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CHAPITRE 2 REVUE DE LITT´ ERATURE

2.1 Impact de la sismicit´ e sur les barrages-poids

Ainsi qu’´evoqu´e pr´ec´edemment en introduction, l’´evaluation sismique des barrages est une ´

etape cruciale dans la v´erification de leur s´ecurit´e, dont d´ependent des enjeux tant humains qu’´economiques. Plusieurs ´ev`enements pass´es sont notamment l`a pour nous le rappeler. Avant 2006, seulement une vingtaine de barrages en b´eton ont subit une acc´el´eration sup´erieure `a 0.2 g (Alliard, 2006). Toutefois, parmis ceux-ci, un certain nombre voyaient leur crit`eres de dimensionnement inf´erieurs aux efforts sismiques support´es. Aussi, plusieurs exemples de bar- rages ayant subits des d´egats sont disponibles, dont certains sont pr´esent´es `a la suite.

Ainsi, le barrage `a contreforts de Hsingfengkiang (situ´e en Chine, haut de 150 m) a subit en 1962 plusieurs sollicitations sismiques provoqu´ees par son r´eservoir, dont la plus forte eu une magnitude (sur l’´echelle de Richter) de 6.1. Plusieurs fissures horizontales, en haut des contreforts, sur la face aval du barrage, ont ´et´e alors constat´ees suite `a cet ´ev`enement (Gupta et Ramaseshan, 1992).

Le barrage poids de Konya, en Inde, haut de 104 m, constitue aussi un autre exemple. Il fut, en effet, endommag´e suite `a un s´eisme de magnitude 6.3, probablement dˆu au remplissage de son r´eservoir. Les acc´el´erations de pointe au roc (APR) furent de 0.51 g horizontalement et de 0.36 g verticalement. Suite `a cette sollicitation, des fissures longitudinales, pr`es de la crˆete, sur les deux faces du barrage, sont apparues. Celui-ci a, en effet, ´et´e con¸cu grˆace `a une analyse pseudo-statique, et des analyses num´eriques r´ealis´ees depuis ont d´emontr´e que cette zone de fissuration fut une zone critique o`u les contraintes en traction ont d´epass´e de plus de trois fois la r´esistance du b´eton de masse. Ces mˆemes analyses ont, aussi, montr´e, qu’avec les m´ethodes de conception contemporaines, ce barrage n’aurait pas subit de dommages. Des d´eplacements entre monolithes le long de joints verticaux ont ´et´e aussi relev´es (Gupta et Ramaseshan, 1992, ICOLD, 2001).

L’exemple du barrage en b´eton `a contreforts de Sefid Rud, haut de 105 m, en Iran, est notable car il a subit un s´eisme, en 1990, d’une magnitude de 7.5. Il fut, notamment, soumis

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a une acc´el´eration au sol de 0.7 g du fait de sa proximit´e avec l’´epicentre (5 km). En d´epit de la violence de la secousse sismique, et malgr´e qu’il fut dimensionn´e pour une acc´el´era- tion de 0.25 g en pseudo-statique, la performance de la structure fut assez satisfaisante. Les dommages relev´es furent un glissement de 20 mm entre la fondation et la crˆete de l’ouvrage, l’apparition de fissures horizontales au niveau des joints b´eton-b´eton proches du sommet et le glissement le long de joints verticaux entre monolithes - allant jusqu’`a 50 mm (USCOLD, 2000, ICOLD, 2001).

Enfin, le seul exemple, `a ce jour, de rupture de barrage suite `a un tremblement de terre est celui de Shih Kang, construit en 1976, haut de 25 m, `a Taiwan (s´eisme de Chi Chi, en 1999, de magnitude 7.6). Toutefois la rupture fut induite par un mouvement diff´erentiel de 7.7 m d’une faille situ´ee directement sous le barrage, et non par l’acc´el´eration au sol qui fut de 0.56 g. En effet, le reste du barrage n’ayant pas ´et´e touch´e par ce d´eplacement a subit tr`es peu de d´egats (quelques fissures horizontales ne remettant pas en cause l’int´egrit´e de l’ouvrage). Il est notable que cette rupture n’a provoqu´e aucune perte de vie humaine : l’ensemble des 2.7 millions m3 d’eau du r´eservoir ont ´et´e efficacement drain´es par le canal aval (Alliard, 2006).

N´eanmoins cet ´ev`enement constitue un s´erieux avertissement quant aux cons´equences de la rupture d’un barrage.

2.1.2 M´ecanismes de rupture obsserv´es sous un s´eisme

L’ensemble des ´ev`enements survenus durant un s´eisme est riche d’enseignements pour la recherche et la conception de barrages-poids. Ainsi, trois types majeurs de dommages struc- turels ont pu ˆetre relev´es :

– des fissures horizontales au niveau des interfaces b´eton-b´eton (joints de reprise) et barrage-fondation, induisant `a ce niveau des glissements ;

– des fissures verticales entre deux monolithes d’un mˆeme barrage, provoquant des d´e- placements diff´erentiels ;

– des ouvertures de joints impliquant des ´ecoulements d’eau.

Ces dommages sont d’excellents indicateurs sur les modes de d´efaillance structuraux pos- sibles d’un barrage-poids suite `a un s´eisme. Ceux-ci ont, alors, permis d’´elaborer des m´ethodes d’analyses adapt´ees pour concevoir et anticiper le comportement d’ouvrages hydrauliques. Ainsi, les glissements observ´es entre monolithes indiquent un comportement plutˆot auto- nome de ceux-ci, et autorisent la mod´elisation, notamment en deux dimensions, de chacun d’entre eux de mani`ere ind´ependante (USACE, 2003).

Par ailleurs, trois modes de rupture structuraux, `a la base des crit`eres de conception des barrages poids, sont d´eduits des observations ant´erieures : le glissement horizontal des blocs de b´eton les uns sur les autres (`a ´eviter, tol´er´e seulement si des analyses pouss´ees d´emontrent qu’il reste minimal), le renversement d’un monolithe et le d´epassement des contraintes ad- missibles (aux interfaces et dans les blocs).

Du fait de l’impulsivit´e des secousses sismiques, la possibilit´e d’un renversement demeure extrˆemement faible : il est commun´ement admis que le mode de rupture structural le plus probable, au sein d’un barrage poids `a g´eom´etrie r´eguli`ere, durant un tremblement de terre, est le glissement aux interfaces b´eton-b´eton et barrage-fondation (ICOLD, 1983). Ainsi, seul ce type de d´efaillance structurale sera ´etudi´e au long de ce m´emoire, notamment au niveau de l’interface barrage-fondation qui constitue g´en´eralement le lieu le plus fragile de l’ouvrage - voir Chapitre 3 (Lo et Grass, 1994).

Le glissement au niveau d’un plan de rupture (correspondant `a un joint), dans la tr`es large majorit´e des codes, est ´etudi´e au moyen du Facteur de S´ecurit´e au Glissement (F SG, SSF en anglais). Ce facteur peut ˆetre calcul´e tant par des analyses pseudo-dynamiques que dynamiques temporelles : il ne n´ecessite pas de mod`eles non-lin´eaires pour ˆetre d´eter- min´e (voir section suivante). Introduisant W le poids du barrage, U la r´esultante verticale des sous-pressions, Hs la r´esultante horizontale des pressions hydrostatiques, Hd la r´esul- tante horizontale des pressions hydrodynamiques, EQH et EQV les forces d’inerties sismiques respectivement horizontales et verticales, φ l’angle de friction, c la coh´esion et A l’aire non- fissur´ee sur le plan de rupture ´etudi´e, le F SG est g´en´eralement donn´e dans la litt´erature par (USACE, 1999, OFEG, 2002) :

F SG = (W − U − EQV) tan(φ) + cA

EQH+ Hd+ Hs (2.1)

Le F SG correspond, en fait, au rapport des forces stabilisantes et de la coh´esion sur les forces destabilisantes. Tant que le F SG est sup´erieur `a 1, les forces lat´erales exerc´ees sont suppos´ement insuffisantes pour provoquer un glissement `a l’interface qui ob´eit, alors, au cri- t`ere de rupture de Mohr-Coulomb. Toutefois, pour tenir compte de diverses incertitudes, la plupart des codes recommandent une marge de s´ecurit´e par rapport au F SG (ICOLD, 2004).

N´eanmoins, les d´egats structurels ne furent pas les seuls relev´es sur les ouvrages hydrau- liques apr`es un tremblement de terre. L’amplification du signal sismique au sein de la structure

peut, en effet, provoquer des dommages significatifs tant sur la structure que sur les syst`emes secondaires rattach´es au barrage. Celle-ci a d´ej`a ´et´e relev´ee durant des tremblements de terre pass´es. Ainsi, durant le s´eisme du Saguenay au Qu´ebec, les enregistrements situ´es sur trois sites de barrages diff´erents ont montr´e une amplification `a la crˆete de l’acc´el´eration au sol allant de 7 `a 15 fois (Rainer et Dascal, 1991). En outre, Wieland et Malla (2000) ont r´ealis´e une analyse 3D d’un barrage en arc haut de 45 m : ils ont trouv´e un facteur d’amplification de l’APR de 3.8 dans la galerie sup´erieure, et d’environs 8 `a la crˆete. Des spectres de plancher ont ´et´e aussi employ´es afin de g´en´erer des acc´el´erogrammes adapt´es pour conduire des ana- lyses sur la partie sup´erieure fissur´ee du barrage (Wieland et Malla, 2000). L’amplification de l’APR a ´et´e aussi mise en ´evidence par des essais de plaque vibrante (Donlon et Hall, 1991, Lin et al., 1993, Tinawi et al., 2000).

L’´evaluation de l’amplification de l’acc´el´eration suivant la hauteur de l’ouvrage est donc cruciale et, si durant la plupart des s´eismes, les dommages au barrage en lui-mˆeme demeurent tr`es limit´es, les ´equipements support´es en hauteur sont souvent tr`es touch´es par celle-ci. Ainsi, de nombreuses d´efaillances de murs, parapets ou vannes furent remarqu´ees apr`es un tremble- ment de terre (USCOLD, 2000, Matsumoto et al., 2011). Ceci nous am`ene `a perfectionner les m´ethodes permettant leur conception comme propos´e dans le Chapitre 4 de ce m´emoire. En effet, certaines normes contemporaines sp´ecifient clairement la n´ecessit´e de prendre en consi- d´eration l’amplification de la sollicitation au sol (ICOLD, 2010). Pour autant, l’amplification de l’acc´el´eration sismique est encore trop rarement prise en compte dans le dimensionnement de syst`emes secondaires sur un barrage-poids.

2.2 Etat de l’art de l’analyse sismique des barrages-poids´