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Les indivisibilités dans les investissements de réseau Les indivisibilités constituent le premier facteur de non-convexité dans

Conclusion du troisième chapitre

CHAPITRE 4 LE COÛT MARGINAL DE TRANSPORT EN PRATIQUE

4.1. Les indivisibilités dans les investissements de réseau Les indivisibilités constituent le premier facteur de non-convexité dans

le transport d'électricité. On pourrait objecter que les indivisibilités sont un phénomène général, et pour s'en tenir au secteur électrique observer que la

décision de construction d'une 'tranche' nucléaire constitue une indivisibilité importante. Si cependant cette question est généralement négligée en économie de la production et ne semble pas pouvoir l'être en économie du transport, c'est essentiellement semble-t-il le fait du caractère local des investissements de réseau. Une liaison électrique entre deux noeuds contient rarement davantage de quelques unités de capacité, de sorte que l'ajout d'une unité constitue un saut. Par contraste, un investissement de production est une décision affectant le système globalement. Dans le cas de grands systèmes, cette décision a un caractère plus 'continu'.

Mieux que par une analyse nécessairement complexe, nous mettrons en évidence par un exemple le type d'inefficacités que ces indivisibilités peuvent engendrer, et nous proposerons un critère permettant d'en évaluer l'importance pratique.

Nous nous appuierons pour ce faire sur un modèle élémentaire, dans lequel la géographie du réseau est réduite à deux noeuds. Plus précisément, nous considérons entre deux noeuds A et B une liaison formée d'une ligne et susceptible d'être renforcée d'une seconde ligne identique (voir figure 4.1.1.). Sur cette liaison, on transporte une quantité q de A vers B. Le coût annuel de transport de q s'écrit, lorsque la liaison est composée d'une seule ligne :

Cl(q) = f0 + vq2

et, lorsque la liaison est composée de deux lignes :

fo représente l'annuité d'investissement pour une ligne et vq2 le coût annuel

des pertes (le volume des pertes croît comme le carré de la puissance transportée).

D'après la forme des fonctions de coût, les coûts marginaux de court terme sont donnés par :

cm = 2vq lorsque la liaison comporte une seule ligne

cm = vq lorsque la liaison comporte deux lignes

On représente ces coûts marginaux sur la figure 4.1.3. On indique sur la même figure la disposition marginale à payer le transport, notée dm-

ql qo q2 transit

Figure 4.1.3. Coût marginal de transport sur une liaison à une ou deux lignes et disposition marginale à payer

Dans le cas particulier représenté sur la figure, on voit qu'il existe deux équilibres offre-demande de transit, équilibres a priori optima puisque ils sont caractérisés par l'égalité entre coût économique marginal et disposition marginale à payer. ( q l , p l ) caractérise l'équilibre lorsqu'une seule ligne de transport est en service ; le coût marginal plus élevé conduit à une demande ql inférieure à qo, seuil économique de mise en service d ' u n e seconde ligne1 0 0. L'équilibre (q2,p2) suppose une liaison double ; le coût marginal de

transport est réduit et la demande à l'équilibre peut s'établir au niveau q2 supérieur au seuil économique de renforcement. Comme nous allons le voir ci-après, cette propriété est le signe de l'existence d'un domaine d'inefficacité. Ces deux équilibres ne sont en effet pas équivalents du point de vue de la valeur de la production (mesurée par le surplus social).

compatible avec la minimisation des coûts»103. Dans ce cas-ci, le critère d'efficacité de la production104 (ou de maximisation du surplus social)

impose un investissement anticipé par rapport au critère de minimisation des coûts. Alternativement on peut considérer que c'est la tarification au coût marginal qui est la source de l'inefficacité : la règle d'Allais est prise en défaut105.

4.1.3. Nature et mesure de l'inefficacité engendrée

On a là un cas particulier d'une propriété générale. En présence de non- convexités, il ne faut pas seulement astreindre le(s) producteur(s) à vendre au coût marginal, mais également spécifier la quantité à produire (ou dans le cas qui nous occupe ici le niveau d'investissement)106. A défaut de cette

disposition, la compagnie sera incitée à investir à un niveau de demande ne correspondant pas au niveau socialement optimal.

La formule (4.1.10.) fournit par ailleurs un critère d'évaluation de l'importance pratique de l'inefficacité que nous venons de mettre en évidence. On voit en effet que l'écart relatif entre a* et ao (donc l'inefficacité) est d'autant plus faible que vp est petit devant 1. En particulier, lorsque

4.1.4. La portée pratique du modèle

Confrontons nos hypothèses de modélisation à l'observation de la réalité. La principale objection qui peut être faite au modèle (élémentaire) ci- dessus est qu'il ne rend pas compte d'une autre forme importante d'indivisibilité. Dans un réseau maillé, en effet, les investissements de réseau ne consistent pas exclusivement en des renforcements de liaisons existantes.

33 Jean-Jacques Laffont, Fondements de l'économie publique, Vol. 1 du Cours de théorie microéconomique (Paris: Economica, 1988), p. 74.

^4 L'expression est ambiguë, car il s'agit ici de la production du service de transport.

55 Cette règle, rappelons-le, stipule que les entreprises réglementées des secteurs à rendements croissants doivent produire la quantité socialement optimale d'outputs, minimiser ses coûts et vendre au coût marginal. On sait qu'en pratique elle connaît des adaptations. On a rappelé plus haut les raisons conduisant à préférer au principe de vente au coût marginal une règle de vente au coût moyen (le plus efficace possible). De même, la quantité d'output socialement optimale n'est pas déterminée par un quelconque 'bureau central de planification', mais on considère pragmatiquement qu'une approximation satisfaisante de cette quantité est donnée par la demande qui se manifeste pour les prix optimaux.

De nouvelles liaisons (de nouveaux 'couloirs', en termes d'électriciens) peuvent être constituées. Ce n'est alors plus seulement la capacité du réseau qui est modifiée, mais sa topologie. Naturellement notre modèle à géographie rudimentaire (deux noeuds) ne peut rendre compte d'un tel phénomène. Or l'indivisibilité en cause dans la création d'une nouvelle liaison paraît être de nature particulière : en termes imagés le passage de 0 à 1 de la capacité entre deux noeuds est une rupture encore plus forte que le passage de 1 à 2 ou de 2 à 3.

Ces 'effets de réseau'1 0 7 sont peut-être importants ; à long terme

notamment, on peut penser que la structure d'un réseau électrique d'interconnexion est différente selon que son développement est régi par une logique de profit (à préciser) ou par une logique d'optimalité sociale. Cette question difficile ne pourra être résolue qu'en observant l'évolution sur la longue durée des réseaux électriques ouverts. Surtout, il est opportun de souligner la relative rigidité d'un réseau électrique à très haute tension, par comparaison par exemple à un réseau de télécommunications (qui peut être hertzien ou souterrain). Pour des raisons d'opposition locale, l'ouverture de nouveaux couloirs est une opération difficile.