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III. 1.1 “Invisibilité de la cellule tumorale”

IV.1 Cibler la cellule tumorale

IV.1.2 Immunothérapie active

IV.1.2.2 Immunostimulation spécifique

Grâce à la caractérisation des antigènes tumoraux, la vaccination anti-tumorale est une approche très étudiée et de nombreux essais cliniques sont en cours. Cette immunothérapie active dite spécifique comprend différentes méthodes.

La première consiste à irradier des cellules tumorales autologues ou allogéniques et à les injecter aux patients afin de les immuniser.

Dans la même optique, l’injection directe d’antigènes tumoraux a été initiée dans des essais cliniques, en particulier dans le traitement du mélanome avec les peptides MAGE. Ces essais ont mis en évidence quelques réponses complètes et la régression de métastases de certains des patients mais aucune réponse immune systémique induite par la vaccination n’a pu clairement être établie [466, 467]. Egalement, l’administration de peptides dérivés de l’antigène spécifique de fusion bcr-abl a fait l’objet d’un essai clinique de phase II chez des patients atteints de LMC, après transplantation allogénique de moelle. Sur les 14 patients inclus, 12 ont montré une réponse positive pour la prolifération des lymphocytes T CD4+ après 8 vaccinations, dont certaines ont été persistantes jusqu’à plus de 10 semaines. De plus, 3 patients exprimant HLA-A3 et 1 patient exprimant HLA-A11 ont montré une réponse T CD8+ qui n’a cependant pas perdurée. Concernant le devenir clinique de ces patients, les résultats sont plus difficiles à analyser, d’autant que certains patients ont reçu des traitements concomitants (IFN-α, injection de leucocytes, imatinib) : 29% des patients ont montré une diminution du pourcentage de chromosome philadelphie, 21% une négativité pour l’expression de bcr-abl par RT-PCR, 36% aucun changement et 14% une progression. Ce type de vaccination démontre donc son potentiel dans l’induction d’une réponse immune adaptative spécifique, même si de nouvelles recherches sont nécessaires afin d’améliorer ces réponses cliniques [468].

Dans le but d’optimiser la réponse immune induite par la tumeur, plusieurs équipes cherchent à augmenter l’adressage des antigènes tumoraux aux CDs. Pour ce faire, des essais cliniques utilisant des CDs modifiées génétiquement pour l’expression de différentes molécules (chimiokines, cytokines, antigènes tumoraux) et évaluant leur efficacité sont en cours [469]. Des vaccins d’ADN, également en évaluation, sont des véhicules servant à produire des antigènes in vivo. Ils sont constitués d’un plasmide d’ADN codant pour le gène d’intérêt sous le contrôle d’un promoteur et peuvent être administrés en sous-cutané, en intradermique ou en intramusculaire. Plusieurs essais cliniques concernant divers cancers (lymphome, prostate, sein, mélanome) montrent la faisabilité et la toxicité limitée de cette approche. Cependant, si une immunité humorale a pu être détectée dans la plupart des essais, aucun lien avec une réponse clinique ne peut être clairement établi. D’autres essais permettront sans doute de le montrer dans les années à venir [470].

Une autre approche consiste à induire, in vivo, la mort des cellules tumorales pour permettre la libération d’antigènes tumoraux et rendre les tumeurs immunogènes. Plusieurs systèmes peuvent induire ce mécanisme, tels la transfection de gène suicide, la cryoablation et la radiothérapie. L’injection de lignées murines de carcinome hépatocellulaire transfectées par le VHS-tk ADNc dans des souris, a permis au Ganciclovir d’induire l’apoptose spécifique de ces cellules et l’augmentation du nombre de CDs infiltrant la tumeur. Ces CDs ont ensuite été impliquées dans l’induction de la réponse immune adaptative observée, puisque le nombre des CDs et celui des lymphocytes T CD4+ et CD8+ dans les ganglions drainant la tumeur étaient augmentés. De plus, ces lymphocytes exprimaient le marqueur de prolifération Ki67 [471]. De même, relativement à la résection chirurgicale classique, la cryoablation d’une tumeur xénogreffée par des cellules d’une lignée cancéreuse mammaire murine (MT-901) augmente le nombre de lymphocytes T dans le ganglion drainant. La greffe de lymphocytes T murins activés (ganglionnaires ou spléniques) à des souris portant des métastases pulmonaires réduit le nombre de celles-ci, suggérant une meilleure reconnaissance des antigènes tumoraux et donc une réponse immune plus efficace avec la cryoablation [472]. Enfin, la radiothérapie de xénogreffes de mélanome murin (B16) augmente les CTLs spécifiques dans les ganglions et la tumeur primaire. Ce résultat est corrélé avec une diminution significative de la croissance tumorale des souris irradiées (versus des souris contrôles ou irradiées et ayant reçu une

l’injection de Th1 activés in vitro à proximité d’une xénogreffe intradermique de lymphome, réduit significativement la croissance tumorale, l’apparition de métastases et améliore la survie. Enfin, une seconde xénogreffe des mêmes cellules tumorales dans les souris préalablement traitées, a avéré la mise en place d’une mémoire immunitaire puisqu’aucune tumeur n’est apparue [473].

Dans le même but, plusieurs études utilisent directement les CDs manipulées in vitro ou

ex vivo pour augmenter leur pouvoir immunogène avant de les injecter aux patients. Ainsi, ces

cellules peuvent être respectivement chargées par des peptides tumoraux, des extraits de cellules tumorales, des corps apoptotiques, des exosomes ou fusionnées avec des cellules tumorales. Une étude de phase II comprenant 33 patients ayant un cancer métastatique de la prostate, a évalué l’efficacité de CDs autologues chargées avec des antigènes prostatiques (PSM-P1 ou PSM-P2). 32% des patients ont eu une régression de leur maladie avec 8% de réponses complètes et 24 % de réponses partielles avec une durée de réponse moyenne d’environ 5 mois [474]. Une phase III randomisée, utilisant des CDs autologues exprimant PAP

versus placebo chez des patients atteints de cancer prostatique hormono-résistant, n’a pas

montré de différence significative pour le temps de progression entre les deux groupes. Par contre, 3 ans post-randomisation, le gain de survie des patients vaccinés est de 4.5 mois supérieur et le taux de survie de 34% contre 11% pour les patients ayant reçu le placebo [475]. L’hétérokaryon formé par la fusion syngénique de CDs et de cellules tumorales exprime à la fois les antigènes associés aux tumeurs et les molécules de co-stimulation du CMH de classe II (B7.1 et B7.2), ICAM-1, LFA-1 et -3 et le CD40 [476]. Plusieurs études précliniques ont démontré la capacité des vaccins de CDs fusionnées (générées ex vivo) à diminuer la taille des tumeurs (mélanome, colorectal, sein, poumon, rein, myélome, …) et à prévenir ou retarder leur apparition spontanée en modèle murin [476]. Les CDs générées ex vivo peuvent être fusionnées avec des cellules tumorales entières puis réintroduites chez le patient ou être utilisées pour induire et amplifier des CTLs autologues qui sont ensuite injectés. Une étude récente portant sur des patients atteints de carcinome rénal ou mammaire métastatiques a rapporté, outre la faisabilité de l’approche, des réponses cliniques encourageantes. Deux des patients présentaient une régression des masses métastatiques de cancer du sein et 6 patients présentaient une maladie stabilisée jusqu’à 9 mois après le traitement. De façon intéressante,

cette étude montre l’induction d’une réponse immune par l’augmentation du pourcentage de cellules T exprimant l’IFN-γ après exposition au lysat tumoral in vitro. Cependant, cette réponse immune est difficilement corrélée à la réponse clinique [477]. D’autres essais cliniques de phase I/II fusionnant des CDs allogéniques avec des cellules tumorales autologues ont été menés. Dans le mélanome, ces vaccins ont été injectés en sous-cutané et induisent une réponse complète, une réponse partielle et cinq maladies stabilisées sur seize patients au total [476]. Dans un autre essai comprenant des patients atteints de carcinome rénal métastatique, 17 malades ont été traités par vaccination sous-cutanée de CDs allogéniques électro-fusionnées avec des cellules tumorales autologues, à proximité des ganglions lymphatiques inguinaux. 41% des patients ont eu une réponse à la vaccination avec 23% de rémission complète et 17% des patients ont eu une diminution de moitié de leurs masses tumorales pendant plus de trois mois. Ces résultats ont été associés à l’accumulation de lymphocytes T CD8+ aux sites tumoraux [478]. D’autres techniques ont été exploitées pour augmenter l’immunogénicité des CDs, comme l’utilisation d’exosomes dérivés de CDs (Dex). Cette technique a la capacité d’activer l’immunité innéeetadaptativeinvivo[479, 480].Ellefaitactuellementl’objetd’unessaicliniquedephase II concernant des patients inopérables de cancer du poumon non à petites cellules, après chimiothérapie. Ses objectifs sont l’amélioration de la survie post-chimiothérapie et l’évaluation de son efficacité clinique et de sa sécurité.

Au vu des résultats des essais cliniques encourageants mais des réponses cliniques faibles de manière générale, la tendance évolue vers la combinaison des traitements. Une étude récente a ainsi associé l’injection intra-tumorale de CDs immatures et de cellules T activées chez des patients atteints de différents cancers en rechute après chimio- et radiothérapie. Les 37 patients inclus dans l’étude ont tous reçu au moins une injection de CDs associée au surnageant de cellules T activées. Certains ont aussi reçu une injection de cellules T activées 3 jours après celle des CDs, d’autres ont reçu une chimiothérapie une semaine avant et/ou une radiothérapie pendant la semaine précédent l’injection des CDs. les taux de réponse, évalués 3 à 4 semaines après la première injection de CDs montrent une réponse complète, 6 réponses partielles pendant au moins 3 mois et 25 états stables. La réponse complète a été observée pour un patient traité avec l’arsenal thérapeutique complet, les réponses partielles pour des patients traités par CDs associées ou non à une chimiothérapie et les états stables ont été observés dans tous les groupes -sauf celui de l’arsenal complet-. Le but de cette étude était de démontrer la

l’immunothérapie. Les analyses de toxicité montrent des effets secondaires essentiellement dans le groupe des patients ayant reçu la totalité des traitements, et semblent relativement bien supportés. Cet essai a été étendu à d’autres patients pour évaluer l’efficacité et la sécurité de ces combinaisons thérapeutiques [481].

Le premier essai clinique publié sur la stimulation dans l’organisme humain des lymphocytes T-γδ est une étude pilote concernant des patients atteints de cancers lymphoïdes (LNH, LLC et MM) en échec thérapeutique. Ces patients ont été traités par le pamidronate (PAM) associé à l’IL-2 à des doses différentes afin d’évaluer la toxicité. Cet essai démontre d’une part que le pourcentage de cellules T-γδ des malades répondeurs à la stimulation par le PAM et l’IL-2 est moindre que celui des donneurs sains (49% versus 88%). Et d’autre part, que l’expansion in vivo

des lymphocytes T-V

γ9Vδ2 corrèle avec la thérapie et qu’elle serait un pré- requis à la régression tumorale. L’objectif principal de l’étude démontre la faisabilité d’une immunothérapie spécifique des cellules T-γδ chez l’homme puisqu’aucune dose limite d’IL-2 n’a pu être observée (toxicité) et la combinaison thérapeutique a été bien tolérée. Les résultats d’efficacité sont à confirmer compte-tenu du faible nombre de patients inclus [114]. Une étude ultérieure démontre cependant la capacité du zoledronate à induire la maturation des lymphocytes T-Vγ9Vδ2 chez des patients atteints de cancers métastatiques de la prostate et du sein. En effet, le phénotype des sous-populations de cellules T-γδ des patients, initialement identique à celui des donneurs sains, est modifié par le zoledronate. Les lymphocytes T-γδ naïfs et mémoires diminuent et les effecteurs augmentent pour un même nombre de cellules. La stimulation in vitro par l’IPP et l’IL-2 corrobore ces résultats, puisque la prolifération des lymphocytes T-Vγ9Vδ2 diminue entre le premier et le troisième mois de traitement alors que la production d’IFN-γ par ces cellules augmente. Ceci suggère une différenciation des lymphocytes T-γδ en effecteurs cytotoxiques sous l’effet du zoledronate [81]. La même équipe a alors mis en place un essai clinique de phase I incluant des patients atteint d’un cancer métastatique hormono-résistant de la prostate. 9 patients dans chaque bras ont été traités par injection de zoledronate ou de zoledronate et d’IL-2. Le devenir des patients à 12 mois a été corrélé avec le nombre de lymphocytes T-γδ dans le sang. A 9 mois, la survie des patients est également corrélée au nombre de cellules T-γδ de phénotype effecteur mémoire, et s’avère inversement

relate la régression de métastases pulmonaires de mélanome suite à l’administration de zoledronate associée à la radiothérapie [482]. Ainsi, l’immunothérapie active et spécifique des lymphocytes T-Vγ9Vδ2 démontre sa faisabilité et son efficacité dans différents types de cancers.