ce qui permet une réplication bactérienne intracellulaire et les lésions tissulaires associées (Jarry et Cheung, 2006). De plus, Di et al., ont très récemment montré que les macrophages alvéolaire de souris Cftr-/- présentent une acidification des phagosomes moins importante que pour les souris Cftr+/+. Le milieu acide des phagosomes permet une activité optimale des enzymes de dégradation et permet la dégradation de la plupart des microorganismes. Pour les souris Cftr-/-, cette acidification est insuffisante pour la lyse des bactéries phagocytées et cet environnement peut même favoriser la croissance bactérienne, ce qui pourrait expliquer la diminution de l’activité bactéricide vis-à-vis de P. aeruginosa. Ces travaux montrent que CFTR participe directement au contrôle du pH des phagosomes après ingestion bactérienne (Di et al., 2006). Il reste à démontrer si ce défaut d’acidité des phagosomes liée à la mutation de CFTR est également observé dans les cellules épithéliales respiratoires après internalisation de S. aureus.

Même si P. aeruginosa est l’une des bactéries les plus étudiées dans la mucoviscidose, il existe de nombreuses autres espèces impliquées dans cette pathologie dont Burkholderia cepacia. B. cepacia est un complexe composé de neuf espèces au génome différent (Vandamme et al, 2002 ; Vandamme et al., 2003). Cette bactérie est connue comme étant un pathogène opportuniste dans la mucoviscidose, de plus cette bactérie est résistante à de nombreux antibiotiques et elle se transmet d’un patient à l’autre, ce qui contraint à un isolement des patients CF infectés par B. cepacia. La colonisation de l’appareil respiratoire des patients CF à lieu grâce à la capacité d’adhérence des bactéries qui est en partie due à leurs pili. B cepacia se lie en premier lieu aux mucines présentes dans le mucus puis adhère aux récepteurs des cellules épithéliales respiratoires. Saiman et al., ont montré qu’il existerait

surface des cellules épithéliales par les facteurs de virulence de P. aeruginosa qui exposerait les récepteurs aux adhésines bactériennes et faciliterait l’augmentation de l’adhérence de B cepacia (Saiman et al., 1990). B cepacia secrète de nombreux facteurs de virulences tels que des protéases, des lipases, des hémolysines et des exopolysaccharides. Cette bactérie sécrète également une protéinase de 34 kDa qui a des propriétés antigéniques similaires à l’élastase de P. aeruginosa qui a la capacité de cliver la gélatine et le collagène mais pas les immunoglobulines humaines (Mc Kevitt et al., 1989). La colonisation de l’appareil respiratoire des patients CF par B. cepacia accélère le déclin des fonctions respiratoires des patients CF non seulement à un stade avancé mais également à un stade précoce de la maladie (Govan et al., 1993).