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I. 2. d. La pollinisation et la croissance du tube pollinique :

2. d. L'implication de l'eau dans la germination du pollen :

Plusieurs procédés durant la reproduction sexuelle chez les végétaux supérieurs nécessitent le mouvement de l'eau entre les cellules ou les tissus, comme cela se produit au cours de la déhiscence de l'anthère et de l'hydratation des grains de pollen après son dépôt sur un stigmate.

La paroi du grain de pollen est caractérisée par l’absence d’exine au niveau des apertures compensée par une double paroi d’intine permettant au grain de pollen une réhydratation rapide, en partie due à une différence de potentiel osmotique entre le grain de pollen et le stigmate (Taylor et Hepler, 1997). Cette réhydratation aboutit à la reprise de l’activité métabolique du grain de pollen, et donc à la croissance du tube pollinique (Lord et Russell, 2002).

Les aquaporines jouent un rôle central au cours de la réhydratation. Les aquaporines végétales peuvent être divisées en quatre sous-familles : plasma

membrane-intrinsic proteins (PIPs), tonoplast-intrinsic proteins (TIPs), nodulin26-like-intrinsic proteins (NIPs) et small and basic membrane-nodulin26-like-intrinsic proteins (SIPs) (Soto et al.,

2008 ; Wudick et al., 2009). Chez A. thaliana, six (sur 35) aquaporines sont exprimées dans le pollen : 2 NIPs (AtNIP7-1, AtNIP4) et 2 TIPs (AtTIP1-3 et dans une moindre mesure AtTIP5-1 (Pina et al., 2005 ; Borges et al., 2008 ; Qin et al., 2009 ; Loraine et al., 2013). Deux SIPs (AtSIP1-1 et AtSIP2-1) ne sont pas spécifiques du pollen mais sont également exprimées dans d'autres tissus (Ishikawa et al., 2005 ; Pina et al., 2005; Li et

al., 2011). Selon les études, des PIPs pourraient également être présentes dans les

parties femelles (Marin-Olivier et al., 2000 ; Dixit et al., 2001).

Parce que ces aquaporines sont principalement localisées dans le tonoplaste, l'apparition des TIPs spécifiques du pollen a souligné le rôle de ces protéines dans le transport de l'eau vacuolaire. Ces aquaporines peuvent aussi faciliter le transport bidirectionnel des petits solutés ou de gaz à travers les membranes cellulaires (Soto et

al., 2008) permettant aussi à celles-ci de jouer un rôle dans la tolérance à la toxicité de

certains éléments (Pang et al., 2010 ; Wudick et al., 2014).

Pour étudier le rôle physiologique putatif des aquaporines dans l'absorption d'eau et la croissance du tube pollinique, quatre gènes PIPs bien caractérisés chez A.

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Ces quatre gènes PIPs ont été choisis parce qu'ils sont fortement exprimés dans les plantes d'A. thaliana (Kammerloher et al., 1994 ; Jang et al., 2004). L'expression a montré que les membres de la sous-famille PIP1 n'améliorent pas l'activité des canaux, tandis que les membres de la sous-famille PIP2 l'améliorent (Bots et al., 2005a). Ceci suggère que ces aquaporines peuvent jouer un rôle dans le transport de l'eau dans le pollen. De plus, les aquaporines de la classe PIP2 seraient nécessaires pour la déshydratation efficace des anthères avant la déhiscence chez le tabac (Bots et al., 2005b).

2. d. 3. L'implication des ions :

Une autre caractéristique remarquable de tubes polliniques en croissance est la distance qu'ils parcourent en une courte durée allant de quelques centaines de micromètres chez A. thaliana et jusqu'à 50 cm chez le maïs (Michard et al., 2009 ; Mouline et al., 2002). L'expansion du tube pollinique, nommée scalariforme, se fait exclusivement à l'extrême apex (Zonia et Munnik, 2008) qui présente une zone "claire" (clear zone ; Campanoni et Blatt, 2007) comme chez le lys (Figure 9) (Cai et al., 2015 ; Hepler et Winship, 2015). Cette zone claire est composée de nombreuses vésicules de sécrétion golgienne qui migrent vers l'apex et s'accumulent sous forme d'anneau dans la région sub-apicale du tube où elles fusionnent avec la membrane plasmique pour soutenir la croissance du tube pollinique (Cheung et Wu, 2008 ; Bove et al., 2008 ; Moscatelli et Idilli, 2009 ; Wang et al., 2010 ; Zonia, 2010 ; Cai et al., 2015 ; Hepler et Winship, 2015). La poussée du cytoplasme entraîne une élongation. En parallèle, un influx de calcium précède la poussée de croissance du tube pollinique (Hepler, 2005 ; Hepler et al., 2012).

Cette croissance exclusivement apicale nécessite des changements coordonnés dans les propriétés de la paroi cellulaire, dans l'endo et l'exocytose, dans la régulation du cytosquelette et des variations des flux ioniques suivies éventuellement par la modification de la pression de turgescence. Des modèles qui tiennent compte de la prévalence soit de l'une soit de l'autre force ont été proposés : un «modèle de la paroi cellulaire» ou un «modèle hydrodynamique», comme forces motrices de la croissance du tube pollinique (Zonia et Munnik, 2011 ; Winship et al., 2011 ; Cai et al., 2015 ; Hepler et Winship, 2015).

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Figure 9 : Représentations de la zone claire (cercles jaunes ; A et B) et de l'apex (cercles rouges ; A et B) du tube pollinique chez le lys suivies d'un schéma de l'apex d'un tube pollinique avec

représentation de la zone claire.

La pointe est caractérisée par une concentration de calcium cytoplasmique élevé, et est remplie par des vésicules sécrétoires denses, qui fusionnent à la membrane. Les organites y compris les mitochondries, RE et appareil de Golgi (du système endomembranaire) sont exclus de l'apex. Les

microtubules et les filaments d'actine cytoplasmiques sont parallèles à la direction de croissance. Des microfilaments plus courts guident la livraison des vésicules à la zone claire

(clear zone ; d'après Cai et al., 2015 et Hepler et Winship, 2015).

2. d. 4. Les différents signaux de guidage :

Chez A. thaliana, le tube pollinique va s'enrouler autour des papilles du stigmate avant de s'introduire dans la paroi entre les cellules des tissus femelles (Edlund et al., 2004). Les tubes vont croître, en traversant le style, adhérant aux cellules du tissu de

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transmission et fournissant des nutriments (Lennon et al., 1998 ; Lord et Russell, 2002, Palanivelu et Preuss, 2000).

Le tube pollinique émerge ensuite vers le septum sur lequel il croît en contact étroit puis sur le funicule pour se diriger vers le micropyle (Lennon et al., 1998) où des mécanismes d'attraction ont été mis en évidence. Parmi ces signaux, un gradient d'acide gamma-aminobutyrique (GABA) régulé par POP2 (pollen-pistil-interaction2), une transaminase qui dégrade le GABA, permettrait le guidage des tubes polliniques vers les ovules (Palanivelu et al., 2003). Ce GABA est donc impliqué dans la croissance du tube pollinique, mais les mécanismes moléculaires et cellulaires qu'il module restent largement inconnus, malgré de nombreuses études (Palanivelu et al., 2003 ; Yu et al., 2006). Il a notamment été démontré que les signaux GABA pouvaient déclencher l'activation de différentes voies qui convergent vers la régulation de la F-actine et directement ou indirectement dans le contrôle du trafic des vésicules et donc la régulation de la croissance dans l'apex du tube pollinique (Dowd et al., 2006). Finalement, un ajout exogène de GABA actionnerait des canaux calciques putatifs sur les membranes plasmiques des grains de pollen et tubes polliniques chez le tabac (Yu et al., 2014).

Un autre acide aminé rare, la D-sérine (D-Ser), a aussi été impliqué dans la croissance des tubes polliniques (Michard et al., 2011). Cet acide aminé serait généré par le pistil à partir de la L-sérine. D-ser serait capable d’activer des GLRs (Glutamate Receptor-like) dans la zone apicale des tubes polliniques permettant un influx de Ca2+

dans le cytoplasme affectant l’intensité et les amplitudes d’oscillations calciques dans le tube. En effet, la plante mutante dont le pistil est déficient en activité serine racemase (SER1, enzyme capable de convertir la L-ser en D-ser) empêche la progression normale des tubes polliniques (Michard et al., 2011).

Chez Torenia fournieri, il a été montré que les tubes polliniques étaient attirés vers les ovules grâce aux polypeptides LUREs (attraction en anglais) riches en cystéines présentant comme SCR/SP11 des similarités avec les défensines et sont sécrétés par les synergides (Higashiyama et al., 2001 ; Okuda et al., 2009). Il est intéressant de noter que les tubes polliniques cultivés in-vitro ne sont pas sensibles à ces peptides alors que ceux cultivés en semi-in-vitro, c'est-à-dire étant préalablement passés à travers le stigmate et le style sont capables de les percevoir (Higashiyama et al., 1998). Ces résultats suggèrent que les tubes polliniques sont rendus compétents à percevoir ces signaux lors de leurs

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croissances dans les différents tissus femelles (Okuda et Higashiyama, 2010 ; Okuda et

al., 2013). Chez le maïs, une attraction micropylaire des tubes polliniques serait aussi

provoquée par un peptide ZmEA1 (Zea mays EGG APPARATUS1) (Márton et al., 2005). Lors de l'arrivée du gamétophyte mâle au sac embryonnaire, le tube pollinique va pénétrer dans une des deux synergides et libérer ses deux cellules spermatiques. L'explosion du tube pollinique serait contrôlée par FERONIA (FER), un récepteur transmembranaire à activité kinase localisé dans l'appareil filiforme des synergides (Escobar-Restrepo et al., 2007). FER contrôlerait directement ou indirectement NORTIA (NTA), un autre récepteur (Kessler et al., 2010). En effet, chez les mutants fer et nta, les tubes polliniques n'explosent pas et continuent à se développer dans le sac embryonnaire (Escobar-Restrepo et al., 2007 ; Kessler et al., 2010). Une étude récente (Duan et al., 2014) a montré que FER contrôle la production élevée des espèces réactives de l'oxygène (ROS) à l'entrée du gamétophyte femelle pour permettre d’induire la rupture du tube pollinique et la libération des cellules spermatiques. Les tests de croissance de tubes polliniques in-vitro et dans le pistil ont démontré que les radicaux libres hydroxyles, probablement les molécules d'oxygène les plus réactives, induisent la rupture du tube pollinique dans un processus dépendant de l’activation des canaux calciques et d’une Rho GTPase (Duan et al., 2014).

Des homologues de FER ont aussi été trouvés dans le tube pollinique (ANXUR1 et ANXUR2). L’analyse des tubes polliniques anxur1/anxur2 a révélé que leur croissance

in-vitro est perturbée (éclatement des tubes dans la zone apicale) et qu’in-vivo ils sont

incapables de fertiliser les ovules (Boisson-Dernier et al., 2009), suggérant qu’ANXUR1 et ANXUR2 joueraient un rôle important dans le maintien de l’intégrité de la paroi du tube dans l’apex. Récemment, il a été montré qu’ANXUR1 et ANXUR2 moduleraient les pulses de calcium dans la zone apicale du tube par activation des canaux calciques et des ROS via l’activité NADPH oxydase (Boisson-Dernier et al., 2013).

De plus, une étude récente portant sur deux nouveaux membres de la voie de signalisation médiée par FER, a révélé que ces deux protéines TURAN (TUN) et EVAN (EVN) sont impliquées dans la N-glycosylation des protéines dans le RE (Lindner et al., 2015). TUN est une protéine appartenant à la famille des UDP-glycosyltransférases, et elle serait nécessaire pour la croissance du tube pollinique, notamment en affectant la stabilité d’ANX1 et d’ANX2, les homologues de FER spécifiques du pollen. EVN serait essentielle pour le développement du pollen. Les phénotypes observés chez ces mutants

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sont les mêmes que pour les mutants fer, à savoir une prolifération de la croisssance du tube pollinique à l'intérieur du gamétophyte femelle sans rupture du tube pollinique, ne permettant pas la fécondation (Lindner et al., 2015).

I. 2. e. La culture in-vitro des tubes polliniques :

L'étude des tubes polliniques est possible in-vitro, notamment grâce à la mise en place de milieux de germination artificiels simples contenant au minimum du saccharose, du bore et du calcium (Boavida et McCormick, 2007). Cette fonctionnalité a permis d’utiliser les tubes polliniques comme d'excellents modèles pour les études de trafic cellulaire, de flux ioniques, de biosynthèse, de mise en place et de remodelage des composés pariétaux (Cai et Cresti, 2009 ; Mollet et al., 2013 ; Cai et al., 2015 ; Hepler et Winship, 2015). Néanmoins, il est à noter que les longueurs de tubes obtenues in-vitro sont très en dessous de celles observées in-vivo en raison sans doute de nombreux composés produits par le pistil et utilisés par les tubes polliniques lors de leurs croissances (Lord, 2000).

La capacité des grains de pollen à germer et des tubes polliniques à pousser

in-vitro est très dépendante des espèces. Les tubes polliniques de lys, de tabac, de pois ou

de tomate sont cultivés très facilement et ont des croissances rapides (Mollet JC, communication personnelle). Pour A. thaliana, la culture in-vitro a été plus problématique. En effet, le premier milieu de germination de pollen développé par Fan

et al. (2001) a permis l'obtention de tubes polliniques assez courts (environ 135 µm de

longueur) avec un taux de germination n'excédant pas 75%. Les conditions de culture ont été optimisées six années plus tard par Boavida et McCormick (2007). Ce milieu permet d'obtenir des taux de germination proches de 80% et des longueurs de tubes supérieures à 1 mm après 12 h de culture. Récemment, l’ajout exogène de 0,25 mM de spermidine ou 10 mM de GABA et la culture sur membrane de cellulose ont permis d’obtenir des taux de germination de l’ordre de 90% bien que la longueur des tubes restât inférieure (entre 300 et 800 µm après 24 h de culture) (Rodriguez-Enriquez et al., 2013) à celle obtenue dans le milieu de Boavida et McCormick (2007).

Le choix du milieu de culture est central lors de travaux sur la germination et la croissance du pollen. En effet, la composition du milieu de culture peut fortement influencer l'expression de gènes et plus particulièrement l’expression de gènes

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impliqués dans la biosynthèse et le remodelage des composés pariétaux (Costa et al., 2013). De même, l’utilisation d’un milieu sub-optimal peut aussi exacerber un phénotype lors d’études de mutants. De ce fait, le choix du milieu de culture lors d’études in-vitro doit être bien défini au départ. Notre choix s’est porté sur le milieu développé par Boavida et McCormick (2007) qui est actuellement largement utilisé par la communauté scientifique et en routine au laboratoire depuis plusieurs années (Dardelle et al., 2010 ; Dumont et al., 2014 ; Paynel et al., 2014 ; Leroux et al., 2015 ).

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