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Partie I: Contexte des connaissances et Cadre conceptuel

Chapitre 6 : Repérage et quantification du niveau socio-économique dans le domaine de la santé

6.1 Indicateurs au niveau individuel

Chez le nouveau-né et l'enfant

Les indicateurs qui revenaient le plus souvent pour estimer le niveau socio-économique en période périnatale étaient le niveau d'étude de la mère, la catégorie socioprofessionnelle et le revenu, mais cette dernière information reste peu disponible en France, alors qu'elle est largement exploitée dans les autres pays européens ou au Canada. Les caractéristiques socio-économiques qui peuvent affecter l'issue de la grossesse sont celles de la femme, mais aussi celle du couple. Tandis que le fait de retenir seulement la profession de la femme ne permet pas de classer la forte proportion de femmes sans activité professionnelle, retenir celle du conjoint ou du compagnon ne permet pas non plus de tenir compte de celles qui vivent seules. La solution la plus utilisée jusque-là consistait à définir la catégorie socioprofessionnelle du couple établie par le niveau le plus élevé dans le couple (ou la profession de la femme pour celles vivant seules).

Prenons le cas de la récente revus de la littérature de Pillas et ces collaborateurs [93] qui avait pour objectif de faire la synthèse de tous les articles mettant en évidence l'effet du niveau socio- économique mesuré (au niveau du foyer avec catégorie socioprofessionnelle, niveau d'étude la mère...) ou mesuré au niveau de la zone de résidence) sur la santé et le développement précoce de l'enfant (jusqu'à l'âge de 9 ans). Les articles devaient être publiés ces 10 dernières années (2002- 2012) dans des revues internationales, avec des résultats produits à partir de données européennes. Cette étude a inclus 201 études provenant de 32 pays. Alors qu'un nombre restreint de pays couvre à lui seul près de 70% de la production scientifique, le Royaume-Uni (Grande Bretagne) semble se détacher avec 29% des articles, les Pays-Bas et la Suède comptent chacun pour 9,5% des articles, et le Danemark l'Allemagne et la Norvège compte respectivement pour 7,5%, 6,3% et 6,0%. Cette étude révèle aussi que sur les 187 études, parmi les 201 sélectionnées qui utilisent un indicateur socio- économique pour caractériser le foyer, 76 utilisaient le niveau d'étude de la mère (soit 41%). Il s'agit de l'indicateur socio-économique le plus fréquemment utilisé devant la catégorie socioprofessionnelle qui représente 20% des études avec un indicateur socio-économique pour caractériser le foyer. Entre-temps, le repérage de la situation socio-économique dans le domaine de

la santé périnatale ou de l'enfant s'est modifié. Cette modification tient compte de l'évolution des sociétés et des schémas familiaux.

Actuellement, les missions en santé de l'enfant encouragent à prendre en compte indépendamment des caractéristiques maternelles, les caractéristiques paternelles tels leur nationalité, leur situation face à l'emploi, leur niveau étude [94-96]. Parfois, dans la construction des modèles statistiques, l'impact des indicateurs individuels était étudié indépendamment l'un de l'autre [82]. Bien que cette méthode permette une meilleure compréhension et exploration des mécanismes à travers lesquels chacun peut agir sur la santé, il a pour principale limite de ne pas appréhender l'ensemble du concept de précarité le socio-économique individuelle selon la définition apportée dans la section 7.1 plus loin. . Bien que les indicateurs socio-économiques à l'échelle individuelle semblent les mieux indiqués, à la fois pour l'étude des mécanismes sous-jacents par lesquels ils opèrent et pour rendre compte de l'exposition individuelle à la précarité socio-économique, il s’agit malheureusement de variables difficiles à récupérer en routine.

Des scores d'exposition individuelle à la précarité socio-économique n'ont pas été retrouvés, mais de récentes tentatives de création d'un score individuel adversité émergent [97, 98]. Ces scores sont un ensemble d'événements ou de conditions psycho-sociales graves. Dans le cas de la première étude, 8 facteurs de risques mesurés à 2, 3, 5 et 7 ans de la même façon facilitant la création de 4 indicateurs identiques à ces 4 âges-clés du développement, étaient les suivants: psychopathologie maternelle/famille monoparentale /problèmes d'un des parents avec la justice/l'enfant a séjourné en famille d'accueil ou la famille vit dans un foyer/blessure ou négligence physique/enfant victime d'abus sexuels/difficultés financières pour se nourrir s'habiller, se loger/l'évaluation par la mère des conditions de vie dans son quartier. Ces événements étaient recueillis auprès de la mère par des questionnaires adressés par voie postale. Chaque événement était dichotomisé où l'absence de l'événement valait 0 et sa présence valait 1. Pour tester l'effet de l'accumulation d'événements graves, un score global qui faisait la moyenne des 4 scores obtenus sur l'ensemble de la période était créé. Puis, à chaque âge, le score était dichotomisé et prenait la valeur 1 s'il y avait plus de 2 événements et était considéré comme une période avec un haut niveau d'événements graves. Le nombre de périodes avec ce haut niveau cumulé d'événements était comptabilisé et servait pour évaluation de l'aspect de la chronicité de ces événements. Avec ce score, Slopen et ses collaborateurs ont montré que l'accumulation d'adversité et sa chronicité étaient associées à un BMI élevé à 7 ans, à l'hyperactivité ou troubles du comportement, et à des troubles émotionnels ou de socialisation. Ces derniers étaient évalués à l'aide du Strengths & Difficulties Questionnaires (SDQ). Par contre, Kelly- Irving et ses collaborateurs ont une méthodologie quelque peu différente. Le score tenait compte de

6 événements graves recueillis, toujours dans cette approche de life course à 7, 11 et 16 ans et étaient les suivants: l'enfant a séjourné en famille d'accueil/ négligence physique/avoir un parent en prison/être séparé d'un parent pour divorce ou séparation ou décès d'un des parents/ pathologie mentale d'un membre de la famille/abus d'alcool d'un membre de la famille. Ils ont créé un score qui prenait 3 modalités : pas d'adversité/une adversité durant la période/2 adversités et plus. Ils ont montré avec la mesure prospective de l'adversité, que le risque de mort prématurée, augmentait respectivement de 60%, 80% chez la femme, quand celle-ci était exposée à une ou à au moins deux adversités durant cette période et augmentait de 80% pour les hommes exposés à au moins 2 adversités durant l'enfance [98]. Par ces résultats, on voit à quel point le niveau socio-économique ou plutôt le contexte psycho-social dans les premières années de vie peuvent impacter la santé à plus long terme.

Chez les adolescents

Dans le cas de l'adolescent, la principale différence porte sur la modalité du recueil de l'information à caractère socio-économique. En effet, le recueil de la mesure socio-économique est le plus souvent réalisé directement auprès de l'adolescent lui-même, mais reste pour une partie approximée de façon individuelle par le statut socio-économique de ses parents (ou le plus élevé des deux). La difficulté qui semble se rajouter, c'est le choix des variables individuelles qui peut varier selon l'objet de l'étude. Par exemple, certaines études en majorité américaines préfèrent le niveau d'études de la mère aux revenus et à la composition du foyer, et d'autres recommandent pour des études qui portent sur le développement des enfants de recueillir au moins la situation professionnelle des parents, le niveau d’éducation et les revenus ; pour ainsi avoir la vision matérielle et subjective de son niveau socio-économique. Le Familly Affluence Scales (FAS) est un indicateur proposé par les membres de HBSC (Health Behaviour in School-Aged Children) [99, 100] qui souhaite appréhender la richesse effective et la richesse perçue. Le FAS, est un indicateur constitué de quatre items pour mesurer la richesse effective, qui porte sur la possession d'une voiture, le nombre de personnes par chambre, les vacances familiales et avoir un ordinateur, et dont le score global est catégorisé en niveaux bas, intermédiaire et élevé. L’enquête HBSC fournit aussi un indicateur de richesse perçue, mesurée en demandant directement à l'adolescent "Dans qu'elle mesure penses-tu que ta famille est financièrement à l'aise ? Avec les réponses "Très ou plutôt à l'aise"/ Moyennement à l'aise/ très peu ou pas du tout à l'aise."

Ces indicateurs mis à jour, puisqu'avant la possession de téléphone portable était demandée à la place de la possession de l'ordinateur portable, se sont montrés prédictifs d'événements sanitaires chez l'adolescent. Pour terminer, dans le cas particulier de l'adolescent, il est aussi important de prendre en compte son parcours scolaire, puisque des études ont montré qu’un redoublement pouvait être un facteur de risque pour l'entrée dans des conduites à risque comme l'usage de tabac , alcool et drogues et ce de façon indépendante au SES des parents [101].