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I.4 Evolutions paléoenvironnementales au cours de l’Ediacarien 1 Géodynamique continentale

I.4.2 Impact sur le paléoclimat

I.4.2.1 Mécanismes globaux

Comme cela vient d’être évoqué, il existe un lien assez fort entre l’évolution géodynamique globale et l’existence de périodes glaciaires plus ou moins longues. En étudiant les dépôts typiques qui leur sont associés, on s’est peu à peu rendu compte de leur large distribution à la surface du globe au Néoprotérozoïque (Coleman, 1926 ; Spencer, 1971 ; Hambrey & Harland, 1985 ; McCay et al., 2006, Fairchild & Kennedy, 2007). D'après les données radiométriques et d'autres études (Kennedy et al., 1998 ; Hurtgen et al., 2005 ; Halverson, 2006), il y aurait eu trois ou quatre épisodes glaciaires au Néoprotérozoïque, aucun n'étant antérieur à 750 Ma. Les deux grandes glaciations du Cryogénien moyen et terminal sont les glaciations du «Sturtien» (environ 720-660 Ma) et du «Marinoen» (environ 650-635 Ma), qui démontrent que des glaciers existaient à de basses latitudes et que leur présence était globale. Cette longue période de glaciaire (750 à 580 Ma) représente toutefois un épisode climatique unique par comparaison aux conditions de serre qui ont caractérisé la Terre durant la majeure partie de son histoire (Fairchild & Kennedy, 2007). Il semble probable que cette période ait coïncidé avec de faibles concentrations atmosphériques en CO2 et soit

étroitement liée aux cycles géochimiques globaux de l'oxygène et du carbone. L’évolution du vivant et les processus tectoniques apparaissent donc comme les causes les plus plausibles de ces changements atmosphériques globaux.

Les relations précises entre climat et oxygénation accrue à la surface terrestre restent sujettes à spéculation, mais l'étroite coïncidence temporelle entre des glaciations globales avec le GOE d’une part et le NOE d’autre part est frappante. Avant la transition Précambrien- Cambrien, les eaux profondes peu oxygénées et pauvres en sulfate auraient permis des taux élevés de méthanogénèse et donc l'oxydation du méthane du fait de l'augmentation de la teneur en oxygène dans l'atmosphère néoprotérozoïque, ce qui aurait pu entraîner le basculement d'un état de la serre froide à celui de serre chaude serre, agissant ainsi comme un important stimulus de la glaciation (Schrag et al., 2002). Le retour à des conditions de serre tempérée sur la Terre aurait été initié par des taux d'altération inhabituellement élevés des silicates, conduisant à une augmentation des apports en éléments nutritifs dans les océans et, par conséquent, à une forte accumulation de carbone organique favorisant l'anoxie des eaux océaniques profondes (Kirschvink et al., 2000 ; Elie et al., 2007).

Deux autres glaciations, l’une possible vers 750 Ma, et l’autre au cours de l'Ediacarien moyen (évènement Gaskiers vers 580 Ma) semblent avoir été de portée plus limitée et d’influence régionale uniquement (Fairchild & Kennedy, 2007). De plus, l'absence de dépôts glaciaires corrélés à l'échelle globale signifie que la glaciation Gaskiers a été de courte durée au cours de l'Ediacarien, ce qui ressemble davantage aux glaciations typiquement phanérozoïques (Evans, 2003a, Halverson, 2006), bien qu'elle ait été associée à une forte diminution de δ13C.

Néanmoins, de manière générale, l'augmentation de la fréquence des glaciations depuis 720 Ma suggère un refroidissement global du climat terrestre à long terme qui se surimpose à des rétroactions liées à une biosphère de plus en plus complexe (Evans, 2003a). En outre, la répartition des dépôts glaciaires dans l'histoire de la Terre montre, sur un intervalle de 100Ma, un changement depuis des glaciations principalement de basse latitude au

Néoprotérozoïque à des glaciations de haute latitude dans le Phanérozoïque, qui coïncide avec des innovations biologiques majeures survenues à la transition Néoprotérozoïque- Cambrian (Evans, 2003a ; Tajika, 2003).

I.4.2.2 Les variations climatiques enregistrées par Baltica

Le déplacement du micro-continent Baltica au cours du Néoprotérozoïque s’est accompagné de variations climatiques régionales, depuis un climat froid ou frais (60°S de latitude) vers un climat plus chaud (entre 30°S et Equateur) pour revenir à des conditions de climat froid à frais (30-60°S). Ces variations ont entraîné une modification de l’intensité de l’altération supergène alors contrôlée par le système roche-eau-température, les interactions biologiques étant quasi nulles, la vie n’ayant pas encore réussi à conquérir les surfaces continentales à cette époque. En climat frais l’acidolyse est le mécanisme dominant de l'altération ; les minéraux primaires sont alors assez bien conservés et illite et chlorite sont généralement les phyllosilicates les plus abondants. A des latitudes plus basses la température moyenne augmente et les processus hydrolytiques s’intensifient, ce qui conduit à une altération plus ou moins poussée des feldspaths et à la production de smectite et à la disparition progressive des chlorites. En zone intertropicale, le phénomène s’exacerbe et d’épais profils latéritiques riches en kaolinite apparaissent (Liivamägi et al., 2014). Avec le retour de Baltica à des latitudes plus élevées, ces tendances s’inversent, comme cela a été observé sur la marge est, dans les formations ouraliennes du Néoprotérozoïque Supérieur (Maslov et al., 2016). Si les variations ont été enregistrées dans les cortèges minéralogiques d’altération, elles ont par conséquent laissé des signatures géochimiques.

I.4.2.3 Les indices d’altération comme indicateurs de changements climatiques

Dans les profils d’altération de la croûte continentale, les processus chimiques entraînent la migration des éléments les plus labiles (Ca, Na, K et Mg) et concentrent les éléments les moins mobiles (Si, Ti et Al), soit dans la fraction résiduelle soit dans des minéraux néoformés. Par conséquent, la mesure des concentrations élémentaires relatives dans les sédiments est un outil permettant d’appréhender le degré d’altération chimique ayant affecté les roches sources, et donc le paléoclimat qui la contrôlait. Nesbit & Young (1982) ont proposé de suivre l’intensité de l’altération grâce à l’Indice d’Altération Chimique (CIA) définit comme suit :

CIA = 100 * [(Al2O3) / (Al2O3 + CaO* + Na2O + K2O]

où CaO* ne tient pas compte de la contribution des carbonates de la roche. Selon le principe énoncé plus haut, la valeur du CIA devrait être plus élevée pour des climats chauds et humides, les cations labiles lessivés passant alors en solution, et plus faible pour des climats frais et secs, permettant leur rétention dans les profils de sols jusqu'à ce qu’ils soient soustraits mécaniquement (Nesbit & Young, 1982 & 1996).

L’application du CIA à des successions néoprotérozoïques d’Oman d’âge cryogénien montrent que cet indice possède des valeurs élevées durant la période interglaciaire (Rieu et

al., 2007a), et fluctue fortement en relation avec des cycles lithologiques (Leather et al.,

2002) associés à la fin de cette ère glaciaire (Rieu et al., 2007b). Dans les deux cas, les valeurs les plus faibles correspondent aux diamictites glaciogènes. Des observations similaires ont été faites en Chine méridionale dans les formations cryogéniennes Jiangkou et Nantuo (Dobrzinksi et al., 2004).

Ces résultats semblent indiquer que l’évolution du CIA pourrait permettre de suivre les cycles glaciaires/interglaciairres du Néoprotérozoïque ainsi que l’intensité de l'altération des silicates (Rieu et al., 2007b), bien qu’il n’est pas été clairement établi que les variations de CIA observées soient significativement différentes (> 10) d’un faciès à l’autre (Nesbit & Young, 1982).

En même temps que la géodynamique globale influait sur l’évolution du climat à l’échelle planétaire, des changements majeurs survinrent au niveau de la chimie du système atmosphère-hydrosphère.