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CHAPITRE 5 : RECEPTEURS DE L’EPITHELIUM RESPIRATOIRE

I. L’inflammation

I.1. Les cytokines

Les cytokines sont des protéines solubles de bas poids moléculaire qui sont produites en réponse à un stimulus et fonctionnent comme un messager chimique pour la régulation des systèmes immunitaires inné et adaptatif. Elles sont produites par toutes les cellules impliquées dans les immunités innée et adaptative. L’activation des cellules productrices de cytokines les conduit à synthétiser et sécréter leurs cytokines. Ces cytokines, en retour, sont capables de se lier à des récepteurs spécifiques présents sur d’autres cellules du système immunitaire et d’influencer leur activité. Leur action peut donc être auto-, para- ou endocrine.

Les propriétés des cytokines sont pléiotropes puisqu’une cytokine particulière peut agir sur différents types cellulaires. Elles sont redondantes puisque différentes cytokines peuvent conduire à l’activation d’une même fonction. Elles sont également multifonctionnelles puisqu’une même cytokine peut réguler différentes fonctions.

Certaines cytokines sont antagonistes puisqu’une cytokine peut stimuler une voie de signalisation particulière alors qu’une autre cytokine va inhiber cette voie. D’autres cytokines sont au contraire synergiques.

Les cytokines ont été classifiées sur la base de leur réponse biologique en cytokines pro- et anti-inflammatoires. Elles agissent en réseaux ou cascades. Il existe plus d’une cinquantaine de cytokines réparties en sous-familles : les interleukines (IL) qui assurent les échanges d’informations entre les cellules inflammatoires, les hormones de croissance qui contrôlent la formation et l’entretien du tissu conjonctif, les interférons (IFN) qui inhibent la réplication virale dans les cellules infectées, les facteurs de croissance hématopoïétique qui stimulent la production des cellules du système sanguin et les chimiokines qui participent aux phénomènes de migration des leucocytes. Cependant cette classification est imparfaite puisque certaines cytokines ont des actions qui les classent dans plusieurs familles.

Il existe également une classification des chimiokines qui distingue quatre groupes et qui est basée sur l’arrangement des résidus cystéine en N-terminal. La majorité des chimiokines appartiennent aux classes CC ou CXC pour lesquelles les deux cystéines en N-terminal sont respectivement adjacentes ou séparées par un seul acide aminé (Zlotnik et al., 2000). Les autres chimiokines appartiennent aux classes C et CX3C qui contiennent une seule cystéine en N-terminal et deux cystéines séparées par trois acides aminés respectivement (Bazan et al., 1997). Les chimiokines sont alors nommées CCL, CXCL, XCL et CX3CL (L pour ligand).

Fujisawa et al., ont étudié la régulation de ces chimiokines au niveau des cellules épithéliales respiratoires bronchiques. Ils ont montré que le TNF-α induit la production d’IL-8 par ces cellules, ce qui provoque le recrutement des neutrophiles. L’IL-4 et l’IL-13 activent la production d’éotaxine et diminue la production d’IL-8 ce qui entraine le recrutement d’éosinophiles. L’IFN-γ induit la production de RANTES ce qui entraine le recrutement des lymphocytes et monocytes (figure 25).

Figure 25: Régulation de la production des chimiokines par les cellules épithéliales respiratoires bronchiques (Fujisawa et al., 2000)

Le TNF-α induit la production d’IL-8 (triangles bleus) par des cellules épithéliales respiratoires bronchiques, ce qui entraine le recrutement des neutrophiles. L’IL-4 et l’IL-13 activent la production d’éotaxine (ronds rouges) et diminue la production d’IL-8 ce qui entraine le recrutement d’éosinophiles. L’IFN-γ induit la production de RANTES (carrés verts) ce qui entraine le recrutement des lymphocytes et monocytes.

Escotte et al., ont étudié l’interaction des cellules épithéliales respiratoires humaines cultivées en interface air-liquide avec S. aureus vivant sur une période d’interaction de 3h. Cette étude montre que pendant la phase précoce d’interaction entre S. aureus et les cellules épithéliales respiratoires, les sécrétions d’IL-8, RANTES, d’éotaxine et d’IP-10 sont augmentées. La sécrétion d’IL-8 en basolatéral et en apical de l’épithélium, est activement impliquée dans l’attraction chimiotactique des cellules T circulantes CD4+ et CD8+ vers le microenvironnement apical de l’épithélium. Le surnageant de culture des cellules épithéliales après interaction avec S. aureus augmente l’expression de CXCR1 (récepteur de l’IL-8) et CXCR3 (récepteur de l’IP-10) sur les cellules T CD4+ et CXCR1 et CCR3 (récepteur de l’éotaxine et RANTES) sur les cellules T CD8+, ce qui permet à ces cellules de migrer plus spécifiquement vers le site de l’inflammation (Escotte et al., 2006). Moreilhon et al., ont mis en évidence une forte augmentation de la réponse transcriptionnelle des cytokines 1α,

IL-1β, IL-8 et IL-6 lors de l’interaction des cellules épithéliales respiratoires avec les facteurs de virulence de S. aureus contrairement à une faible augmentation de la réponse lors de l’interaction de ces cellules avec les bactéries vivantes. Ces résultats ont été confirmés par l’observation de l’augmentation de la sécrétion d’IL-8 et d’IL-6 dans ces mêmes conditions (Moreilhon et al., 2005). Tirouvanziam et al ont observé un taux de sécrétion d’IL-8 huit fois supérieur dans les surnageants de xénogreffes CF comparés aux surnageants non-CF avant toute infection. Après interaction avec P. aeruginosa, les xénogreffes non-CF maintiennent leur organisation pseudostratifée alors que pour les xénogreffes CF, ils observent une exfoliation des cellules après 3h d’interaction qui s’intensifie après 6h d’interaction. Cette exfoliation est en accord avec l’observation d’une migration trans-épithéliale massive de leucocytes (Tirouvanziam et al., 2000). Becker et al., ont étudié la sécrétion d’IL-8 et d’IL-6 par les cellules épithéliales respiratoires primaires non-CF et CF cultivées en interface air-liquide. Ils ont montré que les sécrétions d’IL-8 et IL-6 ainsi que l’activation de NF-κB dans ces cellules activées ou non par l’IL-1β est identique pour les cellules non-CF et CF. Les taux de RANTES et IL-10 ne sont pas détectables. Ces résultats sont en apparente contradiction avec de nombreuses données de la littérature qui mettent en évidence un état pro-inflammatoire des cellules épithéliales CF à l’état basal (Kammouni et al., 1997 ; Tabary et al., 1998 ; Tirouvanziam et al., 2000 ; Escotte et al., 2002). Selon Becker et al., ces différences pourraient en partie être liées au fait que les études réalisées sur des lignées cellulaires immortalisées ne sont pas représentatives des conditions in vivo. Les cellules épithéliales respiratoires de surface en culture primaire cultivées en interface air-liquide sont selon ces auteurs parfaitement polarisées et différenciées et donc plus à même de représenter le comportement de l’épithélium CF natif. Bien que cette hypothèse soit plausible, il n’en reste pas moins vrai que dans le modèle de xénogreffe humanisée CF dans lequel l’épithélium de surface est pseudostratifié, il a été montré qu’en dehors de toute infection, il existe à l’état basal, une secrétion d’IL-8 significativement supérieure à celle observée dans les xénogreffes non-CF (Escotte et al., 2002 ; Tirouvanziam et al., 2000). De plus, comme le souligne Becker et al., il n’est pas exclu que les tissus donneurs non-CF incluent des patients présentant une inflammation bronchique. La stimulation des cellules épithéliales respiratoires primaires non-CF et non-CF cultivées en interface air-liquide avec le TNF-α ou un agoniste synthétique de TLR2 ou des doses variables (à un temps variable) de facteurs de virulence de S. aureus ou de P.

aeruginosa, montre une augmentation de la sécrétion d’IL-8 par rapport aux conditions contrôles. Cette augmentation est identique pour les cellules non-CF et CF et fonction du

temps (une interaction de 48h entraine une sécrétion plus importante que pour une interaction de 24h, elle même plus importante que pour une interaction de 8h) (Becker et al., 2004).

I.1.1. Les fonctions des cytokines

Les cytokines sont des médiateurs de l’inflammation précoce via le recrutement de leucocytes et l’induction de mouvements cellulaires et de réparations tissulaires. Elles sont impliquées dans l’initiation de la réponse inflammatoire, notamment les cytokines IL-1α, IL-1β et TNF-α.

Ces cytokines initient l’activation de la cascade de cytokines durant la phase précoce de la réponse inflammatoire. IL-1β et TNF-α ont également un rôle important dans l’induction précoce de molécules d’adhésion sur les leucocytes et les cellules endothéliales, ce qui va permettre aux leucocytes de se localiser au site de l’inflammation.

Le maintien de l’inflammation se fait grâce au recrutement des leucocytes par chimiotactisme.

Les cellules inflammatoires sont capables de reconnaitre des signaux chimiotactiques et donc de se diriger vers le site de l’inflammation.

La phase finale de l’inflammation est caractérisée par la réparation des tissus et l’expression de facteurs de croissance et angiogéniques utiles à la restauration des tissus. Les cytokines ont des effets majeurs sur les cellules endothéliales et les fibroblastes, notamment TGF, FGF et les chimiokines CXC. Ces cytokines peuvent induire la prolifération de cellules endothéliales et fibroblastiques, entrainant l’angiogénèse et la production de matrice, avec la restauration de la structure et de la fonctionnalité tissulaire (figure 26) (Zhang et al., 2000).

Figure 26 : Les réponses cellulaires aux cytokines (Zhang et al., 2000)

Les pathogènes induisent la sécrétion de différentes cytokines et chimiokines qui vont permettre à terme de restaurer la structure et la fonctionnalité tissulaire.

I.1.2. Les récepteurs des cytokines

Comme pour la plupart des ligands biologiques, l’effet des cytokines est médié par des récepteurs situés à la surface des cellules. Ces récepteurs se divisent en plusieurs familles : la superfamille des immunoglobulines, les récepteurs aux tyrosines/kinases, les récepteurs de classe I, les récepteurs de classe II, les récepteurs protéines sérine/thréonine kinase (TGFβ), les récepteurs de la famille TNF, les récepteurs couplés aux protéines G et les récepteurs solubles. Ils sont constitués de deux sous-unités, l’une se liant à la cytokine et l’autre assurant la transduction du signal. Il existe une forte spécificité des cytokines pour leurs récepteurs. La redondance des actions des cytokines est due au fait que les récepteurs des cytokines ont une sous-unité commune à toutes les familles.

Les récepteurs faisant partie de la superfamille des Récepteurs Couplés aux Protéines G (GPCR) sont composés de 350 acides aminés avec un motif composé de sept régions hydrophobes qui forment des hélices transmembranaires et la région N-terminale est extracellulaire et la région C-terminale est intracellulaire. Il existe vingt récepteurs de chimiokines répartis en dix CCRs, huit CXCRs, un XCR1 et un CX3CR (Murphy et al.,

2000). Les chimiokines se lient à leurs récepteurs avec une affinité nanomolaire et cette liaison est généralement spécifique d’une classe. Ainsi, les CCL n’activent que les CCR par exemple. Un même récepteur pouvant lier différentes chimiokines, il existe une compétition entre ces dernières. Les récepteurs exprimés par un même type cellulaire peuvent être subdivisés en deux groupes : les récepteurs exprimés de façon constitutive et ceux dont la production est induite par des conditions d’inflammation. Escotte et al., ont montré que l’interaction des cellules épithéliales respiratoires avec S. aureus provoque l’augmentation des récepteurs CXCR1 (récepteur de l’IL-8), CXCR3 (récepteur de l’IP-10) et CCR3 (récepteur de RANTES et éotaxine) au niveau des lymphocytes (Escotte et al., 2006).