• Aucun résultat trouvé

Des inégalités énormes et persistantes dans l’accès des enfants à l’éducation

Encadré 1 – Prévalence des bons et des très bons emplois en Afrique francophone

2. Transition de l’école au marché du travail en Afrique francophone

2.2 Des inégalités énormes et persistantes dans l’accès des enfants à l’éducation

Depuis le Forum mondial sur l’éducation en 2000 et le Cadre d’action de Dakar, des progrès ont été réalisés dans l’ensemble des pays en ce qui concerne l’accès des enfants à l’école primaire et la réduction de la proportion de jeunes qui n’ont jamais été scolarisés. L’Afrique francophone a réalisé des progrès considérables sur le plan de la scolarisation des jeunes au primaire : dans la plupart des pays, on recense une augmentation du taux net ajusté de scolarisation primaire15 de plus de 20 points de pourcentage entre 1999 et 2012 ; ceci est particulièrement vrai au Burundi, où ce taux est passé de 41 à 94 %. Les taux nets de scolarisation sont passés de 27 à près de 64 % au Niger et de 42 à 76 % en Guinée. Au Burkina Faso, où la population d’âge scolaire a plus que doublé entre 1999 et 2012, les taux nets de scolarisation ont augmenté de plus de 66 % (UNESCO, 2015). En 2000, le Burundi et la République centrafricaine comptaient au moins 20 % d’enfants qui n’étaient jamais allés à l’école ; en 2010, cette proportion a été réduite de moitié. Malgré ces progrès quantitatifs, un nombre élevé d’enfants ne peuvent toujours pas exercer leur droit à l’éducation. Par ailleurs, une évaluation plus fine de l’éducation en Afrique francophone fait ressortir des disparités en matière d’accès à l’école entre les jeunes qui vivent en zone rurale et ceux qui vivent en zone urbaine, entre les jeunes issus de familles aisées et ceux issus de familles pauvres, et entre les jeunes filles et les jeunes garçons. Cette évaluation fait également ressortir des lacunes sur le plan de la qualité de l’éducation ; en effet, celle-ci ne permet pas aux jeunes d’acquérir les compétences nécessaires pour intégrer le marché du travail.

Les données de l’ETVA indiquent que la proportion de jeunes qui ne sont pas scolarisés ou qui abandonnent leurs études est très élevée en Afrique francophone. Dans les six pays à l’étude, la part des jeunes qui n’ont jamais été scolarisés va de 2,2 % en Tunisie à 26,2 % au Bénin (Figure 14).

Si on prend en compte les jeunes qui n’ont pas terminé leurs études (décrocheurs), la part des jeunes qui n’ont pas bénéficié du système éducatif varie entre 24 % en Égypte et 50 % à Madagascar et au Bénin.

15 Selon l’UNESCO, c’est le nombre d’élèves de la tranche d’âge correspondant officiellement au primaire qui sont inscrits au primaire ou au secondaire, exprimé en pourcentage de la population totale de cette tranche d’âge.

C’est l’Égypte qui affiche la proportion la plus élevée de jeunes qui ont terminé leurs études (39,3 %), suivie de Madagascar (25,9 %) et du Togo (21,5 %).

Figure 14 – Niveau de scolarisation des jeunes de 15 à 29 ans

Source : calculs des auteurs à partir des fichiers de l’ETVA.

On constate, toutefois, que dans tous les pays, des efforts considérables ont été déployés pour favoriser l’accès des enfants à l’éducation. En effet, comme le montre d’ailleurs la figure 15, le pourcentage de jeunes qui n’ont jamais été scolarisés est beaucoup moins élevé chez les 15-19 ans que chez les 25-29 ans, et ce, dans tous les pays observés. Par exemple, au Bénin, où le taux de scolarisation est le plus faible, le taux de non-scolarisation est de 42 % chez les 25-29 ans, par rapport à moins de 16 % chez les 15-19 ans. Ce dernier taux demeure néanmoins très élevé comparativement à celui des autres pays, de sorte qu’un grand nombre de jeunes ont été privés d’une instruction qui aurait pu les aider à améliorer leurs perspectives d’avenir et à sortir de la spirale de la pauvreté et de l’exclusion. Par ailleurs, étendre la scolarisation n’aura qu’un effet limité, en raison du décrochage scolaire précoce.

En moyenne, les jeunes qui ont été scolarisés mais qui n’ont pas terminé leurs études ont quitté l’école à l’âge de 13 ans en Égypte et à Madagascar, à 15 ans au Togo et à 16 ans dans les trois autres pays.

Figure 15 – Taux de non-scolarisation par pays, selon le sous-groupe d’âge

Source : calculs des auteurs à partir des fichiers de l’ETVA.

Le sexe de l’enfant, ses conditions socioéconomiques et son lieu de résidence font partie des principaux obstacles à la scolarisation. Dans tous les pays à l’étude, le taux de non-scolarisation est plus élevé chez les filles (Figure 16) et chez les jeunes qui vivent en milieu rural (Figure 17).

L’inégalité d’accès à l’éducation entre les garçons et les filles et entre les lieux de résidence est plus importante au Bénin et au Togo. Au Bénin, une fille de 15 à 29 ans sur trois n’a jamais été scolarisée (une fille sur quatre au Togo). Les écarts entre le milieu rural et le milieu urbain sont plus grands que ceux que l’on observe entre les filles et les garçons. La majorité des économies de l’Afrique francophone reposent sur l’agriculture ; or, on trouve moins d’écoles en région rurale, et les jeunes qui y vivent doivent parcourir de longues distances pour se rendre à l’école.

La République du Congo et la Tunisie affichent les meilleurs taux d’accès à l’école chez les jeunes et les écarts les moins grands entre les filles et les garçons et entre les jeunes qui vivent en milieu rural et en milieu urbain.

Figure 16 – Pourcentage de jeunes non scolarisés, selon le sexe

Source : calculs des auteurs à partir des fichiers de l’ETVA.

Figure 17 – Pourcentage de jeunes non scolarisés, selon le lieu de résidence

Source : calculs des auteurs à partir des fichiers de l’ETVA.

Pour réussir dans notre lutte contre la non-scolarisation des enfants et le décrochage scolaire, il faudrait d’abord en connaître les raisons. Le facteur économique constitue la principale raison, comme le montre le tableau 3. Lors du Forum mondial sur l’éducation qui s’est tenu à Dakar du 26 au 28 avril 2000, les États se sont engagés à offrir un « enseignement primaire gratuit et obligatoire conformément à la Convention relative aux droits de l’enfant et autres engagements internationaux ». Cependant, certains pays de l’Afrique subsaharienne n’ont toujours pas adopté de législation visant à supprimer les frais de scolarité. Et même si les frais de scolarité étaient supprimés, les frais annexes (droits d’inscription, manuels et fournitures scolaires, uniformes…) subsistent ; de plus, le nombre d’écoles publiques est insuffisant et les établissements existants sont vétustes.

D’après l’UNESCO (2015), la suppression des frais de scolarité au primaire a entraîné une augmentation des effectifs scolarisés et amélioré le taux de scolarisation des groupes défavorisés ; dans les pays qui l’avaient mise en place, cette mesure s’est accompagnée d’une forte baisse du pourcentage d’enfants d’âge primaire qui n’avaient jamais été à l’école. La suppression des frais de scolarité au primaire a des retombées positives sur le nombre d’enfants scolarisés, mais la suppression des frais de scolarité au secondaire pourrait avoir une incidence importante sur les inégalités en matière d’accès à l’éducation, sur la durée de la scolarité et sur la formation du capital humain dans les pays d’Afrique en général. Ces frais représentent une dépense importante pour les personnes les plus vulnérables de la société, et celles qui ne peuvent y faire face sont susceptibles d’être renvoyées en cours d’année.

Tableau 3 – Raisons principales de la non-scolarisation des enfants (%) Aucun

Bénin 19,3 20,6 39,9 12,7 7,6

Égypte 31,9 26,8 27,5 0,3 13,5

Madagascar 12,6 18,0 44,0 20,7 4,6

Togo 9,4 39,2 34,1 9,2 8,2

Note : Les résultats pour le Congo et la Tunisie ne sont pas présentés, en raison des très faibles taux de non-scolarisation dans ces pays (2,5 et 2,2 % respectivement).

Source : calculs des auteurs à partir des fichiers de l’ETVA.

Le refus des parents est la deuxième raison de non-scolarisation des jeunes la plus souvent mentionnée. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les parents, notamment les mères, n’ont jamais été scolarisés et ne sont donc pas en mesure de réaliser les bienfaits à long terme d’une éducation pour leurs enfants. L’alphabétisation des adultes, et particulièrement des femmes, a une incidence positive sur l’éducation des enfants et sur les chances des filles et des femmes de trouver un emploi, en plus de réduire le nombre de mariages et de grossesses précoces.

Par ailleurs, on constate que 32 % des jeunes en Égypte et 19,3 % au Bénin n’ont pas été scolarisés par manque d’intérêt. Ces taux, assez élevés, remettent en question le rôle des parents et de la collectivité pour veiller au bien-être des enfants. Ces derniers ne sont pas en mesure de prendre les bonnes décisions et il serait déraisonnable de les tenir responsables des conséquences du choix de leurs parents.

La non-proximité d’une école constitue un frein particulièrement fort à la scolarisation des enfants à Madagascar, au Bénin et au Togo, d’où la nécessité d’investir dans des écoles de proximité.

Le statut économique est également un facteur déterminant du décrochage scolaire, surtout en Afrique subsaharienne (Tableau 4). Le décrochage est aussi favorisé par l’échec scolaire et le manque d’intérêt, ce qui appelle à plus de soutien et d’accompagnement pour les enfants. Ces deux facteurs sont principalement évoqués en Égypte et en Tunisie. Le manque d’intérêt pour les études de la part des enfants pourrait être la conséquence de l’image négative véhiculée dans la société à propos de l’éducation, dont on dit qu’elle ne constitue pas un investissement rentable puisqu’elle ne garantit pas l’accès à un emploi décent.

Le mariage est un autre facteur non négligeable de décrochage scolaire chez les jeunes, notamment chez les filles. À Madagascar, 10 % des filles ont évoqué ce facteur pour expliquer l’abandon de leurs études. Cette proportion est de 7 à 9 % au Bénin, au Congo en Égypte et au Togo, et de 5 % en Tunisie.

Tableau 4 – Raisons principales de l’arrêt des études (%)

Madagascar 13,0 18,0 3,5 6,6 2,3 49,4 7,3

Togo 22,1 8,6 4,9 6,5 3,9 47,2 6,8

Tunisie 33,0 23,9 10,9 2,4 2,7 21,5 5,6

Source : calculs des auteurs à partir des fichiers de l’ETVA.

2.3 Le difficile passage du milieu des études au marché