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docteurs à la peine, une singularité française

Dans l’ensemble des pays, la recherche, les conditions de son dynamisme et ses métiers sont désignés comme des enjeux cruciaux. La qualité de la recherche repose avant tout sur les femmes et les hommes qui la portent. Les conditions de travail, la stabilité de l’emploi, les perspectives de carrière sont essentielles.

44 Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Dépenses de recherche et développement en France, résultats détaillés pour 2015 et premières estimations pour 2016, décembre 2017.

45 Ibid.

46 Julien Jankowiak, Le CNRS et Ifpen sortent du top 100 des « innovateurs mondiaux », la France reste en 3e place (Clarivate Analytics), AEF, 25 janvier 2018.

DÉCLARATIONS/SCRUTINANNEXESAVIS Les effectifs de la recherche et développement s’élèvent en France à 417 195 ETP dont

266 717 ETP pour les chercheures et les chercheurs (2014)47. Ces derniers se partagent entre les ingénieurs et les ingénieurs de R&D et les docteures et les docteurs, que les statistiques disponibles ne permettent pas de distinguer.

Les effectifs dédiés à la recherche sont en hausse sur longue période (+7,6 % entre 2009 et 2014 en ETP)48. Toutefois, dans le secteur privé, la hausse du nombre de chercheures et de chercheurs connaît un net ralentissement depuis 2013 (de l’ordre de 1,4 % par an en moyenne, contre 8,2 % par an en moyenne entre 2009 et 2013)49. Cette hausse est en outre liée à un important effort public, par l’entremise du crédit impôt recherche (CIR)50. Sur la période 2007-2012, 82 % des créations d’emploi de chercheures et de chercheurs ont eu lieu dans des entreprises de moins de 500 salariées et salariés, catégorie qui n’a bénéficié que de 37 % de l’enveloppe du CIR51. Toutefois, certains emplois existants ont pu être requalifiés en emploi de R&D. Enfin, les effectifs de personnels de soutien à la recherche ont diminué de 3 % entre 2009 et 2014.

En France, les docteures et les docteurs connaissent une situation particulière. On ne compte que 200  000 docteures/docteurs52. Ils/elles sont majoritairement employés dans la Fonction publique et ne représentent que 12  % des chercheures et de chercheurs en entreprise.

La féminisation observée pour l’ensemble des diplômes universitaires est moindre pour le doctorat. Les femmes docteurs sont moins nombreuses que les hommes (42 % des effectifs). Leur salaire mensuel net médian est inférieur de 170 euros à celui des hommes.53

L’insertion des docteurs et des docteures sur le marché de l’emploi s’avère très difficile.

Leur taux de chômage avoisine les 10 % dans notre pays, soit 4 à 9 fois plus que les pays de l’OCDE. Seuls 19 % sont en emploi à durée indéterminée à l’issue de leur thèse. Après 5 années de vie active, 20  % des docteurs sont sur des emplois à durée déterminée54. Ces situations de précarité s’observent en particulier dans l’enseignement supérieur et la recherche publique, où les docteures et les docteurs enchaînent les contrats précaires. Elles se rencontrent de plus en plus dans les organismes de recherche, établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) comme le CNRS, fragilisés par la diminution des financements récurrents au profit des financements par projet.

47 MESRI, L’état de l’enseignement supérieur et de la recherche 2017, Les moyens humains de la recherche et développement.

48 Ibid.

49 MESRI, Les caractéristiques socio-professionnelles des chercheurs en entreprise en 2015, Note Flash du SIES, n°16, octobre 2017.

50 ANRT, Comparaison internationale sur le cours du chercheur ou de la chercheure comptabilisé par les groupes bénéficiaires du CIR en 2016, octobre 2017.

51 D’après le rapport de l’association Sciences en marche à la commission d’enquête sénatoriale sur la

Avis

Des inégalités apparaissent en fonction des secteurs  : les docteures et les docteurs en mathématique, physique, ou encore informatique bénéficient de perspectives plus favorables que la moyenne tandis que, par exemple, les docteures et les docteures en sciences de la vie et de la terre connaissent des trajectoires d’insertion difficiles55. Les lettres, sciences humaines et sociales (LSHS) sont les parents pauvres de ces cursus.

La richesse représentée par les docteures et les docteurs est insuffisamment valorisée.

Si certaines employeuses et certains employeurs ont compris que la formation doctorale est une force pour l’entreprise, le monde de l’entreprise cultive toujours une réticence à son égard, qu’il importe d’analyser en vue d’engager les actions nécessaires. A de rares exceptions, le doctorat en outre, n’est toujours pas reconnu par les conventions collectives. La haute fonction publique est également peu ouverte aux docteures et aux docteurs.

Ces derniers sont notamment placés en concurrence avec les diplômées et les diplômés des grandes écoles56, alors que leur titre est le niveau le plus élevé de qualification et que la thèse constitue une expérience professionnelle de haut niveau pour devenir chercheures ou chercheurs. Leur niveau de rémunération reste inférieur à celui des jeunes ingénieures et ingénieurs.

Ces situations de précarité nuisent à l’attractivité de la recherche. On dénombrait un peu moins de 75 000 doctorantes et doctorants en 2015, un nombre en baisse depuis 2009 de 7 %. Si la courbe s’est récemment inversée, cela s’explique par un nombre croissant et important de doctorantes et de doctorants de nationalité étrangère (plus de 40 %).

Plusieurs dispositifs ont été mis en place pour encourager l’insertion des docteures et des docteurs, à l’instar des conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE)57. Le chantier engagé par le précédent gouvernement a permis des avancées, pour le suivi et l’accompagnement des docteures et des docteurs pendant et après la thèse, pour la reconnaissance du doctorat et la valorisation de l’expérience de la thèse dans la carrière et pour le recrutement dans un certain nombre de corps de la fonction publique. On peut regretter que les objectifs envisagés dans le cadre de la mission confiée à Patrick Fridenson et Michel Delacassagrande58 soient loin d’avoir été atteints. L’inscription du doctorat au répertoire national des certifications professionnelles pour donner plus de visibilité sur les compétences attendues et favoriser l’insertion en entreprise, est actuellement étudiée.

55 MESRI, Les débuts de carrière des docteurs : une forte différenciation des trajectoires professionnelles, Note d’information, mai 2017

56 MESRI, octobre 2017, op. cit.

57 Dispositif permettant à une entreprise de bénéficier d’une aide si elle recrute un doctorant ou une doctorante dont les travaux de recherche conduisent à la soutenance d’une thèse.

58 Lettre de mission du 6 janvier 2014 suite à la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche

DÉCLARATIONS/SCRUTINANNEXESAVIS Le doctorat a une valeur ajoutée, c’est une formation de haut niveau. Les docteures

et les docteurs sont aptes à discerner à l’avance les évolutions futures. Leur contribution aux enjeux culturels, scientifiques, économiques et sociaux est déterminante. Leur insertion professionnelle passera nécessairement par l’accroissement de l’effort de recherche notamment des entreprises et par un renforcement significatif des dispositifs d’accompagnement dans les universités et les organismes de recherche.