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8 Famille des récepteurs ErbB/HER à activité tyrosine kinase

8.6 Famille HERs et cancer

8.6.1 Mécanisme contribuant à l’activation constitutive d’HERs

8.6.1.1 Mutations HERs

8.6.1.1.4 Implication clinique des mutations EGFR

L’implication des mutations EGFR dans la réponse aux ITK (inhibiteurs de tyrosine kinase) a été démontrée dans de nombreuses études. Les études initiales étaient rétrospectives fondées sur données des patients traités par Gefitinib ou Erlotinib avant que le statut des mutations EGFR soit connu. En général, ces études montrent un taux de réponse d'environ 75% pour les patients dont les tumeurs présentent des mutations par rapport au taux de réponse de moins de 10% pour ceux de type EGFR sauvage (Lynch, Bell et al. 2004; Paez, Janne et al. 2004; Pao, Miller et al. 2004; Cappuzzo, Hirsch et al. 2005; Tsao, Sakurada et al. 2005)

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Ces résultats ont été confirmés dans cinq études prospectives réalisées dans l’objectif de déterminer les taux de réponse aux ITK dans des patients caucasiens et asiatiques, dont les tumeurs porteuses des mutations EGFR (Riely, Politi et al. 2006). En total, 74 des 95 patients (78%) dont les tumeurs avaient soit des délétions dans l’exon 19, soit des mutations L858R ont répondu aux ITK. Ces études ont confirmé que le statut des mutations EGFR est un facteur prédictif de la réponse aux ITK. Par ailleurs, plusieurs séries rétrospectives ont noté que la survie des patients traités par Gefitinib ou Erlotinib était plus longue dans les patients ayant des mutations EGFR que dans ceux sans ces mutations. Certains ont trouvé que cette survie prolongée peut néanmoins se produire même en l'absence de traitement par ITK dans des patients traités chirurgicalement (Haneda, Sasaki et al. 2006), tandis que d'autres n'ont trouvé aucune différence dans la survie globale, en l’absence de ITK, entre les patients ayant des mutations EGFR et ceux avec EGFR sauvage (Shigematsu, Lin et al. 2005). Paz-Ares et al. ont effectué une méta-analyse sur des données publiées concernant les patients dont les tumeurs portent des mutations activatrices de l’EGFR, traités par Erlotinib, Gefitinib ou chimiothérapie standard (Paz-Ares, Soulieres et al. 2010). Cette étude montre que les patients traités, en première ligne et plus, par Erlotinib ou Gefitinib ont une durée médiane de survie sans progression significativement plus longue (13,2 mois pour l’Erlotinib et 9,8 mois pour le Gefitinib) que les patients traités par chimiothérapie standard (5,9 mois). L’étude IPASS (Iressa Pan-Asia Study) a comparé le Gefitinib en première ligne versus carpoblatine/paclitaxel (Mok, Wu et al. 2009). Les patients inclus étaient non-fumeurs ou ex-fumeurs et atteints d'adénocarcinomes bronchiques. Dans les 437 patients évaluables, les mutations d'EGFR ont été trouvées chez 59,7%. Les patients traités par Gefitinib avaient une maladie sans progression (MSP) supérieure à ceux traités par chimiothérapie. L’analyse en sous-groupes a démontré aussi que les patients ayant des mutations EGFR avaient une MSP supérieure avec le Gefitinib à la chimiothérapie. Enfin, une équipe espagnole a recherché, de manière prospective, les mutations activatrices de l’EGFR chez 2105 patients atteints du cancer bronchiques du poumon non à petites cellules (Rosell, Moran et al. 2009). Des mutations ont été mises en évidence chez 350 patients, soit un taux de mutation de 16,6 %. L’Erlotinib a été administré à 217 patients EGFR muté (dont 113 en première ligne et 104 en seconde ligne). Le taux de réponse a été de 70,2 %, dont 12,2 % de réponses complètes. La durée moyenne de survie sans progression était de 14 mois et la durée moyenne de survie 27 mois. Les patients présentant une mutation activatrice de l’EGFR dans leur tumeur ont un bénéfice accru au traitement par ITK-EGFR en termes de taux de réponse, de durée de survie

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sans progression et de survie globale par rapport à ceux dont la tumeur présente la forme sauvage de l’EGFR.

L’explication proposée pour cette sensibilité aux ITK est que ces mutations entraînent des changements de configuration provoquant ainsi un repositionnement des résidus critiques autour de sillon de fixation d’ATP et la stabilisation de l’interaction d’ATP et ITK augmentant l’activité des récepteurs d’une part et d’autre part, en les rendant sensibles à ces drogues. Cependant, malgré une réponse primaire aux ITK, les patients avec mutations EGFR atteignent rarement une réponse complète. La présence de la tumeur et la poursuite du traitement avec le Gefitinib ou Erlotinib fournissent une pression sélective pour le développement des cellules tumorales ayant une résistance acquise au Gefitinib ou à l'Erlotinib. Les mécanismes de cette résistance acquise commencent à être élucidés. Des études ont montré que des mutations supplémentaires dans EGFR sont trouvées dans les échantillons ayant une résistance acquise (Kobayashi, Boggon et al. 2005; Pao, Miller et al. 2005). La lésion majeure identifiée à ce jour est une mutation T790M dans l'EGFR qui a été rapportée chez environ la moitié des tumeurs de patients après progression de la maladie (Kobayashi, Boggon et al. 2005; Pao, Miller et al. 2005; Kosaka, Yatabe et al. 2006). Cette substitution T790M dans EGFR pourrait bloquer la liaison de l'Erlotinib et du Gefitinib au sillon de fixation d’ATP (Jackman, Holmes et al. 2006).En plus, d’autres mutations associées à la résistance aux ITK ont été déterminées dans l’exon 19 et 20 (D761Y dans l'exon 19, insertion dans l’exon 20 (D770_N771insNPG) (Kwak, Sordella et al. 2005; Balak, Gong et al. 2006). Le second mécanisme majeur de la résistance acquise aux ITK est l'amplification observée des récepteurs MET chez vers 20% des patients de CBNPC et ayant développé cette résistance (Engelman, Zejnullahu et al. 2007). L’amplification de MET peut entrainer la stimulation de signalisation de phosphoinositide-3-kinase via HER3, indépendamment de l'EGFR (figure 18). L'amplification de MET se produit indépendamment de la mutation T790M, bien que les deux peuvent se produire simultanément chez le même patient (Bean, Brennan et al. 2007). D’autres mécanismes peuvent aussi expliquer la résistance aux ITK telles la mutation KRAS (Linardou, Dahabreh et al. 2008) et la perte de l’expression PTEN (régulateur négatif de PI3K) (Mellinghoff, Cloughesy et al. 2007).

76 (Figure 18) Amplification MET active la signalisation de phosphoinositide 3-kinase (PI3K) via HER3/ErbB3, indépendamment de l'EGFR. En présence d’ITK qui bloque l’activité kinase d’EGFR, l’activation d’HER3 peut être maintenu via les récepteurs MET, ce qui conduit à la résistence aux ITK (Cadranel, Zalcman et al. 2010).