• Aucun résultat trouvé

Article 3 - «Longitudinal follow-up of blood telomere length in children who are HIV-exposed uninfected

II. Discussion générale et perspectives

4. Implication des altérations génomiques dans la santé des enfants exposés non infectés

4.1. Déplétion et délétion de l’ADNmt

La déplétion de l’ADNmt au cours de la première année de vie ainsi que la forte prévalence (>99%) de CHEU présentant une délétion de l’ADNmt aussi bien à D7 qu’à la fin de l’exposition à la prophylaxie (W50) questionnent sur le devenir de la santé des CHEU sur le long terme. A la fin de l’exposition à la prophylaxie ARV, aucun des enfants ne présentait de signes cliniques de pathologies mitochondriales même si le diagnostic de telles pathologies nécessite des investigations métaboliques, biochimiques, histo-pathologiques et requiert parfois l’utilisation d’imageries par résonnance magnétiques (IRM) cérébrales. Nous n’avons pas pu analyser si la déplétion de l’ADNmt était associée à une hyperlactatémie, proxy de toute dysfonction mitochondriale, le dosage des lactates n’ayant pas été effectué dans l’essai PROMISE PEP. Nous support biologique ne permettait également pas de mesurer l’activité des complexes enzymatiques de CRM, ni d’apprécier la morphologie et le nombre des mitochondries.

170

Si la délétion de l’ADNmt peut sembler alarmante au premier abord, ce constat reste toutefois à nuancer. En effet, bien que les délétions de l’ADNmt ne puissent pas être réparées et que ce type de mutation soit connu pour s’accumuler avec l’âge348, leurs traductions en signes cliniques spécifiques restent le plus souvent rares en raison d’un faible taux d’hétéroplasmie mitochondrial (coexistence de copies d’ADNmt sauvages et mutées). En ce sens, les CHEU que nous avons analysés ne présentaient aucun signe clinique de cytopathies mitochondriales, comme ci-dessus mentionné. A ce jour, deux études se sont brièvement intéressées à la délétion de l’ADNmt des CHEU sans déceler leur présence dans les PBMC d’enfants de 18 mois exposés in utero et en postnatal aux INTI347, ou dans les cellules du cordon ombilical344. Les approches techniques n’étaient cependant pas les plus appropriées pour conclure de façon définitive. La forte prévalence de CHEU présentant une délétion de l’ADNmt à D7 dans notre étude reste néanmoins inquiétante et interroge. Elle soulève également la question de l’évolution de ces délétions suite à l’ajout d’une prophylaxie ARV, à la fois sur le court et sur le long terme. Si la double exposition de ces enfants au VIH et à la prophylaxie ARV maternelle pendant la grossesse ne permet pas de conclure quant à la contribution de chacun dans l’instauration précoce de cette instabilité génomique, il semblerait tout de même que le virus lui-même et/ou les protéines libres y jouent un rôle primordial, en témoigne la prévalence d’enfants porteurs d’ADNmt délétés de 86.8% chez les CHEU d’Afrique du Sud âgés de 6 semaines qui n’ont jamais été exposés aux ARV (CHEU issus programme SAPMTCT). Il est évident que ces observations requièrent davantage d’investigations. En ce sens, des analyses sont actuellement en cours, avec la collaboration du Département de Biochimie et de Génétique du Centre Hospitalier Universitaire d’Angers, afin de dresser un profil exhaustif des mutations, incluant les délétions, chez les CHEU de l’essai PROMISE PEP et PROMISE M&S grâce à la technologie eKLIPse développée par leur laboratoire et combinant une approche de séquençage de nouvelle génération à un algorithme d’analyse de séquence535. Les résultats préliminaires portent en première approche sur 32 CHEU à D7 et confirment ceux rapportés dans ces travaux de thèse avec une prévalence de 75% (24/32) de CHEU présentant des molécules d’ADNmt délétées à D7 (délétions simples et multiples), avec un taux d’hétéroplasmie variant de 0.01% à 84%. Parmi ces enfants, 91% étaient porteurs de larges délétions (supérieures à 6000 paires de bases).

171

Finalement, la déplétion de l’ADNmt au cours de la première année de vie n’a pas entraîné un retard de croissance ou du développement neuro-psychomoteur des enfants à 6 ans. La suspicion d’une éventuelle pathologie mitochondriale n’a par ailleurs été évoquée pour aucun des CHEU. Deux cas de cécité ont cependant été rapportés, un au Burkina Faso et un en Zambie, sans pouvoir établir avec certitude une origine mitochondriale puisque aucune investigation clinique n’a été réalisée lors de la visite de suivi. L’utilisation de l’éthambutol chez l’enfant zambien dans le cadre de son traitement pour la tuberculose pourrait cependant en être à l’origine (effet indésirable rare). Si la santé des CHEU se veut ainsi plutôt rassurante à 6 ans, il ne faut toutefois pas oublier que l’apparition des pathologies mitochondriales est généralement progressive et peut prendre plusieurs dizaines années. Il n’est ainsi pas exclu que les altérations de l’ADNmt que nous avons observées n’aient pas de répercussions à plus long terme chez ces enfants. Seul le suivi de ces CHEU à l’adolescence et à l’âge adulte permettrait d’apporter de telles précisions.

4.2. Raccourcissement de la longueur des télomères

Bien que la longueur des télomères ne variait pas dans son ensemble au cours de la première année de vie, nous avons identifié des CHEU qui présentaient leur raccourcissement, avec une prévalence de 44.3%. Si cette attrition télomérique constitue un processus physiologique bien connu, en particulier pendant l’enfance, elle peut néanmoins être associée à des anomalies cytogénétiques. Rappelons que les télomères jouent un rôle crucial dans le maintien de la stabilité génomique en empêchant la fusion des chromosomes entre eux362,363. N’assurant plus cette fonction, les télomères raccourcis peuvent donner lieu à la formation d’un pont entre les deux chromatides sœurs lors de la mitose, empêchant ainsi la ségrégation normale des chromosomes entre les deux cellules filles et donnant naissance à la formation de micronoyaux. De façon intéressante, une étude menée chez le modèle primate Erythrocebus Patas a observé une augmentation significative du nombre de micronoyaux dans les cellules mésenchymateuses des nouveau-nés exposés in utero à la combinaison AZT/3TC, avec une persistance de ces anomalies cytogénétiques à l’âge de 3 ans536. Chez les CHEU, une étude a rapporté une augmentation de la fréquence d’apparition de micronoyaux dans les érythrocytes de CHEU exposés in utero et en postnatal à l’AZT. Cette analyse étant impossible à réaliser sur DBS, nous avions néanmoins mis au point un protocole de marquage des micronoyaux à partir de cellules en culture. Nos expériences prévoyaient de générer une population de fibroblastes à partir de bulbes capillaires prélevés sur les CHEU de Zambie. Nous ne disposions toutefois que de prélèvements à 6 ans.

172