CHAPITRE 3: PROCESSUS DE TRANSFORMATION POSTSOCIALISTE: MISE EN
3.3 Analyse du processus de privatisation
3.3.2 Impact de la privatisation sur la performance des entreprises
entreprises
L’organisation de la propriété des firmes des PECO est au cœur de la
privatisation et a connu plusieurs modifications. Tout d’abord, les firmes
publiques se sont transformées en une forme privée. Puis, l’entreprise étatique
s’est transformée soit en entreprise individuelle (les fonctions de propriété et de
direction se confondant), soit en entreprise managériale (avec distinction des
deux fonctions). Pour finir, l’entreprise d’État a cédé ses actifs à des outsiders ou
des insiders (respectivement propriétaires externes à l’entreprise et
propriétaires salariés de l’entreprise). L’ensemble de ces transformations a été à
l’origine de nombreux articles visant à évaluer la restructuration et la
performance de ces firmes postsocialistes au regard de la structure de propriété
des entreprises (sous-section 3.3.3) ou de la forme prise par la privatisation.
Tout d’abord, certaines études ont visé à évaluer l’impact des privatisations sur
les performances des firmes. Elles montrent que les firmes privatisées ne sont
pas systématiquement plus performantes que les firmes publiques, alors que
nous pourrions croire le contraire. En fait, d’après Aghion et Carlin (1997), les
firmes publiques ont amorcé plus rapidement leur restructuration, ce qui
explique l’impact positif pour ces firmes.
Pinto et al. (1993) réalisent une étude empirique sur 75 entreprises polonaises
de cinq secteurs industriels, de 1989 à 1992. Pour mesurer la performance des
entreprises, les auteurs utilisent comme proxy les profits réalisés. Les résultats
montrent qu’en Pologne, les firmes publiques ont très tôt procédé à leur
restructuration et sur 75 entreprises étudiées, 39 d’entre elles ont réalisé un
profit net positif entre 1989 et 1992.
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Estrin (1995) s’intéressent quant à eux à la restructuration de 43 entreprises
hongroises, polonaises et tchèques entre 1990 et 1992. Ils montrent à l’issue de
leur étude, que la majorité des firmes publiques de ces 43 entreprises ont
procédé à une réelle restructuration de leur organisation. Ils ont, pour aboutir à
ce résultat, trouvé des résultats significatifs sur l’emploi, le taux de profit et
l’exportation.
Carlin et al. (1995) suggèrent aussi que les firmes publiques ont procédé à une
réorganisation de leur structure de manière significative, soutenue et
performante. Les auteurs ont mené une étude empirique sur cinq pays (Hongrie,
Pologne, République tchèque, Russie, Slovaquie) et 450 entreprises publiques et
privées appartenant au secteur industriel entre 1990 et 1993. Afin de mesurer
l’efficacité de la restructuration de ces entreprises, les auteurs ont fait le choix
d’examiner l’organisation interne des entreprises, la fermeture d’unités de
production obsolètes, la recherche de nouveaux marchés (en intégrant
l’adaptation de l’offre face à une demande évolutive), l’ajustement des effectifs
aux capacités de production, et enfin la modernisation des équipements.
Bouin et Grosfeld (1995) mènent une étude empirique dans 400 entreprises
publiques du secteur industriel de 1989 à 1993. Pour mesurer la performance,
ils retiennent le chiffre d’affaires, l’emploi et la productivité moyenne du travail.
Les auteurs montrent que les firmes publiques de ces deux PECO ont procédé à
une restructuration rapide tout en s’adaptant aux évolutions environnementales.
Ces entreprises ont ainsi réussi à maintenir leur productivité et donc leur
capacité à faire face à la concurrence.
Parallèlement et en complément de ces études, d’autres ont montré que les
entreprises privées ont eu du mal à procéder à des restructurations efficaces.
C’est le cas de Carlin et al. (1995), qui montrent que les entreprises privées n’ont
pas été systématiquement mieux restructurées que les entreprises publiques.
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Bilsen et Konings (1998) effectuent une étude sur 431 entreprises hongroises,
bulgares et roumaines entre 1995 et 1996 et suggèrent aussi que les firmes
privées ne se sont pas mieux restructurées que les firmes publiques. Ils
retiennent comme indicateur, pour aboutir à ce résultat, le processus de
création-destruction d’emplois de ces 431 entreprises. Dans le même esprit,
Bishop et al. (2002)analysent 162 grandes entreprises hongroises au cours de la
période de 1994 à 1999. Ils trouvent des preuves d'une évolution
post-privatisation vers des structures de participation plus homogènes ; autrement
dit les FMN et les pouvoirs publiques hongrois sont les investisseurs les plus
importants du pays. De plus, ils constatent que les investisseurs étrangers sont
attirés par les sociétés caractérisées par des résultats positifs en termes de
performances.
Au début de la transition, nous arrivons donc à un constat mitigé quant aux
résultats de la privatisation des entreprises publiques sur la performance.
Aghion et Carlin (1997) et Aghion et Blanchard (1998) suggèrent que la
restructuration des entreprises publiques s’explique par plusieurs facteur
(indépendants de la structure de propriété):
1. le comportement des managers qui veulent montrer qu’ils sont de bons
managers ;
2. la contrainte budgétaire devenue plus rigide depuis le début de la
transition (celle-ci était souple durant la période socialiste) qui pousse les
managers à effectuer des restructurations ;
3. la libéralisation des secteurs d’activité conduisant à une nouvelle
contrainte, celle des marchés.
Certains auteurs ont critiqué l’ensemble des études montrant la relative réussite
de la restructuration des entreprises publiques au détriment des entreprises
privées. En effet, des auteurs comme Nellis (1999) vont montrer que toutes ces
analyses ont été menées au début de transition des PECO. Ils estiment que pour
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évaluer l’impact d’une privatisation, il faut laisser plus de temps. L’évaluation des
effets positifs de la privatisation pour les entreprises postsocialistes devra donc
se faire après un certain délai.
Par ailleurs, des auteurs comme Grosfeld et Roland (1997) et Aghion et
Blanchard (1998) estiment qu’il faut distinguer les entreprises publiques qui
étaient déjà performantes avant le processus de privatisation. Si celles-ci font
partie de l’échantillon étudié, il est normal de trouver des résultats plutôt positifs
pour l’ensemble des firmes publiques. Grosfeld et Roland (1997)suggèrent qu’il
faut distinguer restructurations défensives et offensives: les premières
concernent les entreprises qui vont assurer leur survie et les secondes celles qui
vont plutôt chercher à s’adapter au nouvel environnement (nouveaux produits,
investissements et technologies, etc.).
Un deuxième groupe de travaux tend à montrer que les entreprises privées sont
plus efficaces que les entreprises demeurées publiques. Les études considérant
que les entreprises privées sont plus efficaces que les entreprises publiques
mettent l’accent sur les points suivants: d’abord, les entreprises publiques
seraient moins efficaces que les entreprises privées en raison du manque
d'incitations et des intérêts différents qui peuvent exister entre les gestionnaires
et les propriétaires (Boardman et Vining, 1989; Hashi, 1998; Megginson et
Netter, 2001). La privatisation améliore la performance d'une entreprise, car les
nouveaux propriétaires aident à la restructuration de l'entreprise en fournissant
de nouvelles ressources comme le capital, les connaissances et la technologie, en
particulier lorsque les nouveaux propriétaires sont étrangers (Frydman et al.
1999; Claessens et Djankov, 1999). La privatisation peut être un signal de
restructuration et de développement économique pour les IDE qui peuvent
préférer les entreprises privatisées à des entreprises appartenant à l'Etat (la
question des IDE sera développée plus tard).
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Tableau 8: Liste des compagnies privatisées par des IDE en République
tchèque entre août 1991 et juillet 1992
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Source: T. Ježek, 2007.
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3.3.3 Impact de la structure de propriété sur la performance des
Dans le document
L'impact des investissements directs étrangers (IDE) sur la dynamique industrielle de la République tchèque
(Page 61-67)