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L’analyse de la pauvreté en conditions de vie doit être complétée par une approche monétaire de la pauvreté. Une personne est considérée comme pauvre sur le plan monétaire lorsqu’elle vit dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté, défini conventionnellement à 60 % du niveau médian de la population française81. Le niveau de vie médian est tel que la moitié de la population a un niveau de vie inférieur et l’autre moitié, un niveau de vie supérieur. En 2015, selon l’INSEE, ce niveau de vie médian s’élevait à 20  300 euros par an pour une personne seule, soit 1 692 euros mensuels et le seuil de pauvreté atteignait 1 015 euros mensuels. Cette même année, l’Insee dénombrait 8,9 millions de pauvres monétaires en France, soit une hausse de 115 000 personnes par rapport à 2012.

80 Avis du CESE, sur le « Revenu minimum social garanti », Marie–Aleth Grard et Martine Vignau, mai 2017.

81 La France privilégie également ce seuil, mais publie des taux de pauvreté selon d’autres seuils (40 %, 50 % ou 70 %), conformément aux recommandations du rapport du CNIS sur la mesure des inégalités.

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Graphique 16 : Taux de pauvreté en conditions de vie et taux de pauvreté

monétaire (en % de la population totale)

10,0 10,5 11,0 11,5 12,0 12,5 13,0 13,5 14,0 14,5 15,0

2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016

Pauvreté en conditions de vie

Pauvreté monétaire

Source : Eurostat.

Après une progression significative entre 2004 et 2011, le taux de pauvreté monétaire tend à se stabiliser et selon des estimations provisoires de l’INSEE, reflue même légèrement de 14,2  % en 2015 à 13,9  % en 2016. Ce repli serait principalement lié à la réforme des prestations et prélèvements en faveur des ménages les plus modestes, via principalement la prime d’activité qui s’est substituée en 2016 à la prime pour l’emploi et au volet « activité » du revenu de solidarité active (RSA). En effet, la prime d’activité aurait réduit de 0,4 % le taux de pauvreté car son taux de recours est de près de 70 %, contre 30 % pour le RSA82. Elle cible davantage les personnes modestes, notamment les actives et les actifs de familles monoparentales et les jeunes de 18 à 24 ans, qui n’étaient pas concernés par le RSA activité83. Les prestations sociales (prestations familiales, aides au logement, prime d’activité et les minima sociaux) ont concouru à hauteur de 70 % à la réduction des inégalités de niveau de vie84.

Les évolutions des taux de pauvreté monétaire et en conditions de vie paraissent déconnectées, la stabilisation du taux de pauvreté monétaire contrastant avec un repli marqué du taux de privation matérielle85. D’ailleurs, plus de la moitié des personnes en situation de pauvreté en conditions de vie ne sont pas pauvres sur le plan monétaire et 20 %

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de celles cumulant les deux handicaps relèvent du deuxième décile de niveau de vie (80 % relevant du premier décile), d’où la nécessité de ne pas utiliser seul cet indicateur.

Les différents plans de lutte contre la pauvreté ont eu incontestablement des effets positifs sur la pauvreté. Le risque de pauvreté après prélèvements et transferts (toujours trop élevé) est l’un des plus faibles de l’Union européenne y compris par rapport à celui observé dans certains pays scandinaves pourtant réputés pour la générosité de leurs systèmes de redistributions.

Les mesures redistributives apparaissent comme nécessaires et le nouveau gouvernement a ainsi décidé de revaloriser en 2018 l’allocation adulte handicapé, l’allocation de solidarité aux personnes âgées, ainsi que la prime d’activité. Les minimas sociaux restent cependant plus des mesures palliatives de correction des inégalités que des mesures visant à leur éradication. De fait, la stagnation du taux de pauvreté monétaire sur les cinq dernières années, s’accompagne d’une résilience des formes aigües de pauvreté qui exige de « poursuivre résolument la lutte contre la grande pauvreté»86. La priorité doit être donnée à certaines sous-populations (jeunes, familles monoparentales)87, pour lesquelles les risques d’un ancrage durable dans la pauvreté sont réels. Un fort déterminisme social, pointé par les études PISA de l’OCDE, renforce ce sentiment qu’il est difficile de s’extraire de ces « trappes à pauvreté ». Les jeunes mineures et mineurs vivant dans des familles pauvres affichent ainsi un taux de pauvreté de près de 20 % et ceux dont le niveau d’instruction des parents est inférieur au premier cycle de l’enseignement secondaire ont 50 % de chances de tomber dans la pauvreté (contre 7 % pour ceux dont les parents ont un diplôme de l’enseignement supérieur)88.

La délégation interministérielle à la prévention et à lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, créée le 24 octobre 2017, a fait de la lutte contre la pauvreté des jeunes sa priorité en axant ses efforts sur les politiques de préventions, seules susceptibles de renouer avec « l’ascenseur social »89. Ces politiques privilégieraient les jeunes et les enfants, l’accès aux biens et services essentiels et le triptyque accompagnement – formation – emploi. Un volet important de ce dispositif consisterait également à développer les études d’impact et d’évaluation permettant de vérifier l’efficacité des politiques publiques.

86 Résolution du CESE, « 1987 – 2017 : Poursuivre résolument la lutte contre la grande pauvreté », février 2017.

87 Voir Guillaume Duval et Pierre Lafont, « rapport annuel sur l’état de la France », mai 2017.

88 Eurostat,http://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php/Children_at_risk_of_

poverty_or_social_exclusion,2018.

89 Audition d’Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, le 21 février 2018.

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