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1.3 Prise en compte des incertitudes dans les modèles dynamiques

1.3.2 Incertitudes liées aux choix de modélisation

Les différentes composantes des modèles numériques de climat sont formulées pour une certaine résolution horizontale (et verticale, le cas échéant). Les phénomènes météorologiques et physiques ayant lieu à une échelle plus fine doivent être paramétrisés. Cette résolution ainsi que la discrétisation temporelle des équations d’évolution des variables étudiées donnent lieu inévitablement à un certain nombre d’erreurs. Les incertitudes liées à la modélisation peuvent toutefois être estimées et prises en compte dans le but d’améliorer les prévisions à l’échelle saisonnière. La prévision d’ensemble à partir de conditions initiales légèrement différentes ne permet pas de quantifier ce type d’incertitude. De plus, les modèles ont tendance à se montrer trop confiants dans leur prévision, en donnant une fonction de densité de probabilité trop étroite par rapport à celle observée. Ceci n’est pas problématique en soi, à condition que le modèle ait raison dans ses prévisions. Mais à l’échelle saisonnière, c’est malheureusement loin d’être toujours le cas.

Trois types de solutions sont souvent proposées en prévision saisonnière afin de pallier à ce problème :

◦ la prévision multi-modèle

◦ les perturbations de paramètres des modèles ◦ les perturbations stochastiques

Nous les détaillons dans ce qui suit.

1.3.2.1 Le multi-modèle

L’approche multi-modèle consiste à regrouper les prévisions d’ensemble de plusieurs mo- dèles dynamiques en un seul « super-ensemble » afin d’obtenir une estimation (assez grossière, certes) des incertitudes liées aux erreurs des modèles (Krishnamurti et al., 1999; Palmer et al., 2004). Elle a été au cœur des projets internationaux cités dans la partie précédente.

L’ensemble multi-modèle le plus simple à étudier est celui qui consiste à donner un poids équivalent à chaque membre de chaque modèle, en calculant une prévision probabiliste en supposant que chaque membre est une réalisation équiprobable, et en prenant la moyenne d’ensemble comme prévision déterministe. Malgré sa simplicité, cette approche permet en général d’améliorer les prévisions des modèles individuels. Sa force réside dans la compensation d’erreurs entre les différents modèles constituant le multi-modèle. A condition que la qualité des différents modèles inclus dans le multi-modèle soit équivalente, un modèle individuel ne sera jamais systématiquement meilleur que les autres sur toutes les régions du globe pour toutes les variables à prévoir. Ces résultats ont été montrés pour les multi-modèles des projets Provost (Doblas-Reyes et al., 2000) et Demeter (Hagedorn et al., 2005). L’approche multi-modèle est

1.3 Prise en compte des incertitudes dans les modèles dynamiques

évaluée pour les précipitations africaines des rétro-prévisions du projet Ensembles dans le chapitre3. Weigel et al. (2008) ont montré que l’amélioration des prévisions probabilistes par l’approche multi-modèle résultait de l’augmentation de la dispersion d’ensemble conjointement à une réduction de l’erreur de la moyenne d’ensemble. En théorie, si les modèles avaient une dispersion suffisante et des erreurs identiques, l’approche multi-modèle ne pourrait pas battre le meilleur modèle de l’ensemble. L’approche multi-modèle est à l’heure actuelle la solution la plus pragmatique pour améliorer la dispersion d’ensemble et les performances des prévisions à l’échelle saisonnière (Weisheimer et al., 2011). Toutefois, à l’échelle mensuelle, Weisheimer et al. (2011) montrent qu’une technique de perturbations stochastiques adaptée peut obtenir de meilleurs résultats qu’un multi-modèle pour les prévisions de précipitations et de température de surface.

Forte de son succès, l’approche multi-modèle n’est plus réservée aux projets de recherche internationaux, mais est également employée en prévision saisonnière en temps réel. C’est le cas des prévisions du consortium Eurosip (comprenant le MetOffice, le CEPMMT, Météo- France et depuis peu le Ncep), des prévisions multi-modèles américaines (le National Multi- Model Ensemble comprenant des prévisions d’ensemble de cinq centres de recherche nord- américains3) et du multi-modèle de la région Asie-Pacifique (le multi-modèle de l’APEC,

(Wang et al., 2009), comprenant suivant la disponibilité des données les prévisions de jusqu’à 17 institutions différentes).

1.3.2.2 Paramètres perturbés

L’approche de perturbation des paramètres vise à prendre en compte les incertitudes d’un modèle liées à la formulation des paramétrisations sous-maille. L’idée de la méthode est de créer un ensemble de prévisions en modifiant les valeurs de certains paramètres empiriques. Cette méthode, proposée par Murphy et al. (2004) pour la modélisation du changement cli- matique, a été testée dans le modèle DePreSys du MetOffice en prévision saisonnière dans le cadre du projet Ensembles, en perturbant simultanément 29 paramètres du modèle at- mosphérique de manière à générer un ensemble de neuf simulations différentes. Weisheimer et al. (2011) montrent que cet ensemble donne des rétro-prévisions moins bonnes en général que les autres techniques étudiées, mais une évaluation plus fine en comparant un ensemble avec paramètres perturbés à un ensemble sans perturbation du même modèle couplé est né- cessaire pour conclure quant aux mérites de cette technique. Une alternative à cette méthode est l’approche multi-physiques qui consiste à utiliser des paramétrisations différentes selon les membres de l’ensemble.

Un inconvénient majeur qu’on peut trouver à ce type de méthode est son caractère pu- rement empirique, et la forte dépendance du modèle étudié. L’obtention d’un ensemble avec une bonne dispersion, sans perdre en qualité des prévisions, nécessite sans doute un grand nombre de tests avant de déterminer quel jeu de paramètres perturber et avec quelle ampli- tude. Collins et al. (2006) évoquent un grand nombre de paramètres modifiés dans le modèle du MetOffice pour obtenir une dispersion dans la réponse aux forçages anthropiques similaire à celle d’un multi-modèle. Cet effort implique un nombre d’heures de travail et de temps de calcul considérable.

Figure 1.9 – Analogie du puits de potentiel expliquant l’intérêt des per- turbations stochastiques dans un mo- dèle de climat.

1.3.2.3 Physique stochastique

L’idée de physique stochastique est loin d’être récente : le concept est apparu au cours des années 1970. Si ce concept a fait l’objet d’études dans les décennies qui ont suivi, ce n’est que depuis une dizaine d’années qu’on voit progressivement apparaître sa mise en œuvre dans les modèles de circulation générale, en premier lieu au CEPMMT. La physique stochastique dans les modèles de climat a fait l’objet d’un « Theme Issue » de la revue Philosophical Transactions of the Royal Society A en 2008. Les travaux de thèse présentés dans ce mémoire reposent en partie sur cette théorie, qui fait donc l’objet d’une présentation plus détaillée dans la partie suivante.