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Chapitre 1 : Les progiciels de gestion intégrés ; un recours croissant mais des impacts

1.4. Impact des progiciels de gestion intégrés sur le salarié

L’étude de Pedra (2010) a mis en évidence la valeur ajoutée des progiciels de gestion intégrés dans trois grandes entreprises intervenant dans des secteurs d’activité industrielle variés, tels que la presse, l’agro-alimentaire, la transmission et la distribution d’énergie. Ces organisations ont toutes du recul et de l’expérience dans le domaine des systèmes de gestion intégrés. L’objectif principal de cette étude est de mettre l’accent sur l’impact des PGI sur les relations (formelle et informelle) au sein de l’organisation ainsi que l’évolution des représentations qui s’en suit. L’auteur s’est basé sur des entretiens semi-directifs puis des questionnaires en face à face et note que les chiffres issus de cette étude sont éloquents. Plus de 78% des employés sollicités trouvent que les données sont plus accessibles depuis l’intervention d’un PGI. Ce qui permet un accès aux données nécessaires en temps réel sans avoir à solliciter de collègues. D’où l’instauration d’un climat d’indépendance et de transparence qui est globalement perçue positive par la plupart des acteurs interrogés. Le caractère plus fiable des données apparaît pour 64% des répondants, une source d’un climat de confiance amélioré grâce au PGI. De plus, disposant du même référentiel lors des réunions, les utilisateurs souffrent moins de la divergence des opinions de points de vue informationnel. Enfin, la relation entre les salariés paraissent inchangées, voire plus fructueuses et plus codifiées après l’implémentation d’un PGI dans l’organisation. Cependant, d’après la même étude, les PGI semblent imposer aux utilisateurs des procédures de travail un peu plus complexes que les systèmes précédents ce qui rend le quotidien du travail moins simple. Cette complexité n’est pas sans conséquence sur le salarié. « De très nombreuses personnes qui travaillaient correctement jusqu’alors n’ont pas réussi à s’adapter à ces nouvelles tâches, qui demandaient un niveau d’abstraction très élevé ; elles ont été progressivement marginalisées et ont souvent fini par quitter l’entreprise ». (Deshayes, 2005, p13). Implémentés dans une entreprise, les ERP sont alors susceptibles de provoquer un changement organisationnel (comme la fusion de deux ou plusieurs départements) en supprimant des postes. Ils ont la réputation d’être des «

job-killers8», (d’après, ou aussi de « casse humaine » (Dechayes, 2005). Par ailleurs, le licenciement

des salariés pourrait avoir des causes économiques. En regard du coût très important de

l’installation et de la maintenance de cet outil, certaines entreprises licencient des salariés pour justifier leur investissement auprès de leurs actionnaires.

Cet échec peut être dû à plusieurs facteurs. Dans leur étude sur le contexte d’implémentation du PGI dans une entreprise de pétrole libyenne, Ibrahim, Sharp & Syntetos (2008) suggèrent que le succès ou l’échec d’une intervention d’ERP sont liés à trois grands ensembles de facteurs interconnectés, à savoir des facteurs d’ordre organisationnel (la gestion des projets et des processus, l’automatisation et la culture organisationnelle régnante), des facteurs relatifs à la stratégie de l’entreprise (l’engagement de la direction, la définition préalable et ciblée des objectifs de l’implémentation, et le développement de la communication organisationnelle) et des facteurs dus aux ressources humaines (la formation à l’outil, la participation des employés, l’attitude des salariés et de l’équipe projet). Selon les mêmes auteurs, ces trois groupes de facteurs (organisationnels, stratégiques et humains) interviennent au cours des différentes phases du projet d’implémentation d’un PGI notamment pendant la phase d’étude du projet, sa planification, la phase de pré-implémentation, d’implémentation et de post-implémentation. La complexité de l’implémentation de cet outil nécessite la prise en compte du contexte organisationnel sous ses différentes facettes et ses moindres détails dont le facteur humain et les problèmes d'adaptation des ressources humaines (Hong & Kim, 2002). Les employés de l’entreprise sont aussi impliqués indirectement sous les volets stratégiques et organisationnels. En d’autres termes, ces facteurs (organisationnels et stratégiques) ne peuvent être réussis que si les salariés de l’entreprise y adhèrent et s’y impliquent. D’où le rôle crucial du capital humain de l’entreprise. Pour cette raison, depuis la conception du projet d’implémentation d’un progiciel de gestion intégré, les ressources humaines de l’entreprise doivent y participer par la définition des besoins de leur entreprise, le choix du système en fonction de son utilité et la discussion du processus d’implémentation. Dans cette perspective, la direction générale doit informer les employés des objectifs escomptés par l’implémentation d’un PGI et en définir les besoins en termes de formation (Ibrahim & al. 2008). Cette étape de démystification de l’outil pour les acteurs de l’entreprise se révèle incontournable pour la réussite de l’implémentation de l’outil.

La recherche de Lemaire (2002) sur sept entreprises de domaines d’activités différents (distribution d’électricité, fabrication d’ascenseur, presse, gestion de stocks alimentaires) illustre certains effets de l’implémentation des PGI sur les employés. D’abord, sur le plan

technique, la complexité des modules comptables de l’ERP exige une formation solide sur l’outil. Autrement, les employés peuvent se trouver bloqués aux opérations simples et ne peuvent pas développer la polyvalence fonctionnelle. Ensuite, l’utilisation des ERP requiert bien plus qu’une formation technique à l’outil, car les changements qu’ils engendrent méritent aussi des formations spécifiques. De plus, les employés qui sont appelés à mettre en œuvre de nouvelles compétences, vont voir leurs champs d’action s’élargir. Ils attendent en retour une certaine reconnaissance de la part de l’entreprise, or ce n’est pas toujours le cas. D’où le sentiment d’injustice qui est assez criant. Enfin, les PGI pour la plupart « très complexes » (p. 17), ils renforcent l’abstraction dans le travail et amènent à une intensification du travail (pour les employés qualifiés) et donc un stress croissant. D’après la même étude, la faible maitrise du système crée non seulement un stress important au moindre problème mais aussi un risque de frustration dans le travail quotidien. En plus de l’intensification et la complexité du travail engendrées par les progiciels de gestions intégrés, une autre source de malaise professionnel s’ajoute : l’accroissement de la responsabilité informationnelle des salariés. En effet, les « erreurs d’encodage se répandent rapidement dans les différentes fonctions de l’entreprise et une seule erreur, minime à première vue, peut avoir des conséquences dramatiques ». (Lemaire, 2002, p.18).

Conclusion

L’ampleur de l’investissement implique une prise en compte des différentes variables susceptibles d’entraver l’exploitation du système d’information. Parmi les principaux facteurs avancés pour l’explication de ce dysfonctionnement, l’insatisfaction et le manque d’implication des acteurs de l’entreprise du nouveau système d’information. Dans cet objectif, Ibrahim et al. (2008) mentionnent l’importance de la participation des employées à l’élaboration des différentes étapes du projet d’implémentation d’un PGI. Paré & Elam (1995), estiment que le succès ou l’échec de l’implémentation des NTIC dépend en grande partie des perceptions, des représentations et des sentiments du facteur humain de la société. Ainsi, l’impact des PGI sur le facteur humain des entreprises pourrait se caractériser par des réactions de stress, d’injustice et de frustration amenant certains employés à quitter leur travail ce qui mène à l’échec de l’exploitation de l’outil (Lemaire, 2002). Ces réactions d’inadaptations méritent plus d’attention et d’approfondissement. Il est donc nécessaire de comprendre le processus d’adoption de ces outils pour limiter les réactions de résistances des employés et éviter un échec d’implémentation

(Melone, 1990). D’après Barker & Frolick (2003), avant l’installation d’un PGI dans une entreprise, une analyse minutieuse et précise du capital humain doit être faite afin d’évaluer ses capacités et de déterminer ses besoins par rapport à l’implémentation du PGI. D’après les mêmes auteurs, cette évaluation est d’une importance cruciale pour réussir l’adoption du projet.

Il est vrai que le progiciel de gestion intégré améliore la coordination entre les services de l’entreprise et lui fournit un avantage stratégique procurant une meilleure performance ainsi qu’une distinction par rapport aux concurrents (Barker & Frolick, 2003 ; Boersma & Kingma, 2005). Mais son implémentation implique un risque proportionnel au succès et aux bénéfices escomptés (Davenport, 1998). Cela est illustré par les statistiques publiées par le panorama business group en (2014) selon lesquelles dans la majorité des cas, l’implémentation des PGI prend plus de temps que prévu et dépasse de manière considérable le budget mis à disposition.

Chapitre 2 : L’adoption des nouvelles technologies en