• Aucun résultat trouvé

Inégalités de Bell avec des « chats non-locaux »

4.4 Analyse de la cohérence des superpositions

5.1.2 Inégalités de Bell avec des « chats non-locaux »

Observables et états

L’intrication de deux systèmes distants permet de tester la non-localité de la Mécanique Quantique. Dans la section précédente, les deux systèmes étaient deux spins 1/2, le para-mètre de Bell étant construit à partir des mesures des spins dans quatre bases différentes. L’inégalité de Bell pouvait être interprétée comme une simple inégalité triangulaire. Dans la section présente, les deux systèmes distants sont deux modes du champ électro-magnétique, par exemple les modes de deux cavités C1 et C2 du même type que celle que nous avons utilisée dans les expériences présentées chapitre 4. Un mode est un oscil-lateur harmonique : l’état d’un mode est donc décrit par les variables continues q ou p. Dans ce contexte, différents paramètres de Bell ont été définis. Nous travaillerons avec le paramètre introduit par Banaszek et Wodkiewicz [6], noté BBW

BBW = Π(α, β) + Π(α, β) + Π(α, β)− Π(α, β) (5.14) où

Π(α, β) = π

2

4 W (α, β) (5.15) W (α, β) est la fonction de Wigner à deux modes au point (α, β). On définit par simple généralisation de l’équation 4.13

Π(α, β) = Tr(D1(α)D2(β) ˆΠ1Πˆ2D2(−β)D1(−α)) (5.16) ρ est la matrice densité des deux modes. Di est l’opérateur déplacement dans le mode i.

ˆ

Πi est l’opérateur parité du mode i (voir équation 4.14) : on rappelle qu’à un mode, on a Π |ni = (−1)n|ni. Quel que soit l’état du champ, la valeur moyenne de cet opérateur vérifie donc −1 < < Π > < 1. De même qu’à un mode, Π(α, β) est la valeur moyenne de l’opérateur parité généralisé ˆΠ1Πˆ2 après un déplacement d’amplitude −α dans le mode 1 et −β dans le mode 2. On peut montrer que BBW vérifie |BBW| ≤ 2 dans le cas d’une théorie à variables cachées locales. Pour certains états du champ électromagétique, cette inégalité est violée. Banaszek et Wodkiewicz [6] ont ainsi montré que l’état

|ψi = √1

2(|0, 1i + |1, 0i) (5.17) réalisait |BBW| > 2.1 pour α = β = 0 et α =−β = 0.1.

Comme section 5.1.1, le paramètre de Bell maximal vérifie |BBW|max = 2√

2, la viola-tion maximale étant atteinte avec des états cohérents intriqués [59]. Pour le comprendre, remarquons que les observables ˆΠ1 et ˆΠ2 n’ont que deux résultats de mesure possibles : ±1, de même que la mesure de la polarisation de chaque photon dans la section 5.1.1 ne pouvait avoir que deux valeurs. Dans la section 5.1.1 l’état permettant la violation de l’inégalité de Bell était un état intriqué en polarisation, dans cette section il est naturel que l’état adapté à une telle violation soit un état intriqué en parité. Considérons alors les états du champ dans un mode, notés |C+i et |Ci

|C+i = 1

N+(|γi + |−γi) |Ci = 1

N−(|γi − |−γi) (5.18) où N+ et N sont les constantes de normalisation. |γi est l’état cohérent défini par le nombre complexe γ. Ce sont des états Chat de Schrödinger de parité définie : en effet, la distribution du nombre de photons du champ dans l’état |C+i (respectivement |Ci) est paire (respectivement impaire). La classe d’états considérée par la suite sera celle des états Chat de Schrödinger intriqués d’expression

±i = 1

NΨ±(|C+,1,C+,2i ± |C−,1,C−,2i) |Φ±i = 1

NΦ±(|C+,1,C−,2i ± |C−,1,C+,2i) (5.19)i indice la cavité et sera omis par la suite, et NΨ± et NΦ± sont des constantes de normalisation. Remarquons que si γ → ∞, les états |γi et |−γi deviennent orthogonaux, de même que les états |Ci et |C+i. En se restreignant à l’espace de dimension 4 défini par |γ/ − γ, γ/ − γi, les états |Ci et |C+i forment une « base de Bell »pour l’observable parité. Le tableau illustre l’analogie entre les deux situations.

Système Photon Mode de cavité Espace des états |±i variable discrète |qi ou |pi variable continue Variable mesurée Polarisation Parité

Paramètre de Bell S (équation 5.8) BBW (équation 5.14) Base de Bell |Ψ±i = √1 2(|+, +i ± |−, −i) |Ψ±i = 1 NΨ±(|C+,C+i ± |C,Ci) |Φ±i = √1 2(|+, −i ± |−, +i) |Φ±i = 1 NΦ±(|C+,Ci ± |C,C+i) Dans tout ce qui suit on s’intéressera à l’état |Ψ+i. On écrira celui-ci sous la forme

+i = 1 NΨ+

(|γ, γi + |−γ, −γi) (5.20) Cette écriture montre que l’état |Ψ+i présente non seulement des corrélations en parité, mais aussi en amplitude complexe du champ : comme on l’a déjà souligné, un état de Bell montre en effet des corrélations dans toutes les bases. On supposera par la suite γ réel sans restreindre la généralité du problème.

Recherche du point de violation maximale

Si le champ est dans l’état |Ψ+i on peut donner pour Π(α, β) l’expression analytique suivante Π(α, β) = 1 N2 ³ e−2|γ−α|2e−2|γ−β|2 + e−2|γ+α|2e−2|γ+β|2 + 2 cos(4γℜ(α + β))e−2(|α|2+|β|2)´ (5.21) où N est une constante de normalisation vérifiant

N = 2(1 + e−4γ2) (5.22) Les deux premiers termes de Π(α, β) sont des gaussiennes centrées autour de (γ; γ) et (−γ; −γ) : en ces deux points Π(α, β) = 0.5. Le dernier terme est un terme croisé, signe de la cohérence des deux composantes de |Ψ+i. Du fait de ce terme, le maximum de Π est atteint en (0, 0) et vaut 1. Remarquons que pour α et β grands devant l’unité, le terme croisé devient négligeable : les manifestations de cohérence devront donc être cherchées près de l’origine.

La figure 5.1(a) présente Π(α, β) pour γ = 3 et (α, β) réels. On visualise nettement les deux gaussiennes ainsi que le terme d’interférence. La figure 5.1(b) présente le même signal pour un mélange statistique des états |γ, γi et |−γ, −γi. On constate la disparition attendue de l’interférence à l’origine. Notons également que pour ce mélange statistique, le maximum global de BBW vérifie BBW = 1 pour α = β = α = β =±γ.

Remarquons enfin que si γ = 0 (vide dans les deux cavités), le maximum global de BBW

vaut 2 et est atteint en α = β = α

= β = 0.

( )a ( )b

α α

β β

Fig. 5.1: (a) Π(α, β) pour |Ψ+i avec γ = 3 et (α, β) réels. (b) Même signal pour le mélange statistique correpondant.

Pour (α, β) réels, la fonction de Wigner est positive et bornée par 2, aucune violation de BBW ne peut donc être atteinte : on va chercher celle-ci pour (α, β) imaginaires. La figure 5.2(a) et (b) (zoom) présente Π(α, β) pour γ = 3 et (α, β) imaginaires. On visualise les

franges d’interférence modulées par une enveloppe gaussienne. La symétrie du problème invite à prendre α = β et α

= β. Ces quatre points décrivent donc dans l’espace des phases un carré (voir figure 5.2(b)). BBW est maximum si trois sommets du carré se trouvent proches d’un maximum d’une frange positive et le dernier sommet proche du minimum d’une frange négative. Le maximum global de BBW vaut 2.77 et est atteint pour α = β = 0.095i et α = β =−0.035i. ( )a ( )b

β

β

α α

Fig.5.2: (a) Π(α, β) pour|Ψ+i avec γ = 3 et (α, β) imaginaires. (b) Même signal, vu de près. On a représenté sur la figure le carré correspondant aux quatre points pour lesquels la violation est réalisée.

On peut effectuer la même optimisation pour différentes valeurs de γ. Si γ augmente les points réalisant la violation de BBW se rapprochent de l’origine, conformément au fait que l’interfrange de l’interférence diminue. On a représenté figure 5.3 l’évolution du maximum global de BBW en fonction de γ.

Notons que pour γ =√

2 on a déjà BBW = 2.61. La décohérence advenant d’autant plus rapidement que le chat est grand nous choisirons par la suite de travailler avec un chat tel que γ =√

2. Etudions à présent la méthode expérimentale pour générer de tels chats et pour mesurer BBW(α, β).