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Conclusion du troisième chapitre

CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE

D est utile à ce point de notre étude de résumer les principales étapes du chemin parcouru et de dessiner les voies que nous nous apprêtons à explorer. Nous sommes partis d'une loi bien connue : dans le cadre du modèle théorique de base le coût marginal de court terme constitue la référence en matière d'efficacité tarifaire. Nous avons consacré cette deuxième partie à l'analyse des obstacles opposés par la réalité à la vérification de cette loi : externalités, non-convexités et coûts de transaction.

L'existence de fortes externalités, résultant des lois physiques de l'électricité (lois de Kirchhoff), est la première raison invoquée pour annoncer l'échec de la règle de vente au coût marginal. L'argumentation est théoriquement soutenable. Qu'en est-il en pratique ? Nous montrons sur la base d'exemples simples que les coûts marginaux de court terme (tels que les formalise la théorie des prix spot) internalisent les interactions générées par la seconde loi de Kirchhoff (sections 3.1 et 3.2).

Ce résultat suppose cependant qu'une coordination économique d'ensemble est réalisé par une instance centrale. L'analyse des services de transport 'de zone à zone' (i.e. des services de transport comportant plusieurs noeuds de départ et/ou d'arrivée) montre en particulier que la compagnie transporteuse ne peut réellement établir le coût marginal de tels services que si elle dispose a priori d'informations de nature globale sur le système (y compris sur les décisions qui seront prises par les zones émettrice et/ou réceptrice) à la marge de l'optimum (point 3.1.4). Ceci constitue une hypothèse informationnelle forte et suppose notamment que les différents agents économiques ont des intérêts communs (ou, de façon équivalente, que chacun recherche l'intérêt collectif). Les évolutions réglementaires décrites dans la première partie font percevoir l'audace d'une telle hypothèse.

Certains auteurs choisissent pourtant de ne retenir des coûts marginaux de court terme de transport que leur propension (qui n'est vérifiée qu'en principe) à "résumer la totalité de l'information relative aux interactions au sein du réseau". Ils soutiennent que cela rend possible une plus grande décentralisation des décisions économiques au sein des systèmes électriques. Le point d'aboutissement de cette évolution, parfois explicitement formulé,

est une régulation essentiellement marchande170 des systèmes électriques

(section 3.3).

Cette proposition ne se heurte pas seulement aux contraintes informationnelles relevées plus haut, mais également à d'autres limitations de l'efficacité tarifaire des coûts marginaux de court terme. Ce sont d'abord différentes formes de non-convexités dans les coûts de réseau (sections 4.1 à 4.3) qui renforcent la nécessité d'une instance centrale pour l'optimisation des décisions de long terme (investissements) et pour l'élaboration des signaux tarifaires de court terme (qui peuvent s'écarter des coûts marginaux de court terme de production du service).

La prise en compte de ces obstacles à la tarification au coût marginal de court terme nous a conduit à proposer une règle pratique conciliant efficacité et équité économiques (section 4.4).

C'est ensuite l'extrême complexité du message tarifaire véhiculé par les coûts marginaux de court terme, a fortiori s'il s'agit de coûts contingents (modifiés par exemple à une fréquence horaire en fonction des conditions d'exploitation observées). Il s'agit de s'assurer que les coûts de mise en oeuvre d'un tel signal tarifaire n'excèdent pas les gains d'efficacité qu'il permet. Nos premières analyses (section 4.5) conduisent à des conclusions mitigées ; elles devront être prolongées par des études de type économétrique.

Sur ce dernier point, les considérations de coûts de transaction sont essentielles. Mais à un niveau plus général, les coûts de transaction sont au coeur de la réponse aux deux questions fondamentales suivantes : quel degré de décentralisation des décisions peut efficacement être recherché ? dans quelle mesure le prix du transport doit-il en refléter le coût (marginal) ? L'on sait malheureusement que les coûts de transaction, coûts indirects d"utilisation du mécanisme des prix', sont très difficiles à évaluer. Le raisonnement pragmatique, autant que l'analyse formelle, doit guider la décision réglementaire.

Etude du cadre réglementaire

Ayant traité des questions d'efficacité tarifaire, nous n'avons parcouru qu'une partie du chemin qui doit nous mener au terme de notre étude. Divers éléments, dont on mesurera progressivement l'importance, viennent

'° Nous nommons 'régulation marchande' celle qui résulte des seuls mécanismes de la concurrence.

en effet singulièrement compliquer notre cadre d'analyse. D'abord le marché de la consommation d'élèetricité a été considéré jusqu'ici comme homogène, et caractérisé par une fonction de demade agrégée. Il est en fait profondément hétérogène. En particulier certains consommateurs disposent d'un pouvoir de marché 171. Les dysfonctionnements induits par cette hétérogénéité sont

renforcés par le comportement stratégique de la compagnie de réseau. En position de monopole, celle-ci ne cherche pas (ou pas nécessairement) à maximiser le bien-être collectif. Enfin, comme nous l'avons soutenu dans la première partie de notre étude, les buts poursuivis par le régulateur ne se limitent pas à l'efficacité tarifaire (ou même à l'efficacité productive). Il prend notamment en compte des obligations de service public, dont il chargera le plus souvent la compagnie de réseau.

Ces différents éléments ont en commun qu'ils sortent du cadre strict de l'efficacité tarifaire pour soulever des questions de réglementation. C'est à ces questions que nous nous consacrerons désormais.

1 7 1 Au sens strict, le pouvoir de marché est le pouvoir d'influer sur les prix du marché. Le principe théorique d'équilibre général suppose l'absence totale de pouvoir de marché.

PARTIE C.

LA RÉGLEMENTATION DE