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Chapitre 4 : Impact de la charge affective sur l’intention d’usage des progiciels de

4.2. La charge subjective de travail

La charge de travail peut être perçue comme la somme des contraintes imposées à l’opérateur par la tâche à exécuter ou, comme une grandeur, une intensité (Leplat, 1977) qui se déduit dans l’exécution de cette tâche. La charge de travail est à la fois une caractéristique de la tâche puisqu’elle renvoie aux exigences de la tâche, et une conséquence du fait qu’elle suppose une difficulté à appréhender une situation de travail. De ce fait en psychologie expérimentale, la charge de travail est étudiée en prenant en compte les exigences de la tâche et les capacités de l’individu à faire face à ces exigences. Dans un contexte d’étude d’acceptabilité des progiciels de gestion intégrés, il ne s’agit pas d’évaluer la charge subjective telle que ressentie, mais plutôt telle que représentée lors de l’utilisation du progiciel.

La notion de la « charge de travail » est issue des travaux de recherches en ergonomie. Elle est le plus souvent conçue comme « ce qui pèse sur le travailleur» et qui entrave le déroulement souhaité de la tâche (Livian, Baret & Facoz, 2004, p. 89). Elle correspond ainsi au coût engendré par l’utilisation d’une technologie que seul le sujet est capable d’évaluer (car elle est subjective et non réelle). Une forte charge de travail n’est donc pas souhaitable puisqu’elle est pénible et fatigante (Montmollin, 1986). Il en est de même, pour une très faible charge de travail, qui peut se révéler par des automatismes, un manque d’attention et un désengagement conduisant à des erreurs attentionnelles (Deconde, 2009).

4.2.2. Composantes de la charge subjective de travail

La charge subjective de travail se réfère selon Hart et Steaveland (1988) au « le coût induit par la réalisation d’une tâche a un certain niveau de performance par un operateur humain » (la traduction de Deconde, 2009). L’échelle multidimensionnelle élaborée par Hart et Steaveland (1988) pour mesurer la charge subjective compte six dimensions :

1) La charge mentale : correspond à la demande en effort mental pour exécuter la tâche.

Elle correspond à un concept hypothétique (Narvaez, 2007) et qui renvoie au coût cognitif de la réalisation d’une tâche. La charge mentale du travail fait référence aux contraintes de la tâche à faire et les conditions dans lesquelles elle doit être faite.

2) La charge physique : correspond à la demande en effort physique pour exécuter la

tâche

3) La charge temporelle : correspond à la pression temporelle ressentie lors de

l’exécution d’une tâche. Elle se réfère à l’évaluation du temps imparti pour réaliser la tâche en termes de suffisance. Les contraintes de délai et de temps font partie des facteurs de la charge psychique de travail (Sperandio, 1980).

4) La frustration : D’après le Task load Index, le sentiment de frustration englobe

quatre dimensions essentielles : Le sentiment de découragement, le sentiment d’ennuie dans la réalisation de la tâche, le sentiment de stress perçu et le sentiment de confiance en ses capacités de pouvoir réaliser une tâche donnée. Souvent associée à la notion d’anxiété, elle évoque chez l’utilisateur une charge psychique de travail.

5) La demande en performance : renvoie à une estimation du rendement de l’utilisateur

potentiel et repose sur l’évaluation des moyens cognitifs du sujet par rapport à aux exigences de la réalisation de la tâche. Il convient de préciser que cette notion est

proche mais distincte du sentiment d’auto-efficacité informatique. En effet, en fonction de ses performances perçues, le sujet évalue son sentiment d’auto-efficacité. En d’autres termes, plus le sujet est performant, plus il sent auto-efficace. L’auto-efficacité est dans ce cas résulte des performances du sujet. La demande en performance est une contrainte imposée par le progiciel en fonction de son évaluation de ses propres performances.

6) L’effort : correspond à l’effort fourni pour atteindre le niveau de performance actuel

du sujet. Une notion qui fait partie des contraintes de la tâche. Ainsi, l’effort comme l’aptitude est considéré comme des composantes interdépendantes de la performance (Bandura, 2003). En outre, « la somme d’effort fourni influence le niveau auquel l’efficacité perçu est dérivée des performances » (Bandura, 2003, p. 130). En d’autres termes, l’effort fourni détermine la performance de l’individu, qui à son tour affecte le sentiment d’auto-efficacité. Lorsque la demande en effort est importante dans l’exécution d’une tâche, elle est susceptible de provoquer un état de tension psychique chez l’utilisateur.

Ainsi considérée, la charge subjective de travail est la résultante d’une série d’actions mentales dépendantes d’un ressentie concomitant. En effet les différentes composantes de la charge subjective s’interagissent en produisant des effets de feed-back. La demande en effort mental dépend de la pression temporelle qui produit le sentiment de frustration qui est à son tour favorisé ou inhibé par le sentiment de compétence. Il s’agit alors d’un construit qui sous entend une dynamique et une rétroaction entre ses différentes composantes. Nous constatons aussi que la présente conception de la charge subjective de travail prend compte des trois types de charges décrites par Sweller, Van Merrienboer & Paas (1998). D’abord la charge intrinsèque est relative au degré de difficulté de tâche et correspond ainsi au coût d’effort mental relatif. Elle se réduit donc lorsqu’il s’agit d’une tâche simple pour le sujet. Ensuite la charge utile renvoie aux ressources acquises pour exécuter une tâche donnée. Dans le task load Index, ce type de charge correspond à la variable « compétence ». Enfin, la charge inutile du travail ou aussi extrinsèque qui est renvoie aux variables de l’environnement susceptibles d’entraver le bon déroulement de la tâche comme le manque de temps qui se traduit par la pression temporelle.

Selon Tricot et Chanquoy (1996), la charge de travail implique une composante physiologique. Cela peut être du à l’impact de la pression temporelle et la frustration sur la physiologie de l’être humain ou alors à la fatigue suite à une charge physique exigée par la tâche.

Bien que difficile à opérationnaliser car elle est accompagnée de flou conceptuel, la charge subjective de travail est une entité mesurable malgré la diversité des opinions sur le concept, les débats autour le concept et la nature de la charge. Nous soutenons aussi l’idée que la charge subjective de travail n'est pas une caractéristique inhérente à la tâche, mais plutôt le résultat de l'interaction entre ses multiples dimensions (Narváez, 2007).

Dans l’étude de Narvaéz (2007), les sujets évaluent leur charge de travail pendant l’exécution d’un casse tête mental selon deux critères : la complexité de la tâche (recognition mentale d’images proposées) et du temps d’exécution. Les résultats montrent d’une part, une variation au niveau de la charge mentale et des performances induites en fonction de la complexité. Cela implique que plus la tâche est complexe, plus la charge mentale investie par le sujet est importante et moins l’individu est performant. D’autre part, la réduction du temps mis à disposition pour l’exécution d’une tâche augmente de façon significative le sentiment de frustration et d’effort chez les sujets ce qui traduit un certain malaise dans l’exécution des tâches.

A notre connaissance, l’évaluation de la charge subjective de travail en tant qu’indicateur de l’intention d’usage n’a jamais été intégrée au modèle d’acceptation de la technologie pour prédire l’intention d’utilisation d’un système d’information. Encore moins dans le cas des progiciels de gestion intégrés car très peu d’études se sont intéressées à l’étude de ce volet bien particulier. Nous marquons également que la notion de frustration mérite plus d’attention de la part des chercheurs dans ce domaine. Il est pertinent de l’explorer dans notre contexte d’étude d’acceptabilité des PGI vue l’impact qu’elle pourrait engendrer sur l’intention d’usage de ce progiciel.