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Impacts des traitements substitutifs aux opiacés sur les toxicomanes

Dans le document TOXICOMANIE AUX OPIACÉS (Page 128-133)

DEUXIEME PARTIE : Dispositif de prise en charge

III. Impacts des traitements substitutifs aux opiacés sur les toxicomanes

1. Balance bénéfices /risques

L'efficacité des traitements substitutifs aux opiacés peut être définie de diverses manières. Les preuves accumulées au cours de nombreuses années montrent que les patients qui abandonnent le traitement de maintenance à la méthadone, ont des taux de rechute approchant 80 à 85% en 1 an. Par contre chez les patients maintenus à la méthadone, on observe un impact clairement positif plus particulièrement des réductions démontrées au niveau des taux de mortalité, des taux de consommation de drogues par voie intraveineuse, des taux de la criminalité, des taux de séroconversion au VIH, et des taux d’infections par VHC [75].

En effet, dans une étude menée auprès des jeunes adultes utilisateurs de drogues injectables, nous avons constaté que le traitement d'entretien aux agonistes opioïdes (méthadone ou buprénorphine) était associé à une réduction de plus de 60% de l'incidence de l'infection par le VHC au fil du temps par rapport à l'absence de traitement [83]. En plus de la réduction des méfaits, il y a aussi des améliorations dans l'emploi et dans le fonctionnement social chez les patients sous méthadone [75].

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D’ailleurs, la conférence de consensus concernant les Stratégies thérapeutiques pour les personnes dépendantes des opiacés publié par la HAS en 2004, a mis en évidence les résultats obtenus par le TSO, qui sont exprimés par [84] :

 L’accès au traitement de substitution. C’est-à-dire en termes de patients recevant un MSO ; leur nombre a augmenté en passant de quelques dizaines en 1995 à près de 100 000 en 2003 dont 20% d’entre eux étant traités par méthadone et 80% par la buprénorphine. (Voir la figue 18)

Figure 18 : Quantités consommées de BHD et de méthadone de 1995 à 2013 [85]

Intégration dans un processus de soins et la réduction des risques (mortalité, morbidité et dommages sociales) : notamment entre 1994 et 2002, le nombre de décès suite à l’overdose par l’héroïne a diminué 5 fois. Les TSO ont permis également de sauver 3500 vies en 8 ans. Ajoutons l’amélioration du pronostic de grossesse en diminuant le taux de la prématurité (la prématurité est estimée à 30% avant les TSO, et à 12% aujourd’hui), la diminution du nombre des patients injecteurs (la proportion des injecteurs est estimée de 70% à 80% en 1995 avant les TSO, et estimée de 14% à 20% en 2003) et par conséquence la baisse de l’infection par le VIH suite à diminution des pratiques d’injection. Sur l’échelle social, 50%

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des patients avaient améliorés leurs situations sociales ainsi que la diminution des infractions à la législation des stupéfiants (l’héroïne) en passant de 17000 à 5000 respectivement de 1995 à 2003 [84].

Enfin, la balance bénéfice / risque est en faveur des bénéfices à condition que le traitement administré régulièrement soit associé strictement à un suivi pluridisciplinaire : médical, psychologique et social, car MSO n’est pas suffisant en soi. Ainsi les TSO constituent une pratique impliquant la prescription des MSO et accompagnement thérapeutique du patient.

2. Mésusages des médicaments substitutifs aux opiacés

2.1. Mésusage

Bien que la méthadone (un agoniste opioïde) et la buprénorphine (un agoniste opioïde partiel) présentent des preuves de leur efficacité dans le traitement d’entretien chez les sujets dépendants aux opioïdes, ils demeurent aussi un sujet de conteste en vertu de son mésusage ces dernières années. Effectivement, le développement des TSO est associé à un détournement des médicaments et un abus des prescriptions médicales. Le mésusage des TSO comprend le mode d’obtention, notamment l’acquisition illicite de la substance à travers le marché noir ou l’entourage ou par échange, l’association avec d’autres substances, les benzodiazépines en tant que produits de « défonce » afin de potentialiser la buprénorphine, ainsi que les voies d’administration (sniff, injection, inhalation).

Plusieurs études ont signalé l’usage des patients de la méthadone ou la buprénorphine par voie nasale ou par injection (l'injection de sirop de méthadone ou de comprimé de buprénorphine) en raison du délai beaucoup plus court avant le pic de concentration plasmatique qui entraîne un effet de renforcement plus important [86]. D’un côté le détournement de la méthadone est dû spécifiquement aux doses prescrites dans le cadre de l’emport à domicile. Cela induit au non-respect de la posologie par le patient, l’usage inapproprié de forme galénique ; injection de sirop après la dilution même s’il apparait très difficile, et l’échange ou également la revente contre l’héroïne. D’un autre côté le mésusage de buprénorphine est favorisé par certaines conditions [87] :

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La possibilité de l’injecter

Large Accessibilité liée à son cadre de prescription (une dose journalière supérieure à 32 mg de buprénorphine ou le fait d’avoir plusieurs médecins prescripteurs ou pharmacies délivrant, peut être la cause de la revente d’une partie de traitement). En plus de l'effet négatif sur le traitement et la réadaptation de l'usage des opioïdes, l'injection de méthadone et de buprénorphine soulève des inquiétudes concernant les infections sanguines, les effets indésirables ou les réactions allergiques aux composés présents dans les formulations de sirop méthadone et de comprimés de buprénorphine (par exemple, le sorbitol ou la silice), la dépression respiratoire, les dommages locaux au point d'injection car les aiguilles utilisée sont souvent de gros calibre, avec une thrombose veineuse et des effets indésirables pulmonaires [86].

Le détournement des TSO par les usagers, consommant de la méthadone provenant du marché noir, est une pratique qui peut conduire à un pas vers la prise en charge médicale ou une porte d’entrée.

2.2. Mortalité liée au MSO

Le traitement de substitution aux opioïdes, soit à la méthadone soit à la buprénorphine, s'est démontré sûr et efficace pour supprimer l'usage illicite d'opioïdes, améliorer le bien-être physique et mental et réduire la mortalité. Des preuves de plus en plus nombreuses, cependant, suggèrent que la mortalité pendant et après le traitement de substitution aux opiacés varie dans le temps et diffère selon le type de drogue [88].

La méthadone, un agoniste opioïde complet, pourrait présenter un risque excessif de décès par surdose durant la phase d'induction du traitement, si les doses initiales sont trop élevées ou coexistent avec l'utilisation d'autres opiacés illicites, après une période d’arrêt de traitement, en cas d’administration en dehors du suivi médical ou chez les sujets naïfs. Ce risque de mortalité qui est dû à une dépression respiratoire ou une torsade de pointe, est majoré par la consommation concomitante des benzodiazépines ou d’alcool [88].

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D’après le tableau de bord annuel de « Traitements de substitution aux opioïdes » mené par OFDT, les décès provoqués par la méthadone ont considérablement augmenté. En effet, l’enquête DRAMES (Décès en relation avec l’abus de médicaments et de substances) réalisée par Centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance et l’addictovigilance de Grenoble, sous la responsabilité de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), a reporté l’évolution des décès engendré par abus de médicaments ou les substances psychoactives durant la période (2010-2018). Le nombre des décès impliquant MSO en 2018 est estimé à 43%, dont 35% et 8% correspond respectivement à la méthadone et la buprénorphine [89]. (Voir figure 19)

Figure 19 : Évolution du pourcentage de décès par surdose selon la substance opioïde impliquée parmi l’ensemble des décès directement provoqués par un abus de

médicaments ou de substances psychoactives entre 2010 et 2018 [89]

La buprénorphine, un agoniste partiel, est moins efficace pour retenir les patients en traitement, ce qui semble être une faiblesse majeure car la mortalité augmente de manière significative dans la période qui suit immédiatement l'arrêt du traitement. Cela explique la diminution du nombre des décès de buprénorphine, fluctuation entre 18% et 8%, par rapport à la méthadone [88].

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3. Limites de traitements substitutif aux opiacés

Les gens ont des opinions divergentes sur le traitement par agonistes opioïdes. Certains pensent que "échanger un médicament contre un autre" n'est pas une stratégie thérapeutique légitime, et ils peuvent avoir honte de suivre un traitement d'entretien. De même, certains soutiennent que la réponse à l'établissement d'une abstinence stable ne réside pas simplement dans la prescription de médicaments.

L'argument contraire est que ces médicaments, s'ils sont utilisés de manière appropriée, confèrent de nombreux avantages tels que la réduction des séquelles médicales et psychosociales de la dépendance aux opioïdes. En fait, les patients correctement traités ne répondent plus aux critères diagnostiques du trouble lié à l'utilisation d'opioïdes, et la méthadone et la buprénorphine figurent toutes deux sur la liste des médicaments essentiels de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

En dépit de l'approbation de l'OMS, la stigmatisation liée aux agonistes opioïdes a été difficile à surmonter. Les patients souffrant de troubles liés à l'utilisation d'opioïdes peuvent être considérés avec méfiance par les prestataires de soins de santé et ne se sentent souvent pas les bienvenus dans les établissements de soins de santé ou dans les groupes d'entraide pour le rétablissement

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