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CHAPITRE 4 : STAPHYLOCOCCUS AUREUS

II. Les facteurs de virulence de S. aureus

II.2. Les facteurs de virulence solubles

Pratiquement toutes les souches de S. aureus sont capables de sécréter, au cours de la phase stationnaire de croissance, un groupe d’enzymes et d’exotoxines, comprenant quatre hémolysines (alpha, bêta, gamma et delta), des nucléases, des protéases, des lipases, une hyaluronidase et une collagénase (tableau 2). En plus de ces protéines, certaines souches produisent une ou plusieurs exotoxines qui ciblent spécifiquement les molécules d’adhésion cellulaires et le système immunitaire hôte.

Superantigènes Cytotoxines Enzymes

Entérotoxines A à E Hémolysines (α, β, δ et γ) Protéases

Toxine du syndrome de choc toxique (TSST-1)

Leukocidine de Panton-Valentine Nucléases

Toxines exfoliatives (ET A, B et D) Lipases

Hyaluronidase Collagénase Tableau 2 : Principales protéines secrétées par S. aureus

II.2.1. Toxines à activité membranaire

II.2.1.1. L’alpha-toxine

L’alpha-toxine est synthétisée par 80 à 90% des souches de S. aureus isolées chez l’Homme.

Elle est secrétée en fin de phase exponentielle de croissance (figure 18). C’est une protéine de 33 kDa constituée de 293 acides aminés ne contenant pas de cystéine. Elle contient de

nombreuses structures en feuillets β (65%) et sa forme native (monomérique) est parfaitement soluble dans l’eau. Elle a cependant tendance à s’agréger en solution pour former la même structure héptamérique en anneau que dans les bicouches lipidiques (Bhakdi et al., 1981).

L’alpha-toxine a la capacité de former des pores, ainsi, elle lyse les érythrocytes de lapin avec une sensibilité mille fois supérieure à celle des érythrocytes humains. Elle se lie aux érythrocytes de lapin par deux mécanismes différents. A faible concentration (< 50 nM) elle se lie exclusivement via une interaction de haute affinité avec un récepteur cellulaire encore non identifié. Il existe un phénomène de saturation de cette liaison. A des concentrations plus élevées (> 200 nM), l’alpha-toxine pénètre la bicouche lipidique de façon non spécifique.

Cette interaction non spécifique lui permet d’agir sur des cellules qui n’ont pas de récepteur à l’alpha-toxine.

La formation des pores transmembranaires est un phénomène indépendant de l’ATP. Ce sont les changements conformationnels des molécules de toxines (l’oligomérisation) qui vont fournir l’énergie nécessaire au déplacement latéral des lipides de la membrane. La formation des pores par l’alpha-toxine à été largement étudiée et il en ressort un modèle en quatre étapes (figure 20). La première étape est la sécrétion d’un monomère natif soluble dans l’eau. La seconde étape est la liaison des monomères à la membrane plasmique des cellules. La troisième étape est la formation d’un complexe qui est un oligomère naissant ou une sorte de pré-pore avec des liaisons fortes non-covalentes entre les toxines. Le domaine de formation des pores est alors prêt à pénétrer la membrane. La quatrième et dernière étape est la formation finale du pore avec pénétration des domaines de formation des pores dans la membrane.

Figure 20 : Modèle en quatre étapes de formation des pores par l’alpha-toxine (d’après Bhakdi et al., 1981)

Etape 1 : sécrétion d’un monomère. Etape 2 : liaison des monomères à la membrane plasmique des cellules. Etape 3 : formation d’un complexe (pré-pore) avec des liaisons fortes non-covalentes entre les toxines. Etape 4 : pénétration des domaines de formation des pores

Monomère d’alpha-toxine

Héptamère d’alpha-toxine

Domaine de formation des pores

Membrane plasmique 1

2 3 4

Une fois le pore formé, il a les mêmes propriétés que les protéines membranaires intégrales et reste irréversiblement lié à la membrane. Le diamètre des pores varie selon le modèle, il est de 1 à 1,5 nm dans les membranes lipidiques et les érythrocytes et de diamètre plus petit dans les cellules nuclées où il exerce alors une sélectivité pour les ions monovalents. Il existe donc un flux sélectif d’ions monovalents dans les cellules cible de l’alpha-toxine mais la petite taille de ces pores ne permet pas de flux rapide d’ions Ca2+. Les cellules ne subissent donc pas la toxicité directe de l’alpha-toxine via l’action de cet ion divalent mais subissent les conséquences d’une perturbation de l’homéostase Na+-K+ telle que la libération massive d’IL-1β par les monocytes (Walev et al., 1995) et l’apoptose des lymphocytes (Jonas et al., 1994).

II.2.1.2. La béta-toxine

L’hémolysine β ou toxine β est synthétisée chez 18% seulement des souches de S. aureus d’origine humaine. Elle est secrétée en fin de phase exponentielle de croissance comme la plupart des exoprotéines. C’est une protéine de 39 kDa constituée de 330 acides aminés. Son extrémité N terminale est clivée immédiatement après sa sécrétion.

Elle est hémolytique pour les érythrocytes de mouton et non pour les érythrocytes de lapin.

Cette protéine possède une activité phospholipase C qui nécessite la présence de Mg2+ et qui est spécifique de la sphingomyéline et de la lyso-phosphatidylcholine.

On ne connait pas réellement son rôle dans les pathologies humaines où elle détruit sélectivement les monocytes et aucun autre type cellulaire. La lyse des monocytes s’accompagne d’une libération d’IL-1β et de récepteurs solubles de l’IL-6 (Walev et al., 1996).

II.2.1.3. La gamma-toxine et la leucocidine de Panton-Valentine

L’hémolysine γ ou toxine γ est synthétisée chez 97% des souches de S. aureus alors que la leucocidine de Panton-Valentine (LPV) n’est synthétisée que chez 2% de ces souches.

La toxine γ et la LPV font partie de la famille de toxines synergo-hyménotropes (SHT). Ces toxines sont constituées de deux protéines non associées agissant en synergie et qui, séparées l’une de l’autre, n’ont qu’une faible activité biologique. Ces deux protéines sont connues sous les noms de composés S et F, pour Slow- et Fast-eluting proteins dans une colonne à échange d’ion. Leur mode d’action est leur fixation à la membrane des cellules cibles puis la formation

de canaux membranaires laissant passer des cations divalents. Ces cellules cibles sont les neutrophiles et macrophages ainsi que les érythrocytes pour la toxine γ.

Il existe quatre variants moléculaires de la toxine γ qui est hémolytique et leucotoxique in vitro. La LPV est leucotoxique et dermonécrotique mais non-hémolytique.

II.2.1.4. La delta-toxine

L’hémolysine δ ou toxine δ est un petit peptide d’environ 3 kDa, constitué de 26 acides aminés. Elle forme une hélice alpha avec un domaine hydrophobe d’un côté et un domaine hydrophile à son opposé. Elle est synthétisée par 97% des souches de S. aureus en phase stationnaire de croissance. Ce peptide est capable de lyser différentes cellules dont les érythrocytes ainsi que des structures subcellulaires telles que les organelles et les protoplastes mais son activité est inhibée par la présence de phospholipides. Sa tendance à former des agrégats ainsi que sa structure en hélice alpha, font qu’elle agit comme un détergent en perturbant la membrane cellulaire.

II.2.2. Les entérotoxines et TSST-1

Les entérotoxines staphylococciques (SE A à E) et la toxine du syndrome de choc toxique (TSST-1) sont aussi appelées toxines superantigènes pyrogènes (PTSAgs). Ces toxines ce regroupent du fait de leurs caractéristiques biologiques communes, c'est-à-dire leur activité superantigénique. Les protéines matures sont de petits polypeptides non glycosylés de 22 à 30 kDa qui possèdent jusqu'à 90% de similitude entre elles. Les super antigènes sont des molécules qui provoquent l’activation polyclonale des lymphocytes T Vβ. Ils se lient directement avec une grande affinité à l’antigène de classe II du complexe majeur d’histocompatibilité qui est fixé aux cellules présentatrices de l’antigène.

II.2.3. Autres facteurs de virulence

Parmi les autres facteurs de virulence décrits chez S. aureus, dont le rôle dans le pouvoir pathogène est important selon l’infection, on peut citer : les sidérophores, qui permettent à la bactérie de capter le fer et de le transporter dans la bactérie ; la coagulase, protéine extracellulaire qui se lie à la thrombine de l’hôte et forme le complexe staphylothrombine ; la

staphylokinase permettant la dissémination hématogène de S. aureus à partir de thrombophlébites locale.