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1 Partie I : Altération de la voie p53 dans le CBNPC porteurs d’une mutation d’EGFR ou KRAS

1.4 Discussion

Nos résultats ont montré que la sélection des patients a favorisé l’enrichissement de la population par mutations EGFR. La connexion p53/p14arf était altérée dans la majorité, mais pas dans tous les adénocarcinomes pulmonaires portant des mutations EGFR ou KRAS. Les mutations TP53 ne diffère entre les fumeurs et les non fumeurs qu’au niveau de leur type où les mutations de type transversion G>T sont plus fréquent chez les fumeurs

1.4.1 Association des altérations de la voie p14arf /p53 et mutations d’EGFR/KRAS

Le résultat essentiel de ce travail est que la grande majorité des tumeurs porteuses de mutations pour EGFR ou KRAS présente une inactivation de la voie p53 par mutation de TP53 et/ou par perte de l’expression de p14arf. Ce résultat suggère un rôle important de

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l’inactivation de la voie p53 pour l’émergence des tumeurs porteuses des mutations d’EGFR ou de KRAS.

Dans les cas où nous n’avons pas trouvé des altérations dans la voie p53/p14arf, plusieurs explications sont possibles : tout d'abord, nous avons séquencé les exons 5 à 9 sur TP53, qui contiennent environ 90% de toutes les mutations décrites dans le cancer du poumon (http://www-p53.iarc.fr). Par conséquent, il est possible qu'un petit nombre de cancers portent des mutations dans d'autres régions du gène. Deuxièmement, bien que la perte ou la diminution de l'expression p14arf puisse résulter de divers mécanismes d'inactivation du gène ARF (hyperméthylation de promoteur, régulation transcriptionnelle), il est possible que certains mécanismes d'inactivation n’entraînent pas de diminution de son expression, par exemple par mutations faux-sens rare qui peut conduire à l'expression d'une protéine inactive (Polager et Ginsberg 2009). Troisièmement, la voie p53/p14arf implique de nombreux facteurs qui n’ont pas été analysés ici, et que leur dérégulation pourrait contribuer aux altérations de cette voie comme le facteur de transcription E2F1 et mdm2. La prise en compte de toutes ces possibilités rend notre évaluation actuelle, de la prévalence des altérations de la connexion de p53/p14arf dans les adénocarcinomes bronchiques porteurs des mutations EGFR ou KRAS, réservée. Des études supplémentaires seront donc nécessaires pour bien éclaircir ce phénomène

Nos résultats confortent néanmoins l’hypothèse selon laquelle les altérations de la voie p53 contribue au potentiel transformant des mutations d’EGFR (Sato, Vaughan et al. 2006; Mounawar, Mukeria et al. 2007). Ainsi, les mutations d’EGFR qui activent constitutivement le domaine tyrosine kinase intracellulaire de ce récepteur entraine un signal consitutif de prolifération cellulaire et stimule la formation de néovaissaux ainsi que la capacité métastatique des cellules tumorales (Hanahan and Weinberg 2000). La levée de freinage de prolifération suite à l’inactivation de la voie suppresseur de la tumeur (p53), par ailleurs, confère aux cellules comportant des mutations EGFR un avantage sélectif de prolifération, ce qui concourt à l’acquisition d’un phénotype cancéreux complet (figure 28).

116 (Figure 28) Schématisation représentative de la relation entre les altérations de la voies p53/p14 et l’émergence des tumeurs induites par mutation EGFR

1.4.2 Impact des altérations de la voie p53 sur la réponse aux ITK dans les cancers bronchiques porteurs de mutation d’EGFR

L'émergence des thérapies ciblées visant à moduler spécifiquement des activités oncogéniques identifiées comme responsables de l’acquisition des propriétés cancéreuses, suscite de grands espoirs dans la prise en charge des patients atteints de CBNPC. La sensibilité du patient à ces médicaments dépend de manière critique de la suractivation de la cible pharmacologique du médicament. Toutefois, les séries cliniques montrent que la présence ou l'absence d'une telle modification n'est pas suffisante pour prédire à long terme des réponses à ces traitements. Par exemple, les patients avec des mutations activatrices de l'EGFR n’atteignent pas le même degré de réponse aux ITK d’EGFR. Dans l'étude IPASS, la première grande étude évaluant le gefitinib en première ligne contre les patients traités par chimiothérapie, les patients porteurs de mutations EGFR traités par gefitinib (n = 132) ont présenté des réponses complètes ou partielles, certains ont vu la maladie se stabiliser ou progresser dans 2,3%, 68,9%, 20,5% et 7.6 % des cas respectivement (Mok, Wu et al. 2009). Cette hétérogénéité dans la réponse aux ITK pourrait être due, au moins en partie, à l’altération dans la voie suppresseur de la tumeur (p53). Ainsi, la perte de la fonction de p53 a entraîné une diminution de la sensibilité à l’imatinib (inhibiteur de protéine kinase BCR-ABL) dans des models de leucémie myéloïde chronique (Wendel, de Stanchina et al. 2006). Dans une étude plus récente, la restauration de la fonction de p53 via le transfert de gène TP53 dans les cellules de cancer de prostate PC3 dépourvues de TP53 a rendu ces cellules

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sensibles au cetuximab (anticorps monoclonale anti-EGFR (Bouali, Chretien et al. 2009). Dans une autre étude réalisée en utilisant les cellules A549 et NCI-H1299, la p53 fonctionnelle a augmenté la réponse apoptotique suite au traitement par gefitinib (Rho, Choi et al. 2007).

Ces données indiquent le rôle important de p53 dans la réponse aux certains traitements anticancéreux. Ceci peut être en relation avec le rôle apoptotique de p53. La p53 fait partie des voies apoptotiques responsables des signaux apoptotiques qui contrecarrent les signaux anti-apoptotiques de la protéine Bcl2. L’inactivation d’une seule de ces voies apoptotiques dans des cellules exprimant une activité oncogénique permettrait à la cellule d’acquérir d’un phénotype prolifératif excessif. C’est le cas par exemple, pour la surexpression de Myc, dans des modèles murins de lymphome B. Cette surexpression entraîne une activation des voies apoptotiques dépendantes des protéines de p53 ou de BIM (protéine apoptotique fait partie de la famille Bcl-2 qui comporte aussi bien des membres aux propriétés anti-apoptotiques que des membres aux propriétés apoptotiques). L’inactivation d’une seule de ces deux dernières suffit à engendrer le développement tumoral (Evan, Wyllie et al. 1992; Hermeking and Eick 1994; Schmitt, McCurrach et al. 1999; Egle, Harris et al. 2004) (figure 29). Un autre exemple s’observe également dans le lymphome humain Burkitt, où la dérégulation de deux protéine Bim et p53 existent, mais sont mutuellement exclusifs. Ainsi, les signaux dépendants et indépendants de p53 agissent en parallèle afin de promouvoir l’apoptose et de réprimer la tumorigenèse. La combinaison de ces signaux est nécessaire pour surmonter les effets anti-apoptotiques de la famille Bcl-2. L'inactivation de l'une de ces voies anti-apoptotiques peuvent cependant inhiber le déclanchement de l’apoptose permettant ainsi la prolifération excessive (Evan, Wyllie et al. 1992; Hermeking and Eick 1994; Schmitt, McCurrach et al. 1999; Egle, Harris et al. 2004; Hemann, Bric et al. 2005).

118 (Figure 29) Surmonter le seuil anti-apoptotique déterminé par les membres de la famille Bcl2. Les signaux apoptotiques dépendants de p53 incluant l’induction de Bax, de Puma et de Noxa et l’inhibition directe de Bcl2 synergie avec les signaux indépendants de p53 comme l’induction de Bim afin de contrecarrer la fonction anti-apoptotique de Bcl2.(Hemann and Lowe 2006)

Dans les CBNPC porteurs des mutations d’EGFR, il est possible que l’opposition de signal anti-apoptotique induite par EGFR suractivé (par mutation) nécessite l’intégrité de l’ensemble des voies pro-apoptotiques et l’inactivation de l’une de ces voies pourrait conduire ainsi à une prolifération cellulaire excessive. De même, la réponse optimale aux ITK peut aussi dépendre de l’intégrité des ces voies pro-apoptotiques dans ces tumeurs.

Ainsi, Le gefitinib, induit l’apoptose par mécanisme dépendant de la protéine pro-apoptotique BIM (Costa, Halmos et al. 2007; Cragg, Kuroda et al. 2007; Gong, Somwar et al. 2007). Bien que l’expression de BIM ne soit pas dépendant de p53, ce dernier peut cependant stimuler l’expression d’autre membre de la famille Bcl-2 tel PUMA. Récemment, il a été montré que PUMA, est également un acteur essentiel de l’apoptose induite par le gefitinib dans les cellules de cancer ORL (Sun, Ming et al. 2009). Donc, la réponse au gefitinib dépend sur des voies apoptotiques dépendantes et indépendantes de p53 qui contrecarrent les effets antiapoptotiques Bcl2. Il est possible que l’altération de l’une de ces voies provoque un signal apoptotique plus faible, se traduisant par une réponse limitée aux ITK.

Noxa Puma Myc Bim P53 Bcl-2 Bax Apoptose Apoptose Threshold

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1.4.3 Mutations EGFR/KRAS, TP53 : caractéristiques

Dans ce travail, nous avons sélectionnés les patients afin d’avoir une plus grande représentation des non fumeurs ou des femmes que dans la population générale des adénocarcinomes bronchiques. Comme prévu, la sélection des patients a permis d’enrichir la population en mutations d’EGFR. Ainsi, dans cette série, le taux de mutations de l'EGFR (34,4%) était plus élevé que dans les patients caucasiens non sélectionnés (Rosell, Moran et al. 2009). Par contre, le taux de mutations de KRAS (15,8%) est légèrement inférieur à celui de la série non sélectionnée, ce qui est compatible avec le fait que les mutations de KRAS sont rares chez les non fumeurs.

Les mutations de TP53 ont été détectées dans 42 des 93 cas (45,2%) sans différence dans leur fréquence entre les fumeurs et les non fumeurs, ce qui est concordant avec deux autres séries de la littérature (37.5% 142/376) (Jin, Kim et al. ; Kosaka, Yatabe et al. 2009). Cette concordance a aussi été retrouvée avec la différence significative entre les fumeurs et les non fumeurs dans les types de mutations où une fréquence très élevée de mutations de type de transversion se trouve chez les fumeurs (61% vs 9%, p <0,001). Cela peut être expliqué par l’effet que ce type de mutation résulte des lésions de l'ADN par les carcinogènes du tabac tels que les hydrocarbures aromatiques polycycliques (Pfeifer, Denissenko et al. 2002). Cependant, il est intéressant de noter que chez les non fumeurs, le gène TP53 subi une pression mutagènique très élevée comme chez les fumeurs, malgré l'absence des effets de carcinogènes du tabac. Cette observation corrobore l'hypothèse que la prévalence relativement élevée de mutations de TP53 chez les non fumeurs est due à une forte pression de sélection afin de désactiver son rôle en tant que sauvegarde contre le stress oncogénique.