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4.4 Analyse de la cohérence des superpositions

4.4.3 Conclusions

Taille des chats obtenues par interaction résonnante

On peut conclure sur les conditions nécessaires à la naissance et à l’observation d’un chat généré par interaction résonnante entre un atome à deux niveaux et un champ mésosco-pique. Notons tintle temps effectif d’interaction résonnante entre l’atome et le champ. La taille du chat préparé vérifie

D = 2√ ¯ n sin µ Ω0tint 4√ ¯ n ¶ (4.15)

soit, si le nombre de photons est suffisamment important D∼ 0tint 2 (4.16) ce qui équivaut à D∼ πtint T0 (4.17) où T0 est la période de Rabi du vide. Comme on le voit la taille du chat ne dépend que du temps effectif d’interaction entre l’atome et le champ. Pour qu’un chat puisse être observé deux conditions doivent être remplies :

1. les deux composantes du champ doivent être séparées. La taille du chat doit donc être supérieure à 1, ce qui d’après l’équation 4.17 impose

tint

T0

> 1

π (4.18)

2. le temps de préparation du chat doit rester inférieur au temps de décohérence de ce chat. On a donc

tint< Tdecoh (4.19) On rappelle Tdecoh = 2τ /D2. D’après 4.17

Tdecoh2τ T 2 0 π2t2 int (4.20) On peut donc récrire l’équation 4.19 ainsi

tint < 2τ T 2 0 π2t2 int (4.21) soit t3int< 2τ T 2 0 π2 (4.22)

Exprimons cette inégalité en fonction du paramètre adimensionné tint/T0, il vient µ tint T03 < 2 π2 τ T2 0 (4.23) Posant β tel que

β3 = 2 π2 τ T2 0 (4.24) on peut finalement écrire l’équation 4.19

tint T0

< β (4.25)

Une condition nécessaire pour observer un chat est donc, d’après 4.25 et 4.18 β > 1

Cette condition est remplie dans notre dispositif expérimental car β ≃ 2. La condition 4.25 détermine également la taille D2

max maximale des chats synthétisables, celle-ci vérifie Dmax2 ∼ µ πtint,max T02 (4.27) soit Dmax2 ∼ (πβ)2 (4.28) Cette taille vaut typiquement 40 photons dans le montage actuel. Il faut cependant tenir compte du fait que les superpositions subissent la décohérence pendant leur préparation même. Cela explique que la taille maximale des chats que nous ayons pu préparer soit plutôt de 20 photons. Ceci est à comparer à la taille maximale des chats préparés dans le groupe par la méthode dispersive D2 ∼ 8 [24]. Cette amélioration est due au fait que le facteur de qualité de notre cavité (Q = 3.108) est bien meilleur que celui de la cavité utilisée auparavant (Q = 5.107). Comme on le verra dans la section suivante, la méthode fondée sur l’interaction résonnante entre l’atome et le champ est aussi intrinsèquement plus efficace, les effets non-linéaires étant exaltés. Remarquons enfin que la taille des mélanges statistiques générés peut atteindre 50 photons (avec des atomes de à 200 m/s). L’utilisation d’une cavité de meilleur facteur de qualité devrait permettre d’obtenir de telles superpositions alors qu’elles sont encore cohérentes, rendant ainsi possible l’étude quantitative de leur décohérence. Comme on l’a vu la taille maximale des chats observables évolue en β2, soit comme (τ /T0)2/3. Pour observer des chats de 50 photons, il faudrait donc multiplier le facteur de qualité de la cavité par (50/20)3/2

≃ 4, ce qui est tout à fait envisageable dans un avenir proche.

Rappels sur la méthode dispersive

Rappelons brièvement le principe de la méthode de préparation des chats par interaction dispersive qui a permis de générer les premiers chats de Schrödinger dans notre groupe [24, 40]. A partir des équations 1.71, il est aisé de voir qu’un atome interagissant de façon dispersive avec un champ cohérent pendant un temps tint vérifie

|e, αi =PnCn|e, ni → PnCne(n+1)iφ02 |e, ni = eiφ02 ¯¯

¯e, αeiφ02

E |g, αi =PnCn|g, ni → PnCneinφ02 |g, ni =¯¯¯g, αeiφ02

E (4.29)

où φ0 est le déphasage par photon défini équation 1.70. La méthode consiste alors à préparer l’atome dans une superposition

1 √

2(|ei + |gi) (4.30) par une impulsion π/2 dans une zone de Ramsey extérieure, puis à le faire interagir de façon dispersive avec un champ cohérent |αi injecté dans le mode de la cavité. Le système atome-champ se trouve alors dans un état intriqué

1 √

2(e

iφ02 ¯¯

¯e, αeiφ02

E +¯¯

¯g, αeiφ02

E

Une seconde impulsion π/2, suivie de la détection de l’atome dans l’état |ei projette le champ dans l’état (non normalisé)

eiφ02 ¯ ¯ ¯αe−iφ02 E +¯¯ ¯αeiφ02 E (4.32) On en déduit la taille du chat atteinte par cette méthode

D2 = 4¯n sin20/2) = 4¯n sin2(Ω20t/4δ) (4.33) Comme on l’a vu, cette méthode a permis la génération de chats avec D2 ≃ 8 photons. Soulignons qu’à cette époque la cavité était en configuration ouverte et son facteur de qualité était de 5.107. Cependant à facteurs de qualité égaux, la méthode résonnante est plus efficace comme nous allons le voir maintenant.

Efficacités comparées

Les méthodes de production de chats étudiées reposent sur l’existence de deux états atomiques qui ne s’intriquent pas avec le champ cohérent, mais le déphasent. Dans la méthode dispersive ces deux états sont |ei et |gi, dans la méthode résonnante |+i et |−i. Pour un champ d’amplitude donnée, la méthode la plus efficace est celle qui maximise le déphasage du champ, ou le déphasage de chaque état nombre |ni.

On a vu que dans la méthode dispersive, chaque |ni est déphasé de ±φdisp

n avec φdispn = Z −∞ dt p Ω2 n+ δ2− δ 2 (4.34)

où Ωn est donné par l’équation 1.56. On fait ici l’étude en représentation d’interaction par rapport au hamiltonien en l’absence de couplage atome-champ.

Considérons à présent la méthode résonnante. On peut montrer aisément que X

n

Cn|+, ni ∼X

n

Cn|+ni (4.35) où |+ni sont les états habillés définis équation 1.60. On a l’évolution

X n Cn|+ni −→X n Cnexp(−i Z −∞ dtΩn/2)|+ni ≃ |ψ+iX n Cnexp(−i Z −∞ dtΩn/2)|ni (4.36) où |ψ+i est l’état atomique défini équation 1.128. On voit que chaque état nombre est déphasé de φres

n (respectivement −φres

n si l’état atomique initial est |−i) avec φresn = R −∞dtΩn 2 (4.37) On a évidemment φresn ≥ φdisp n (4.38)

La méthode résonnante est donc plus efficace comme l’illustre la figure 4.20. Des simu-lations numériques ont confirmé cette étude générale. La taille maximale des chats que l’on puisse atteindre avec un atome à 150m/s en l’absence de relaxation est de 25 pour la méthode dispersive (désaccord pris à 50 kHz) contre 50 pour la méthode résonnante.

0 n 1 + x |+n > δ 2 2 0(n 1) δ + + x | ,e n > ( )a ( )b 2 2 2

Fig.4.20: (a) Phase accumulée par l’état nombre|ni au cours de l’interaction résonnante avec un atome préparé dans l’état |+i. (b) Phase accumulée par l’état nombre |ni au cours de l’interaction dispersive avec un atome préparé dans l’état|ei.

Test expérimental de cohérence

Une expérience permettant de tester la cohérence de la superposition de l’état intriqué atome-champ a été réalisée. Elle repose sur le lien étroit vu au chapitre 1 entre le contraste de l’oscillation de Rabi et la complémentarité. Un atome est envoyé dans la cavité où il interagit de façon résonante avec le champ selon l’équation 1.130. Au milieu de l’interaction on applique la différence de potentiel maximale entre les miroirs pendant une durée Tπ. Le vecteur champ effectif est alors aligné avec l’axe z de la sphère de Bloch : le vecteur représentant l’état atomique précesse donc autour de cet axe, la durée du désaccord est ajustée pour que l’angle de précession soit π. Le dipôle atomique |ψ+i, avant l’impulsion parallèle au champ |α+i, devient antiparallèle à ce champ. Réciproquement |ψi devient parallèle au champ |αi. La composante |α+, ψ+i (respectivement |α, ψi) tourne alors dans le sens trigonométrique (respectivement dans le sens des aiguilles d’une montre) : l’impulsion π correspond à une inversion du temps de façon similaire aux expériences d’échos de spin. Au terme de l’interaction les deux composantes du champ se recombinent. On peut alors distinguer deux cas limite :

1. la superposition d’états |ψ+, α+i et |ψ, αi est restée cohérente au cours de l’évo-lution. Dans ce cas la théorie présentée au chapitre 1 reste valable et le contraste de l’oscillation de Rabi est toujours modulé par | hα(t)| α+(t)i|. Lors de la recom-binaison l’oscillation devrait donc renaître avec un contraste maximal.

2. on a un mélange statistique d’états |ψ+, α+i et |ψ, αi. La matrice densité réduite de l’atome ρat (voir équation 1.141) est alors modifiée de la façon suivante

ˆ

ρat(t) = 1

2(+(t)i hψ+(t)| + |ψ(t)i hψ(t)|) (4.39) L’élimination des termes de la forme |ψ+(t)i hψ(t)| conduit à une annullation du contraste de l’oscillation de Rabi : aucune résurgence n’a donc lieu dans ce cas. Le contraste de la résurgence de l’oscillation de Rabi quantifie la cohérence de la superpo-sition de |ψ+, α+i et |ψ, αi, et donc la cohérence de la superposition d’états du champ obtenue par projection de l’atome sur |gi (4.2) ou sur |ei (4.3). Des résurgences ont effec-tivement été observées, prouvant que l’interaction résonnante permet de synthétiser des

états « chats de Schrödinger » du champ dans la cavité. Ces expériences seront présentées dans la thèse de Tristan Meunier.

Proposition de violation des inégalités

de Bell avec des états intriqués

mésoscopiques

Comme on l’a évoqué en introduction, l’existence des états intriqués semble contredire une vision locale du monde. Les mesures de la même observable effectuées sur deux systèmes se trouvant dans un tel état présentent en effet des corrélations indépendantes de l’ordre des mesures, voire simultanées. Einstein, Poldolsky et Rosen [45] ont, pour expliquer ces corrélations « instantanées à distance », fait l’hypothèse qu’elles existaient avant la mesure. Cet argument implique que l’état de la paire peut être décrit par une « variable cachée »portant toute l’information sur les mesures ultérieurement réalisées.

Avant le travail de Bell [7] aucun critère mathématique ne permettait de distinguer les prédictions des théories à variables cachées [15, 14, 16] de celles de la théorie quantique. On a cependant vu que les corrélations de nature quantique sont plus « intenses »que les corrélations de nature classique, car elles se manifestent dans toutes les bases d’ana-lyse. Bell a construit en 1964 un paramètre permettant de mesurer l’intensité de ces corrélations [7]. Si le monde est régi par une théorie à variables cachées locales, le para-mètre de Bell respecte l’inégalité du même nom. Si les lois de la Mécanique Quantique s’appliquent, l’inégalité est violée. Ce résultat théorique fournit un critère permettant de discriminer la théorie quantique de ses concurrentes. Le théorème a été généralisé pour l’adapter à des situations expérimentales [64, 36, 55, 23]. Soulignons en particu-lier qu’en 1969 Clauser, Horne, Shimony et Holt ont reformulé cette inégalité pour une paire de photons intriqués en polarisation, sur le modèle d’une expérience de pensée pro-posée par Bohm. L’inégalité de Bell correspondante, rebaptisée pour l’occasion inégalité CHSH [35], est présentée section 5.1.1. Les mêmes auteurs ont par la suite proposé un schéma expérimental [36]. Depuis, de nombreuses preuves expérimentales de la validité de la Mécanique Quantique contre les théories à variables cachées locales ont été appor-tées [48, 61, 34, 49, 100, 66, 28, 3, 4, 2, 81, 65, 19]. La plupart testent l’inégalité CHSH sur deux spins 1/2 dans l’état singulet.1

1Il faut prendre garde au fait que l’intrication ne saurait permettre de communiquer plus vite que la lumière : pour échanger le résultat de leurs mesures, les deux expérimentateurs doivent utiliser un canal

Dans le prolongement de ce qui a été présenté dans ce mémoire, il peut être également intéressant d’établir et de tester une inégalité de Bell sur des systèmes intriqués distants mésoscopiques, généralement appelé chats de Schrödinger non-locaux. Nous envisageons ici de réaliser ces états dans les modes de deux cavités distinctes : ce sont donc des états intriqués décrits par des variables continues. Il existe des propositions pour utiliser de tels états dans le cadre de la cryptographie quantique [53]. Ces états étant sensibles à la décohérence, ils permettent d’étudier comment évolue la violation de l’inégalité de Bell au cours du temps.

Dans ce chapitre on présente une démonstration simple des inégalités CHSH. On établira ensuite par analogie une inégalité équivalente pour des mesures effectuées sur un chat de Schrödinger non-local, préparé dans deux cavités distinctes. On proposera enfin une expérience permettant de tester l’inégalité établie, dans laquelle deux atomes interagissent de façon dispersive avec le champ préparé dans chaque cavité. On étudiera l’effet de la décohérence sur le chat préparé et sur l’inégalité de Bell résultante.

5.1 Variations sur les inégalités de Bell