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Des bicouches Ag – X nm/Al2O3 (avec X = 1 nm, 2 nm et 3 nm) ont été élaborées en incidence rasante sur des substrats facettés d’alumine. La nanostructuration de la surface et la géométrie employée nous ont permis d’exploiter les effets d’ombrage liés au relief du substrat. Dans un premier temps, nous avons utilisé le mode « terrasses » qui consiste à diriger le flux d’atomes d’argent, parallèlement à la direction [11¯20] (figure III.1 (a)), directement sur les terrasses avec un angle d’incidence de 5°. Dans ces conditions, les paquets de marches de la surface facettée d’alumine ombragent une partie des terrasses. Ce mode de dépôt mène à une nucléation préférentielle sur les terrasses, et uniquement sur celles-ci, sous la forme de bandes

de particules recouvrant la majeure partie des terrasses. La surface réelle recouverte par les particules semble donc nettement plus grande que la surface théorique (environ 36% pour une incidence de 5° sur une surface facettée désorientée 9°), suggérant qu’une diffusion de surface des atomes d’argent est possible, induite par le gradient de concentration présent à l’ombre des paquets de marches et activée par l’énergie cinétique élevée des atomes incidents.

Pour une faible épaisseur d’argent déposé, on relève une forte anisotropie d’organisation des particules avec un rapport des distances LL/LT <1. La distance moyenne entre particules LT, contrairement aux dépôts en incidence rasante sur substrats plans, apparaît plus élevée que la distance moyenne LL, car elle tient compte à la fois à la distance moyenne entre particules au sein d’une bande mais aussi à la distance moyenne entre bandes (schéma III.20). Lorsque la quantité d’argent augmente, l’augmentation du rapport des distances LL/LT est attribuée

à une diminution de la densité de particules sur la surface et à l’augmentation de leur taille. Pour une épaisseur d’argent déposé de 3 nm, il n’est plus possible de mesurer par AFM de distance moyenne entre particules selon la direction L, laissant supposer que les particules sont très proches les unes des autres dans cette direction. Bien que l’anisotropie d’organisation des particules diminue, il apparaît, au niveau des propriétés optiques, d’une part un déplacement important de la résonance plasmon selon le mode T attribué à un changement de forme des particules (c.-à-d. à une diminution du rapport d’aspect hors du plan H/D (voir chapitre II)), et d’autre part un déplacement plus important selon le mode L que selon le mode T , entraînant ainsi une augmentation du décalage spectral |∆λ|. On distingue même dans le cas du dépôt Ag – 3 nm/Al2O3 une disparition du mode L, qui pourrait être attribuée à une percolation des particules selon la direction L, favorable à une conduction des électrons plutôt qu’à une oscillation collective responsable du phénomène de résonance plasmon. Aussi, pour comprendre l’origine de cette forte anisotropie des propriétés optiques, nous avons effectué des simulations numériques du spectre expérimental du facteur de transmission de la bicouche Ag – 2 nm/Al2O3 selon le mode « terrasses » (figureIII.21 (b)) en intégrant dans le modèle de Yamaguchi les paramètres issus de l’analyse HAADF (tableau III.3) et de la fonction d’auto-corrélation (tableau III.5).

La figureIII.34présente les spectres du facteur de transmission simulés en supposant (a) un réseau de chaînes de particules sphéroïdales et (b) un réseau de chaînes de particules ellipsoïdales orientées toutes selon la direction L. Les paramètres morphologiques utilisés pour modéliser les spectres du facteur de transmission sont présents dans le tableau III.9.

d LT LL Hc Dc H/D[ A

(µm−2) (nm) (nm) (nm) (nm)

Ag – 2 nm 3406 36, 1 20, 5 5, 91 11, 07 0, 53 1

Tableau III.9Données utilisées pour la modélisation du spectre optique de la bicouche Ag – 2 nm/Al2O3– 20 nm déposée avec une incidence rasante (5°) selon le mode « terrasses ».

Dans le cas d’une anisotropie d’organisation de particules sphéroïdales (figure III.34 (a)), on peut distinguer deux bandes de résonance plasmon distinctes, positionnées à λT = 525 nm et λL = 550 nm avec un décalage spectral ∆λ = −25 nm. Comme dans le cas de simulations de bicouches déposées en incidence rasante sur substrats plans, ce modèle ne suffit pas pour expliquer le décalage spectral expérimental de −70 nm. Si l’on considère un réseau de particules ellipsoïdales toutes orientées selon la direction L (c.-à-d. selon un axe ⊥f lux), avec un rapport d’aspect dans le plan a /a = 1, 17 (figure III.34 (b)), on obtient deux bandes de résonance

plasmon distinctes, positionnées à λT = 518 nm et à λL = 588 nm, en assez bon accord avec celles du spectre expérimental. La prise en compte de l’anisotropie de forme dans le plan des particules, c.-à-d. de leur allongement selon la direction L (⊥f lux), permet donc de rendre compte du décalage spectral de −70 nm observé expérimentalement.

Figure III.34Spectres du facteur de transmission simulés de la bicouche Ag – 2 nm/Al2O3 – 20 nm en supposant (a) un réseau de chaînes de particules sphéroïdales et (b) un réseau de chaînes de particules ellipsoïdales orientées toutes suivant la direction L.

Ainsi, les simulations numériques permettent de montrer que l’anisotropie spectrale est liée à la fois à l’anisotropie d’organisation des particules sur la surface, mais aussi à leur allongement dans le plan suivant un axe parallèle à L, c.-à-d. selon une direction contraire aux cas des dépôts réalisés en incidence rasante sur substrat plan. Ceci peut s’interpréter de la manière suivante. Dans le cas de dépôts en incidence rasante sur substrat plan, il n’y a pas de limitation physique (facettes, barrière d’énergie à franchir, . . . ) qui contraint la nucléation des atomes et la croissance des particules sur la surface dans une direction particulière, et on observe alors un allongement suivant la direction T parallèle au flux. Dans le cas des surfaces facettées, la présence d’une structuration de surface modifie fortement les mécanismes de croissance. Les paquets de marches en bord de chaque terrasse représentent une barrière énergétique importante à franchir, si bien que la diffusion et la nucléation des atomes, limitées par les bords de terrasses, auront tendance à suivre un axe parallèle à la direction L.

Aussi, nous proposons sur la figureIII.35 un schéma de l’arrangement de particules d’argent déposées selon le mode « terrasses » sur des surfaces facettées d’alumine avec une incidence rasante de 5°.

Figure III.35Schéma de l’arrangement des nanoparticules d’argent sur la surface facettée d’alumine après un dépôt selon le mode « terrasses » avec une incidence rasante 5°.