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GLIOMES Tumeurs astrocytaires

V.3 Implication des cellules souches et/ou progénitrices dans la cancérogenèse

Ces trente à quarante dernières années, un faisceau d’arguments a mis en évidence qu’il existait un lien entre des cellules souches et/ou progénitrices et l’émergence de tumeurs (Jordan et al., 2006; Oliver and Wechsler-Reya, 2004; Reya et al., 2001; Vescovi et al., 2006; Zhang and Rosen, 2006). Cette hypothèse repose sur deux aspects majeurs concernant d’une

part les propriétés intrinsèques de ces cellules souches et/ou progénitrices et d’autre part le phénotype observé dans la plupart des tumeurs malignes.

V.3.1 Les propriétés intrinsèques des cellules souches

Les cellules souches sont présentes en nombre restreint dans de nombreux tissus et participent activement à la physiologie de ceux-ci. En effet, elles sont capables de se diviser de façon asymétrique tout au long de la vie pour générer des cellules plus différenciées participant dans un premier lieu à la mise en place et au développement d’un tissu ou d’un organe puis à son maintien tout au long de la vie (homéostasie cellulaire). Ces cellules possèdent donc un pouvoir d’auto-renouvellement et prolifératif quasiment infini tout comme les cellules cancéreuses. La différence entre ces deux populations cellulaires réside dans le contrôle de cette capacité proliférante. Si la biologie des cellules souches est finement régulée, celle des cellules cancéreuses apparaît comme une anarchie avec la perte de nombreux phénomènes de régulation. En outre, de nombreuses observations cliniques et études génétiques mettent en évidence que la plupart des cancers requière une accumulation de plusieurs altérations génétiques (Hanahan and Weinberg, 2000) et que le développement de cancers s’étend sur plusieurs années. Toutes ces données convergent vers l’idée qu’une population ayant une durée de vie longue et un auto-renouvellement lent soit la cible de mutations transformantes. De ce fait, les cellules souches et/ou progénitrices peuvent, par des mutations simples ou complexes, acquérir des caractéristiques de cellules cancéreuses (Jordan et al., 2006; Reya et al., 2001).

V.3.2 Les phénotypes tumoraux

Les analyses histologiques, immunohistochimiques et génétiques d’un grand nombre de tumeurs ont permis d’étayer la thèse que les cellules souches et/ou progénitrices sont responsables de l’initiation et de l’expansion tumorale. Comme dans les tissus normaux, les tumeurs semblent s’organiser de façon hiérarchique avec la présence d’un grand nombre de cellules plus ou moins différenciées. En conséquence, les tumeurs sont pourvues d’une forte hétérogénéité cellulaire suggérant qu’une cellule aux potentialités multiples serait capable de générer le contingent cellulaire de la masse tumorale. D’un point de vue cellulaire, les tumeurs les plus malignes ont la particularité d’être très indifférenciées. Par conséquent, des cellules cancéreuses expriment de nombreux marqueurs de cellules souches et de cellules progénitrices (Al-Hajj and Clarke, 2004; Al-Hajj et al., 2003; Bonnet and Dick, 1997; Hemmati et al., 2003; Ignatova et al., 2002; Jordan et al., 2006; Lapidot et al., 1994; Shoshan

et al., 1999; Singh et al., 2004a; Singh et al., 2003; Singh et al., 2004b; Wang and Dick, 2005). Des analyses génétiques tumorales révèlent des mutations dans certains gènes intervenant dans des voies de signalisation connues pour réguler l’auto-renouvellement des cellules souches, comme les voies Notch, Shh et Wnt (Reya and Clevers, 2005; Reya et al., 2001; Taipale and Beachy, 2001; Wechsler-Reya and Scott, 2001).

V.3.3 La notion de cellules souches cancéreuses (« cancer stem cells »)

Le concept énonçant que les cellules souches pourraient être importantes dans l’étiologie des cancers a été évoqué la première fois en 1875 par Cohnheim dans sa théorie des restes embryonnaires (Cohnheim, 1875). Ce paradigme n’a été repris qu’un siècle plus tard par James Till (Till, 1982). A l’époque, des limites techniques ne permettaient pas de tester le pouvoir tumorigène de cellules dans des êtres vivants. Le concept fut donc délaissé pendant près d’un siècle. C’est le laboratoire de John Dick en 1994, avec des travaux sur la lignée hématopoïétique, qui a mis en évidence pour la première fois ce concept de cellules souches cancéreuses. En effet, le premier argument est que le transfert de cellules souches de la moelle osseuse d’un patient atteint de leucémie vers la moelle de souris irradiées, génère des leucémies (Bonnet and Dick, 1997; Lapidot et al., 1994). Le deuxième argument est que seulement une faible proportion de cellules tumorales possède ce pouvoir tumorigène et qu’elles ont la capacité de proliférer in vitro sur de longues périodes. Ces dernières années, de nombreux travaux sont venus étayer cette théorie mettant en exergue que dans les tumeurs, des cellules souches cancéreuses sont présentes en faible nombre, possèdent un potentiel prolifératif indéfini, sont responsables de l’initiation et de la croissance tumorale et peuvent être la cause des résistances aux thérapies conventionnelles (Al-Hajj et al., 2004; Bonnet and Dick, 1997; Jordan et al., 2006; Lapidot et al., 1994; Polyak and Hahn, 2006; Reya et al., 2001; Singh et al., 2004a; Zhang and Rosen, 2006). L’ensemble de ces données permet d’avancer que des mutations intervenant dans une population de cellules souches peuvent générer ces cellules souches cancéreuses (« cancer stem cells »). D’autres études démontrent que des cellules progénitrices mutées peuvent également être à l’origine de l’existence de ces « cancer stem cells » (Cozzio et al., 2003; Huntly et al., 2004; Jamieson et al., 2004; Krivtsov et al., 2006). L’ensemble de ces théories est résumé en figure 15.

En conclusion, ces « cancer stem cells » se définissent uniquement fonctionnellement par des caractéristiques intrinsèques communes aux cellules souches et par leur aptitude à former de nouvelles tumeurs identiques à celles dont elles proviennent (Clarke et al., 2006;

transposé à différents types de cancers humains et démontré pour les leucémies, les cancers solides du sein et les tumeurs cérébrales (Al-Hajj et al., 2003; Bonnet and Dick, 1997; Lapidot et al., 1994; Singh et al., 2004a; Singh et al., 2004b).

Figure 15 : Les cellules souches et/ou progénitrices, cibles de mutations transformantes

Les cellules souches s’auto-renouvellent à l’infini et sont donc par définition clonogéniques. Ces mécanismes d’auto-renouvellement sont finement régulés au cours du développement et du maintien d’un organe donné. De ce fait, des mutations intervenant dans ce système entraînent des dérégulations et permettent l’acquisition d’un pouvoir tumorigène. De la même façon, les cellules progénitrices peuvent subir également diverses altérations les rendant ainsi clonogéniques et tumorigènes.

V.3.3.1 Les « cancer stem cells » dans la lignée hématopoïétique

La biologie des cellules souches du système hématopoïétique est la mieux caractérisée de tous les tissus somatiques. En effet, depuis plusieurs décennies, les propriétés physiques, biologiques et développementales des cellules souches hématopoïétiques normales ont été décrites (Kondo et al., 2003; Shizuru et al., 2005) ne laissant subsister aucun mystère sur le lignage cellulaire des cellules sanguines. Ces connaissances ont permis de comprendre et d’appréhender les principes majeurs de la biologie des cellules souches cancéreuses (Pardal et al., 2003). L’existence de ces « cancer stem cells » fut révélée dans le contexte de leucémies pour la première fois (Lapidot et al., 1994). Les premières études montraient qu’une faible proportion de cellules issues de leucémies était capable de proliférer intensivement in vitro et

tumeur ne possédaient pas les mêmes propriétés au moins d’un point de vue prolifératif. Afin de prouver qu’une population particulière de cellules cancéreuses était responsable de la genèse tumorale, des techniques de tri cellulaire, faisant appel à toute un ensemble de marqueurs de surface caractéristiques de différents types cellulaires, en particulier de cellules souches, furent réalisées et ont permis l’isolation de différentes populations tumorales. Le laboratoire de John Dick fut pionnier dans le domaine. A partir de leucémie myéloïde aigue humaine, ils révèlèrent qu’une faible proportion de cellules leucémiques présentent toutes les caractéristiques antigéniques de cellules souches hématopoïétiques normales. A l’aide de ces marqueurs de surface, cette population a pu être isolée et réinjectée dans la moelle osseuse de souris immunodéprimées. Ces cellules sont capables de générer dans ces animaux le même type d’affections sanguines que celles observées dans les patients humains dont les cellules proviennent (Bonnet and Dick, 1997; Lapidot et al., 1994; Warner et al., 2004). Ces résultats mettent en exergue la véracité de l’existence de « cancer stem cells » dans différentes formes de leucémies humaines et que ces cellules possèdent un fort pouvoir tumorigène (figure 16) (Wang and Dick, 2005). Ces cellules seront nommées cellules souches initiatrices de leucémie (leukemia-initiating-stem cells).

Figure 16 : Les cellules souches hématopoïétiques sont des vecteurs de leucémies

Les cellules souches hématopoïétiques se divisent de façon asymétrique pour donner naissance à des progéniteurs plus différenciés et aux potentialités plus réduites. Ces progéniteurs se différencient pour donner l’ensemble des cellules sanguines. Dans le cas de leucémies, ces cellules souches hématopoïétiques subissent des mutations qui les rendent tumorigènes et malignes et surtout incontrôlables. En effet, la dérégulation de leur système d’auto-renouvellement conduit à une prolifération cellulaire anarchique et génère ainsi une leucémie.

V.3.3.2 Les « cancer stem cells » dans les tumeurs solides du sein

Ce concept a été admis par la communauté scientifique puis transposé à d’autres types de tumeurs notamment d’origine épithéliale. C’est ainsi que l’équipe de Michaël Clarke a également mis en évidence, au sein de cancers pulmonaires, la présence d’une faible proportion de « cancer stem cells ». Cette population a été isolée grâce au profil de marqueurs de surface CD44+/CD24-. Ces cellules sont capables de former des colonies in vitro. La réinjection des fractions cellulaires, triées suivant ces marqueurs, montre d’une part, que seules les cellules CD24- sont aptes à reformer une tumeur similaire à la tumeur originelle et d’autre part qu’elles donnent naissance à des cellules CD24+. De ce fait, les cellules CD24- ont été décrites comme une population de « cancer stem cells » responsable de la genèse et du développement tumoral (Al-Hajj and Clarke, 2004; Al-Hajj et al., 2003; Dontu et al., 2003).

V.4 Implication des cellules souches/progénitrices neurales dans l’étiologie des