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CHAPITRE III : LES INCITATIONS EN FAVEUR DU NIEBE

3.1.1 Les incitations induites par les politiques de

Les politiques de production peuvent améliorer le niveau de la production à travers deux mécanismes essentiels qui sont l’augmentation de la productivité et la réduction des incertitudes du côté des producteurs (MARTIN, 1988). La mise en oeuvre de ces mécanismes peut se faire par le biais de plusieurs mesures de politique de développement économique touchant l’organisation de la production, les mécanismes des prix des produits et des intrants et le régime fiscal et commercial.

3.1.1.1 La politique agricole

Le rôle de la politique agricole est dans ce sens de promouvoir le développement de la production par la mise en place de conditions et de mécanismes favorables à l’épanouissement des activités de production. Au Burkina, la conduite de la politique agricole s’exerce à un double niveau : l’organisation de la production et la politique des prix.

Organisation de la production

Sur le plan organisationnel, on peut distinguer plusieurs étapes d’évolution de la politique agricole burkinabè, liées à l’évolution politique nationale.

Pendant la période coloniale, la politique agricole du pays était essentiellement le fait des sociétés d’intervention. L’objectif poursuivi était de produire des matières premières et consommables pour les unités de transformations de la métropole qui assurait de ce fait le financement de l’agriculture et la vulgarisation de matériels agricoles améliorés ; l’introduction de la culture attelé et l’usage de l’engrais chimiques ont été rendu possibles grâce à l’action de ces sociétés.

Avec l’indépendance en 1960, l’État burkinabè prend progressivement la relève des sociétés d’intervention. On aboutit en 1966, à une réorientation de la stratégie de développement rural avec la naissance des Organismes Régionaux de Développement (ORD) qui procèdent à l’organisation et à l’encadrement des producteurs. On assiste à la naissance des groupements villageois (GV) et des centres de formation des jeunes agriculteurs (CFJA). L’accès au matériel et au crédit agricoles est favorisé par l’existence de ces organisations paysannes. L’autosuffisance alimentaire a été définie comme la priorité nationale depuis la sécheresse des années 1970, et justifie d’importants investissements pour l’amélioration de la productivité agricole et du bien-être social. Les ORD sont dissous en 1987 pour céder la place aux CRPA en 1988.

La lettre de politique de développement agricole (LPDA) instituant le programme d’ajustement du secteur agricole (PASA) en 1991 , définit trois objectifs principaux pour le secteur : la modernisation et la diversification de la production, le renforcement de la sécurité alimentaire, et l’amélioration de la gestion des ressources naturelles. Les orientations et mesures d’accompagnement concernent l’intensification de la production et la gestion des ressources naturelles, la libéralisation du commerce et des prix agricoles, la restructuration de l’environnement institutionnel par la définition du rôle de l’État et des autres partenaires.

La LPDA définit les filières devant bénéficier de programmes d’action : les céréales locales sèches, le riz, l’élevage, le coton, le sucre, les fruits et légumes, les oléagineux (arachide, karité et sésame). La promotion de la production du niébé n’est pas envisagée comme prioritaire dans la politique de développement agricole actuelle. Les décideurs ne perçoivent pas l’importance du niébé et l’opportunité d’action le concernant. Ce produit est cependant très important pour plusieurs raisons allant de sa qualité nutritionnelle à l’existence de débouchés tant intérieurs qu’extérieurs.

La réorganisation agraire et foncière de 1991 confirme l’appartenance de toutes les terres au domaine foncier national, propriété de l’État de plein droit. Par contre l’occupation des terres rurales non aménagées dans le but de subvenir aux besoins de nourriture de l’occupant et de sa famille est gratuite et non subordonnée à la possession d’un titre administratif ; la seule obligation consiste à intégrer dans tout aménagement agricole pluviale des opérations de défense, de restauration et de conservation des eaux et des sols. Il est cependant évident que ces dispositions institutionnelles n’ont pas aboli le régime coutumier de gestion des terres en milieu rural.

A l’action d’organisation de la production, s’associent les efforts d’investissements nationaux et internationaux visant à promouvoir le développement et le commerce régional du niébé. Au niveau national les différents programmes de développement du niébé ont permis la mise en oeuvre de variétés améliorées résistantes aux insectes, ayant une bonne qualité de grains, un haut rendement, et une plus grande adaptabilité aux conditions climatiques (Direction des services Agricoles / IITA, 1977). La stratégie du programme national pour l’amélioration du niébé consiste en l’obtention de variétés à large adaptation qui maximisent les rendements en grains dans les conditions favorables et minimisent les pertes de rendement dans les conditions défavorables.

Le programme de stockage du niébé en 1982, les programmes protéagineux depuis 1989, de nombreuses études sur les conditions d’adaptation de différentes variétés dans des milieux écologiques différents, sont autant d’activités qui contribuent d’une façon ou d’une autre à l’amélioration des conditions de production.

Ces actions combinées aux mesures fiscales représentent des incitations certaines à la production du niébé au Burkina.

Au plan international, les expérimentations du projet IITA/SAFGRAD réalisées de 1979 à 1983 ont illustré la possibilité de cultiver le niébé en relais avec le maïs dans la savane Nord-guinéenne et d’obtenir de bon rendements des deux cultures. L’essai international de l’IITA en 1988 a donné des rendements de niébé pouvant aller jusqu’à 1250 Kg/Ha. La création du Réseau Niébé de l’Afrique Centrale et de l’Ouest (RENACO) en Mars 1987 avait comme objectif principal d’assurer un échange des technologies obtenues afin de parvenir à une productivité et une production viable dans la sous-région.

Politique des prix agricoles

La politique des prix agricoles au Burkina a été caractérisée par l’intervention de l’État dans la fixation des prix, tant aux niveaux des produits que des intrants.

Au niveau des prix des produits agricoles, l’Office National de Commercialisation des Céréales (OFNACER), a joué un rôle important depuis sa création en 1970 en achetant les céréales à un prix producteur fixé par l’État et les revendant à un prix fixe aux consommateurs. L’OFNACER avait pour mission de stabiliser les prix des céréales, de protéger les consommateurs et les producteurs contre la spéculation, et d’assurer la sécurité alimentaire des populations. Cette institution a été dissoute en 1994 à la faveur de la mise en oeuvre du PASA.

La SOFITEX quant à elle a joué un rôle très important dans la politique des intrants par la couverture des zones cotonnières et la cession des engrais chimiques aux ORD dans les zones non cotonnières. Les producteurs ont bénéficié de subventions sur les intrants modernes depuis le début des années 1980. Le taux de subvention des engrais chimiques a été de 28 à 40% pour l’urée et de 53 à 56% pour le NPK selon les régions . En 1983 il se situe en moyenne à 57% (ROTH et ABBOTT, 1990). En 1985 la subvention était respectivement de 100% pour les semences, 70% pour les insecticides, 60% pour l’engrais coton, 45% pour les pulvérisateurs et 40% pour l’urée (KAMA et al, 1992). Ces subventions ont été supprimées en 1987.

Elles ont été reconduites en 1994 et 1995 consécutivement à la dévaluation du FCFA. Toutes ces mesures exercent un impact indirect sur le niébé qui ne bénéficie pas d’incitation spécifique en matière de politique de prix.

3.1.1.2 La politique fiscale et commerciale

Par la politique fiscale, l’Etat peut protéger la production intérieure, favoriser l’acquisition des moyens de production et promouvoir l’écoulement extérieur des produits exportables. Le tarif des douanes de 1992 distingue à l’importation trois catégories de produits soumises respectivement à une fiscalité globale de 11%, 31,35% et 56,65% (ADP, 1992). La politique fiscale dans le domaine des céréales consiste à renforcer la sécurité alimentaire des populations par la création de conditions favorables à l’acquisition des compléments alimentaires en cas de déficit de la production céréalière traditionnelle. C’est ainsi que l’importation des céréales est exempt de droit fiscal à l’importation et de TVA, ce qui réduit la pression fiscale sur ces produits à seulement 11%. Le niébé qui ne bénéficie pas de ces avantages est soumis au régime le plus élevé (56,65%). Les intrants et le matériel agricoles sont soumis au taux intermédiaire de 31,35% grâce à un droit fiscal à l’importation et à une TVA réduits respectivement à 9% et à 10%.

A l’exportation, le tarif des douanes de 1992 met tous les produits d’exportation sur un même pied d’égalité en les soumettant à une taxe unique de statistique de 4%. La révision intervenue en 1995 ne concerne que les produits animaux.

La politique commerciale de distribution est quant à elle caractérisée par une réglementation qui distingue différentes catégories d’intervenants selon la taille et le lieu d’activité. C’est ainsi que les commerçants détaillants exerçant sur les marchés villageois, régionaux, nationaux ou urbains, payent une taxe de marché journalière allant de 25 FCFA à 200 FCFA selon les marchés et le volume des transactions effectuées. Les commerçants grossistes sont quant à eux soumis à une patente annuelle fixée à un niveau plancher de 5 000 FCFA et évoluant suivant le niveau du chiffre d’affaire.

Les mesures de fiscalité douanière de protection participent avec les mesures organisationnelles, la politique des prix, et la politique de distribution, à la création d’incitations favorables à la production agricole de façon générale. Aucune politique spécifique à l’endroit du niébé n’a été entreprise en dehors de la recherche agronomique. Mais que peut-on dire de l’influence des politiques distorsionnistes de l’État sur le niébé? Le calcul des indicateurs d’incitation permettra d’apprécier le niveau de distorsion induite par ces politiques.