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IMPACT DU SYSTEME DE TRANSFERT HYDRAULIQUE DU BARRAGE DE BENI-HAROUN SUR LA REGION EST DE

IX.4 IMPACTS MORPHOLOGIQUES ET TECTONIQUES

Les impacts morphologiques liés aux barrages diffèrent bien entendu, selon la nature de ceux-ci, barrage-réservoirs ou barrage au fil d’eau. De façon générale, ces ouvrages piègent les sédiments venus de l’amont et restituent une eau décantée vers l’aval. Il y a donc comblement progressif à l’amont sur un rythme variable selon la morphologie des bassins et la dynamique érosive. Pour l’Europe centrale par exemple, le comblement des retenues serait de l’ordre 0,51% par an, mais en Chine, le barrage de Sanmenxia, achevé en 1960 a été transformé en simple bassin de décantation en 1964, au vu de son comblement. Vers l’aval, les eaux issues de la retenue disposent d’un excèdent de capacité tractrice et provoquent soit des phénomènes d’incision en roches dures, soit de façon plus générales des phénomènes d’érosion classiques (passages d’un cours d’eau rectiligne à un cours d’eau sinueux puis un tressage). Ces phénomènes de déstabilisation prennent une ampleur toute particulière lorsque les ouvrages sont implantés dans les zones de roche meubles.

En Nord Africain, le cas de l’Algérie, l’érosion et le transport de sédiments est très répandu, dont il menace gravement les potentialités en eau et sol. Le taux d’érosion spécifique atteint dans ces pays, les valeurs les plus importantes du monde.

Les travaux de Demmak, en 1982 sur l’érosion et le transport solide montrent le taux d’érosion spécifique, atteint dans le Nord Algérien les valeurs les plus élevées du Magreb qui dépassent 2.000 T/km2.an, sur la plus part des bassins versants. Le transport des sédiments de l’ordre de 2.600 T/km2.atteint le barrage de Beni-Haroun à Mila (Marouf et Remini, 2011).

Les infrastructures hydrauliques algériennes, notamment «les barrages», courent un vrai danger d’envasement et de sédimentation. La lutte antiérosive continuelle s’impose pour leur préservation et la protection des terres à l’amont. Le réseau d’écoulement est le plus affecté, le transit des lâchers sur des tronçons de cours d’eau non aménagés amplifie le sapement des berges et l’affouillement du lit, créant des dépôts importants à l’aval (Touaibia, B., 2010).

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Aux impacts liés au transfert des sédiments, peuvent s’ajouter divers traumatismes : glissement de terrain dans le réservoir comme le cas du Vaiont italien ; rupture d’ouvrages implantés, sur champs de failles, le cas de Malpasset en France, resta exemplaire par ses conséquences dramatiques. Cas limite de poids d’un réservoir implanté en milieu instable peut provoquer le mouvement sismique : le remplissage du lac de Mead sur le Colorado en 1935 a été suivi par plusieurs mouvements sismiques assez amples. Il en été de même pour le barrage de Kariba, implanté sur le champ de failles et il a été suivi en 1960 d’une secousse atteignant le niveau 4 sur l’échelle de Richter.

La géomorphologie de la région du projet du transfert est liée à un historique tectonique complexe. Une phase tectonique particulièrement importante s'est développée au Miocène inférieur. D'après les observations et les enregistrements disponibles mis à jour en Décembre 1997, le site du barrage de Beni-Haroun, bien que situé à la limite celles des deux provinces géomorphologiques semble présenter une sismicité moins importante que des régions avoisinantes telles que la zone de Constantine et des Babors. La région de Beni-Haroun est situé dans une région sismique classée, d'après Bochel, comme pouvant subir d'intensité VI à VII. Cette zone est bordée au nord-ouest et au sud-est par deux zones sismiquement plus actives d'intensité possible supérieure à VIII. Le séisme répertorié le plus important dans un rayon de 50km autour du site est celui du 27 Octobre 85 de magnitude 5,9 et dont l'épicentre est situé au nord-est de Constantine à environ 40 Km du site de Beni-Haroun. Les structures tectoniques dimensionnantes pour le site sont situées dans le bassin de Constantine que l'on limitera aux failles bordières du massif et les failles de charriage. Par déplacement de ces séismes jusqu'à la limite de la zone ou structure la plus proche du site, on peut considérer qu'un séisme de magnitude 5,9 peut avoir son épicentre à 20 Km du site et qu’un séisme de magnitude 4,6 peut avoir son épicentre à 1 Km du site (ANBT, T.E, 2002).

Les effets d’installer un grand barrage, comme le cas du barrage de Beni-Haroun sur des fondations karstiques présente un effet immuable sur l’évolution du régime hydrologique et climatique de la région.

Lors du fonctionnement du barrage de Beni-Haroun, les responsables du secteur de l’hydraulique et ceux de l’Agence Nationale des Barrages et Transferts (ANBT) ont décidé d’arrêter temporairement le pompage à partir de la grande station de pompage de Douar El Bidi suite à des fuites d’eau jugées «importantes» enregistrées au niveau du tunnel de transfert des eaux du barrage de Beni-Haroun situé à Djebel Lakehal, dans la wilaya de Mila. Ce tunnel de transfert sert à acheminer les eaux du barrage de Beni-Haroun vers le barrage réservoir d’Oued Athmania. Des quantités importantes d’eau ont été perdues. L’estimation de la déperdition en eau, en raison de ces fuites, selon l’ANBT, est de l’ordre de 35 % du volume pompé qui est de l’ordre de 12,5 m3/s. Cet arrêt momentané du pompage a duré quelques mois durant lesquels des travaux de réparation ont été achevés par la firme italienne Condotte D’Aqua ayant réalisé le tunnel.

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Les spécialistes dans le domaine hydraulique n’écartent pas la possibilité de la relation entre l’activité sismique enregistrée dans la région durant cette période et la secousse tellurique (3,3 degrés) enregistrée avant l’apparition des fuites.

Selon l’ANBT, l’existence des problèmes dans les fondations de l’ouvrage ainsi que des infiltrations d’eau estimées à 1,2 m3/s, empêchent les services de l’exploitation du barrage de faire remplir et exploiter le barrage d’une façon optimale.

Les problèmes d’infiltration peuvent constituer une menace pour la population et sur l’écologie de la région, en cas de catastrophe.

L’inconvénient de la station de pompage prototype fabriquée par une société française a fût remarqué dans les pièces de rechange est inexistantes et le non maitrise de la technologie moderne de fonctionnement des grandes stations. En cas de panne, dans cette station risque de paralyser tout le système de Beni-Haroun et priver les citoyens consommateurs. Une moindre fuite avec pression de pompage de 80 barres, pourrait causer une déflagration énorme.

Le projet, composé de plusieurs lots dont les transferts vers les cinq wilayas concernées, devrait sécuriser une bonne partie de l’Est du pays en eau potable (près de 4 millions d’habitants répartis sur le territoire des six wilayas).

La réalisation de ce barrage a une influence sur la nappe aquifère de la région, selon les données recueillies par l’ANRH, DHW et ABH de Constantine. Une analyse des débits nominaux et exploités des forages à été effectuée dans trois wilayas (Constantine, Mila Oum El Bouaghi à l’amont et Jijel à l’aval du barrage). Les données observées (Tableau IX) montrent l’augmentation des débits des forages dans les wilayas situées en amont du barrage de Beni-Haroun en comparant le fonctionnement des forages d’eau durant les deux années (1989 et 2004). Les nappes seront rechargées davantage et surtout dans la zone qui entoure la cuvette. L’analyse des données montre l’enfoncement de la nappe phréatique à l’amont de la retenue du barrage de Beni-Haroun, et cependant que vers l’aval l’exhaussement de ce même niveau induira un relèvement des nappes phréatiques.

La seule wilaya située à l’aval du site du barrage, présente un abaissement de ses nappes souterraines et cela est dû à la rupture de l’alimentation des ces dernières par la mise en place du barrage sur le lit majeur de l’oued Kébir. La diminution du niveau de la nappe souterraine dans la région de Jijel au nord du bassin kébir-Rhumel est remarquable malgré que c’est la région la plus pluvieuse du bassin d’étude (la pluviométrie moyenne est de l’ordre de 1000 mm).

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Tableau IX.3 Etat des forages dans le bassin Kébi-Rhumel

Wilaya Année 1998 Année 2004

Débit Qn (l/s) Qexp (L/s) Qn (l/s) Qexp (L/s)

Constantine 1494 1010 2310 1955

Mila 960 873 1767 1129

Oum El Bouaghi 740 710 1027 927

Jijel 960 873 1267 648

En éloignant en nord, en aval du barrage, le déficit d’apports sédimentaires se traduit aussi par une déstabilisation du littoral, (recule du cordon littoral). Ce phénomène qui s’avère particulièrement grave dans le cas de l’ouvrage d’Akosombo qui piège la totalité des apports sédimentaires sableux, jusqu’alors assez importants de la Volta. Ces apports étaient l’origine d’une formation deltaïque et lagunaire assez stable et leur cessation a été suivie d’une reprise d’érosion marquée par un recul du cordon littoral de 12 mètre par an. La lagune a presque disparu et la petite ville de Keta, à l’Est du delta est en voie de destruction rapide (Rossi et Bilivi, 1995).

L’évolution des rivages égyptiens n’est pas moins critiques : à la suite du piégeage des sédiments dans le lac Nasser, il a fallu protéger le littoral du delta par des enrochements ; plus à l’Est, les courants littoraux agressent le cordon littoral de Bradwil et provoquent un recul des plages qui peut atteindre trois mètres par an dans la région d’El-Arish où les stations balnéaires sont menacées. Dans le cas de notre étude, le littoral au nord du bassin présente aussi un recul à cause de la mise en place des barrages de Beni-Haroun, Hammam-Grouz, Oued Athmania et Boussiaba. Une translation plus faible des sédiments le long de la cote, ceci peut être bénéfique pour le port de Jijel en évitant un comblement difficile à combattre et aussi une diminution des apports nutritifs pour le plancton, ceci peut avoir un effet négatif sur la production de poisson de la région.