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Chapitre 2 : Recension des écrits

2.2 Mécanismes neuronaux impliqués dans le contrôle de l’équilibre

2.2.2 Implication du système nerveux central

Notre compréhension du contrôle neuronal de la posture a considérablement évolué au cours des 100 dernières années. Il a été historiquement admis que les réponses posturales compensatoires avaient pour origine les circuits de la moelle épinière (Sherrington, 1910). Depuis, l’implication des structures supraspinales et même corticales au contrôle compensatoire de la posture a été démontrée (Taube et al., 2006). Les preuves à l’appui du contrôle exercé par la moelle épinière et le tronc cérébral proviennent principalement des modèles animaux, alors que les modèles humains de pathologies et les manipulations expérimentales ont permis d’affiner notre compréhension de la contribution des centres supérieurs au contrôle postural.

Moelle épinière

Nous savons que les réponses posturales de courte latence sont le résultat de l’activation des circuits segmentaux spinaux, de nature mono-ou-oligo synaptique (Pierrot- Deseilligny and Burke., 2012) mais qu’en est-il de la contribution de la moelle épinière à l’induction des stratégies posturales? Certains ont avancé que des réseaux neuronaux au sein de la moelle épinière, comparable au CPG qui régule la séquence et l’amplitude d’activité musculaire lors de la locomotion, pourraient être au centre des stratégies posturales (Dietz, 1992; Allum et al., 1998a). Toutefois, plusieurs études ont démontré que la contribution de la moelle épinière serait à elle seule, insuffisante au maintien de l’équilibre suite à une perturbation puisque l’induction de ces réponses exigerait également l’entrée des voies supraspinales. Des études ont démontré que les neurones du tronc cérébral sont actifs lors du

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contrôle postural (Schepens et al., 2008; Stapley and Drew, 2009) et que le fait de rompre la connectivité entre le tronc cérébral et la moelle épinière chez le chat affecte le contrôle de l’équilibre et la capacité à s’adapter à une perturbation (Deliagina et al., 2008; Honeycutt et al., 2009). De plus, le chat ayant subi une transsection de la moelle épinière retient des fonctions locomotrices malgré un déficit au niveau du contrôle latéral de l’équilibre (Barbeau and Rossignol, 1987). Suite à une lésion complète de la moelle épinière le chat spinal peut supporter son poids après un entraînement, mais sa capacité à maintenir l’équilibre ne se rétablit pas (Barbeau and Rossignol, 1987). Fung et Macpherson (1999) ont démontré que la moelle épinière permet le maintien du tonus musculaire antigravitaire chez les chats ayant subi une transsection de la moelle épinière, mais que les réponses posturales et la capacité à se stabiliser adéquatement sont considérablement affectées (Macpherson and Fung, 1999). L’incapacité à se stabiliser suite à une perturbation d’équilibre chez les animaux spinaux, peut être interprétée de deux différentes façons : 1) soit les mécanismes spinaux ne sont pas impliqués dans l’induction des réponses posturales et ont plutôt le rôle de transformer la commande supraspinale en patrons moteurs des réponses posturales, soit 2) les réflexes posturaux d’origine spinale jouent un rôle important à l’induction des réponses posturales, mais ont besoin d’afférences supraspinales pour être activés et que la perte de cet apport tonique réduit de façon importante ces réflexes (Deliagina et al., 2007).

Tronc cérébral

Les preuves à l’appui de l’importance des structures supraspinales au contrôle réactif de la posture proviennent principalement d’études chez le chat spinalisé, et suggèrent que malgré le maintien d’un contrôle rudimentaire de l’équilibre (Barbeau and Rossignol, 1987) les réponses posturales compensatoires sont sévèrement affectées (Macpherson and Fung,

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1999). Ces observations, ainsi que la courte latence des réponses observées et l’absence de contribution du contrôle volontaire aux réactions posturales (Diener et al., 1991) ont fait en sorte que le tronc cérébral soit ciblé comme structure importante pour l’induction des réponses posturales.

Ainsi, les noyaux du tronc cérébral au contrôle postural contribueraient : 1) à la régulation de l’activité posturale tonique, 2) à l’intégration d’information sensorielle pour la posture et l’équilibre, 3) ainsi qu’aux ajustements posturaux anticipatoires lors de mouvements volontaires (Shumway-Cook and Woollacott, 2007). Par exemple, les voies médianes issues du tronc cérébral, incluant les voies vestibulospinale, réticulospinale, et tectospinale, peuvent contrôler la facilitation/inhibition de l’activité tonique musculaire (Shumway-Cook and Woollacott, 2007). De plus chez le chat, lorsque la formation réticulée du tronc cérébral est inactivée par voie pharmacologique, les ajustements posturaux anticipatoires sont inhibés (Takakusaki et al., 2004). Ce qui souligne l’importance des noyaux du tronc cérébral dans les réponses anticipatoires posturales. Aussi, selon Park et al. (2004) les mécanismes supraspinaux qui fournissent la commande tonique dans les réponses posturales seraient situés dans le tronc cérébral. Toutefois, les chats avec une transsection au niveau du mésencéphale démontrent un fort tonus au niveau des extenseurs, mais ne peuvent se stabiliser adéquatement (Horak and Macpherson, 1996). Ainsi, Horak et Macpherson (1996), suggèrent que les circuits et les interactions entre la moelle épinière et le tronc cérébral sont insuffisants pour le contrôle normal de la posture.

23 Ganglions de la base & cervelet

Le cervelet est reconnu pour son implication dans l’adaptation des réponses posturales au contexte environnemental et aux exigences de la tâche. Selon Jacobs et Horak (2007), le cortex peut influencer le « central set », qui se définit comme l’état du SNC qui est influencé ou déterminé par le contexte de la tâche (Shumway-Cook and Woollacott, 2007), via deux voies passant soit par le cervelet ou par les ganglions de la base. La voie cortico-ponto- cérébelleuse serait responsable pour l’adaptation des réponses posturales basées sur l’expérience acquise d’un individu (Jacobs and Horak, 2007) alors que les ganglions de la base seraient responsables de la présélection et l’optimisation des réponses posturales basées sur le contexte actuel. De plus, le cervelet permettrait l’intégration et l’ajustement des gains (Park et al., 2004; Jacobs and Horak, 2007). Les sujets atteints d’une lésion cérébelleuse sont incapables d’ajuster l’amplitude de leur réponse posturale suite à une perturbation horizontale de la surface (Horak and Diener, 1994) suggérant que le cervelet est impliqué dans le circuit cortico-tronc cérébral. Une atteinte au niveau des ganglions de la base causée par le Parkinson mène à l’incapacité d’altérer les réponses posturales en fonction : 1) des conditions initiales de la BOS, 2) de l’intention de vouloir employer une stratégie différente et 3) de la direction de la perturbation (Jacobs and Horak, 2007). Ces résultats suggèrent que la voie qui relie les ganglions de la base aux neurones moteurs du cortex est critique pour la présélection d’une synergie optimale en fonction des conditions initiales de la perturbation afin de générer une réponse appropriée au contexte (Jacobs and Horak, 2007)

Cortex

Récemment, certaines études ont suggéré l’implication du cortex dans le contrôle réactif de l’équilibre. En général, il semble être accepté dans la littérature qu’une voie

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transcorticale chez l’humain ne déclenche pas la phase précoce d’une réponse posturale suite à une perturbation, mais serait plutôt impliqué dans les phases plus tardives de la réponse. Toutefois, la présence d’activité corticale reliée aux réponses motrices précédant une perturbation d’équilibre (Jacobs and Horak, 2007; Mochizuki et al., 2010), l’implication de voies corticospinales descendantes dans les corrections posturales (Taube et al., 2006) ainsi qu’un déficit observé au niveau de la coordination de l’activité des muscles posturaux chez les modèles animaux décérébrés (Honeycutt et al., 2009), tendent à suggérer l’implication du cortex dans l’initiation des synergies posturales. D’autres études portant sur la relation entre certaines caractéristiques des réponses posturales et des facteurs psychologiques tels que la cognition (Maki and McIlroy, 2007), l’émotion (Carpenter et al., 2004), l’attention (Redfern et al., 2001) ainsi que le «central set» (Horak et al., 1989), procurent des preuves indirectes pour l’implication du cortex.

Les différentes structures supraspinales mentionnées ci-haut jouent aussi un rôle important dans le contrôle de l’équilibre par l’influence qu’elles exercent sur les réseaux posturaux de la moelle épinière. Ces réseaux spinaux seraient essentiels à l’intégration des différentes informations sensorielles lorsque l’équilibre est perturbé et feront l’objet de la section suivante.

2.2.3 Circuits et mécanismes d’intégration au niveau de la moelle