• Aucun résultat trouvé

1. L’environnement dans l’économie agricole

1.1. Impact environnemental de la réforme de la PAC

Prolongeant la réforme de 1992 qui engageait une réduction des prix de soutien dans les grandes cultures et la viande bovine, compensée par la mise en place d’aides directes au revenu, la réforme de 2003 a poursuivi le découplage des aides à la production, via la mise en place d’un paiement unique à l’hectare, remplaçant la plupart des aides antérieures, qui demeu-raient liées au volume de production et conditionnées à la mise en culture (Butault, 2007).

Du point de vue économique (Guyomard, 2005 et Bureau et Bureau, 1999), cette approche est recommandée car elle constitue le meilleur moyen de soutenir le revenu des agriculteurs, sans créer de distorsion dans leur offre productive. De fait, l’objectif de la réforme de la PAC (cf. Butault et

al. 2005 pour une évaluation économique de la réforme) a bien été de sup-primer les incitations artificielles à la production qui résultaient des mécanis-mes de soutien des prix, et qui avaient fortement stimulé celle-ci.

Généralement, cette réforme est aussi favorable à l’environnement, puis-qu’elle ôte une incitation à l’intensification excessive. Or le principal déter-minant de l’utilisation des engrais et pesticides, par exemple, réside juste-ment dans le niveau de production agricole.

À cet effet principal s’ajouteraient deux autres effets, favorables eux aussi : une extensification de l’élevage, notamment bovin allaitant, associé à une réduction du cheptel correspondant ; et le développement des surfaces en prairies, au détriment des grandes cultures.

Les éléments, qui ont pu être mis en avant allant en sens inverse concer-naient le développement des productions hors sol pour répondre à l’aug-mentation croissante en viande blanche, et un risque de déprise agricole. Il faut toutefois signaler que ce dernier impact a souvent été exagéré, par des analyses qui ignoraient que, dans la situation de référence, un droit d’accès au soutien s’était constitué même s’il n’avait pas d’existence propre. La contribution de Guyomard, Chatellier, Courleux et Lever à ce rapport rap-pelle en effet que les DPU ne constituent pas une barrière « additionnelle » à l’entrée, car ceux-ci ne font que rendre visibles ce qui, autrefois, l’était moins car capitalisé dans le foncier ou les pas-de-porte.

L’effet bénéfique de la réforme sur l’environnement réside donc dans la plus grande neutralité du soutien, plutôt que de modalités qui lui seraient délibérément favorables. Ceci n’est pas négligeable, car souvent des dom-mages importants à l’environnement résultent d’incitations économiques mal conçues, comme le montre l’étude de Stenger et al. (2004) sur la biodiversité. Celles-ci doivent évidemment être démantelées en premier. Mais ceci de-meure insuffisant, et il faut ensuite introduire ces mesures plus positives. À cet égard, on a rappelé en introduction que les mesures plus spécifiquement environnementales de la PAC restaient d’ampleur limitée. De plus, il se trouve que nous avons privilégié, au niveau national, le statu quo, en mainte-nant par exemple, les possibilités de couplage des aides à la production vé-gétale qui demeuraient permises (cf. encadré 1).

1. Mise en œuvre de la réforme au niveau national

La France a choisi d’utiliser les options de découplage partiel. Elle a ainsi choisi de maintenir couplées :

• dans le domaine végétal :

– 25 % des aides aux grandes cultures ;

– 42 % de l’aide au riz en métropole et 100 % en Guyane ; – 60 % des aides à la pomme de terre féculières ;

• dans le domaine animal :

– 100 % de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes (PMTVA) ;

– 100 % de la prime à l’abattage des veaux (PAB veaux) ; – 40 % de la prime à l’abattage des gros bovins ; – 50 % des primes caprines et ovines pour les brebis.

Par ailleurs, le calcul des DPU est basé sur les références historiques indivi-duelles, et la France a décidé de ne pas recourir à l’article 69. La conditionnalité des aides PAC subordonne le versement intégral des aides directes aux agricul-teurs au respect :

• des exigences réglementaires en matière de gestion des terres agricoles ; • de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) ;

• le maintien des prairies permanentes.

Le premier volet de la conditionnalité est constitué de dix-neuf directives et règlements communautaires. Toutefois seuls certains articles de ces textes en-trent dans le champ de la conditionnalité. Cinq textes concernent l’environne-ment, onze la santé publique, les animaux et les végétaux, trois le bien-être des animaux.

Les BCAE visent quatre objectifs : protéger les sols contre l’érosion ; main-tenir le niveau de matière organique du sol ; mainmain-tenir la structure des sols et assurer le niveau minimal d’entretien des terres.

Ces orientations se déclinent en cinq mesures :

• mise en place d’une surface minimale en couvert environnemental. À ce titre, les agriculteurs doivent consacrer 3 % de la surface en céréales, oléopro-téagineux, lin, chanvre et gel (dont bandes enherbées le cas échéant) au cou-vert environnemental. Aucun fertilisant ou pesticide ne doit être appliqué sur ces couverts, qui doivent être implantés en priorité le long des cours d’eau ;

• non-brûlage des résidus de culture ;

• diversité des assolements. Chaque agriculteur doit mettre en place au moins trois cultures différentes dans son assolement, ou au moins deux familles de cultures différentes. Chacune de ces cultures doit couvrir au moins 5 % de la sole cultivée ;

• prélèvements pour l’irrigation en système de grandes cultures. Chaque agriculteur doit posséder une déclaration ou un arrêté d’autorisation de prélè-vement et un moyen d’évaluation approprié des volumes prélevés (compteur d’eau) ;

• entretien minimum des terres pour empêcher le développement d’adventi-ces indésirables et la prolifération de broussailles.

En cas de non-respect des exigences réglementaires ou des BCAE, la gravité, l’étendue, la persistance et la répétition du non-respect constatées sont prises en considération et conditionnent le niveau de la sanction. Au titre de l’année 2005, on constate que 11,6 % des agriculteurs contrôlés ont été sanctionnés à hauteur de 1 % des aides, 0,04 % à hauteur de 3 % et 0,05 % à hauteur de 5 %.

Par ailleurs, les aides découplées (DPU) ont été allouées sur une stricte base individuelle historique, alors que d’autres pays se sont orientés vers des aides à l’hectare uniformes au niveau régional. De cette manière, les effets redistributifs de la réforme ont été minimisés, mais de ce fait ont été maintenues aussi les « inégalités » de revenu entre types d’exploitation qui prévalaient, entre les exploitations à orientation grandes cultures et produc-tions animales, notamment. Ces écarts, rappelés ci-dessous, sont en effet déterminés fortement par les types de soutien, mais soumis aussi à des va-riations annuelles importantes (Chassard et Chevalier, 2007).

Résultats des exploitations agricoles(*)

selon leur orientation technico-économique

Note : Résultats rapportés à l’unité de travail appliqué (UTA)

Source : SCEES.

La question qui est posée aujourd’hui est celle de la pérennité de cette approche, la seule légitimité des DPU étant « historique ». Or, s’il est équi-table de ne pas rompre brutalement un soutien qui pouvait être considéré comme associé à un contrat implicite avec les agriculteurs bénéficiaires, cet argument ne peut justifier le maintien sans limitation de tels transferts, que l’on pourrait alors basculer opportunément vers des mécanismes purement financiers. Dès lors, se pose donc la question de la légitimité des subventions agricoles, et pour ce qui nous concerne : des éventuelles justifications environnementales et territoriales à ce soutien ; de la place des mesures agro-environnementales au sein de l’ensemble ; et celle de leurs modalités.

De manière générale, nous recommanderons de concevoir ces mesures comme une rémunération de services, et non comme des subventions, et nous soulignerons aussi que cette rémunération des externalités agricoles et ter-ritoriales positives ne pourrait prendre son essor, sans que, simultanément, soient correctement régulées les pressions de l’agriculture sur l’environnement.

Céréales oléagineux protéagineux 32,7 Autres grandes cultures 37,0 Maraîchage et fleurs 34,2 Vins d’appellation 28,7 Autre viticulture 22,3 Fruits 29,5 Bovins lait 21,4 Bovins viande 24,4 Bovins mixtes 24,9 Autres herbivores 17,2 Dont ovins 19,4 Hors-sol 27,6 Polyculture 27,5 Autres mixtes 25,0 2002, valeur k€ 2003